Nouvelle Calédonie : Intervention du Sénateur Guillaume Arnell
PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE RELATIVE AU STATUT DES AUTORITÉS ADMINISTRATIVES INDÉPENDANTES CRÉÉES PAR LA NOUVELLE-CALÉDONIE
Intervention en discussion générale de Guillaume Arnell
Monsieur le Président,
Madame la ministre,
Mes chers collègues,
La Nouvelle-Calédonie s’est dotée d’un dispositif « anti-trust » afin d’assurer un fonctionnement concurrentiel du marché sur un territoire où les structures historiques de l’économie locale rendent particulièrement complexes la préservation de l’ordre public économique.
En effet, et comme le constatait l’autorité de la concurrence dans son rapport du 21 septembre 2012, la Nouvelle Calédonie souffre à la fois d’un marché relativement étroit qui limite les gains d’échelle possibles des activités locales et de situations d’oligopoles. Ces situations quasi-monopolistiques étant renforcées par des dispositions telles que des barrières tarifaires et réglementaires mises en place pour protéger les entreprises locales de la concurrence, ce qui impacte fortement les prix, comme c’est malheureusement bien souvent le cas dans les économies insulaires.
Fort de ce constat, le Congrès de Nouvelle Calédonie a profondément rénové et modernisé le cadre juridique de la régulation économique sur son territoire en faisant le choix d’agir sur les structures de marché, plutôt que de contrôler les prix.
Ainsi, les pratiques anticoncurrentielles feront l’objet d’une contrôle étroit, qu’il s’agisse de comportements illégaux (entente, abus de position dominante) ou de structures nuisant au marché, notamment de concentrations.
Les autorités calédoniennes ont donc décidé de la mise en place d’une autorité de la concurrence afin que celle-ci qualifie, interdise, voire sanctionne ce type de comportement déloyal.
L’option pour une autorité administrative indépendante, dotée de pouvoirs décisionnels, imposait de modifier les dispositions organiques formant le statut de la Nouvelle Calédonie qui dévolue par la même une part de ses compétences.
Dès lors, notre discussion portant sur la création d’une autorité de la concurrence de la Nouvelle Calédonie, il faut mettre celle-ci en perspective avec les travaux de la commission d’enquête, à l’initiative du RDSE, sur les autorités administratives indépendantes.
Les conclusions du rapport sur le sujet, présenté par le Président Mézard, font apparaître que les autorités administratives indépendantes, qui disposent d’un pouvoir considérable dans des secteurs clefs de la Nation, risquent devenir « un Etat dans l’Etat » si leur prolifération n’est pas canalisée et leur contrôle n’est pas assuré.
Aussi, il nous semble que l’apparition d’une AAI, fusse-t-elle de la concurrence et instituée en Nouvelle Calédonie, pourrait être porteuse de risques quant aux équilibres institutionnels, sauf si, là également, un cadre juridique stricte et un contrôle effectif sont mis en œuvre.
Il est nécessaire que l’indépendance et l’impartialité de l’Autorité administrative, ainsi que celles de ses membres, soient assurées ; et il nous semble, après une étude minutieuse et des évolutions du texte d’origine, que la proposition de loi organique garantisse ces aspects.
En effet, le consensus auquel sont parvenus autorités locales et nationales sur les incompatibilités personnelles et professionnelles des membres de l’autorité de la concurrence de Nouvelle Calédonie paraît bien à même de garantir la prévention des conflits d’intérêts.
La coopération à l’échelon infra-étatique sera déterminante également et je regrette de ne pas avoir plus d’information. Mais peut être pourriez vous m’éclairer, Madame la Ministre, sur les relations qu’entretiendront les autorités de la concurrence nationale et locale. Comment collaboreront elles ? A t il été envisagé l’éventualité de mettre en place un système de question préjudicielle ?
D’autant plus que les dispositions légales dotent l’autorité de la concurrence de Nouvelle Calédonie de pouvoirs et d’une responsabilité considérables, de surcroît, le Président sera habilité à siéger seul dans certains cas. Il lui sera en effet possible d’interdire des opérations économiques très conséquentes en termes financiers et d’infliger des sanctions financières conséquentes aux entreprises mises en cause.
Bien sûr un recours devant les instances juridictionnelles est prévu mais le temps de procédures sera également à prendre en compte.
Enfin, comme le soulignait le rapport de Jacques Mézard, et ça rejoint mes interrogations précédentes, il ne faut pas qu’il y ait de transferts de pouvoir sans transfert de responsabilité, notamment devant les instances démocratiques qui se sont délester d’une partie de leurs attributions au profit de l’autorité en question.
Ainsi, nous nous félicitons de ce que la loi organique prévoit qu’en contrepartie de cette indépendance, les conditions du contrôle de l’autorité de la concurrence de Nouvelle Calédonie par l’autorité politique soient prévues, notamment par la rédaction d’un rapport d’activité présenté annuellement devant le gouvernement et devant de la congrès de la Nouvelle-Calédonie.
A condition toutefois qu’il ne s’agisse pas d’un rapport de plus et que celui-ci contribue véritablement à mettre en exergue les améliorations possibles de la réglementation des pratiques anti-concurrentielles en Nouvelle Calédonie.
Dès lors, cette proposition de loi organique faisant l’objet d’une approche consensuelle, la position majoritaire de notre groupe est favorable à l’adoption de ce texte.
Je vous remercie.