” Chassé-Croisé Paris Sxm ” de Valérie Lieko : Séance dédicace mercredi 1er Juillet à la Maison de la Presse de Marigot
Valérie Lieko, l’auteure du roman “Chassé-Croisé Paris SXM” sera à la maison de la presse à Marigot pour une séance dédicace le mercredi 1er Juillet de 15 hrs à 17 hrs.
Plusieurs fois nous vous avons présenté Valérie Lieko. Le mois dernier dans nos colonnes, à l’occasion de la sortie de son premier roman qui nous raconte la découverte de la friendly Island par une jeune femme tombée amoureuse dès son arrivée à Saint-Martin, puis le 11 Juin pour sa première séance dédicace en “extérieur” à la librairie des îles à Concordia.
Pour ceux qui auraient zappé les détails du roman “Chassé-Croisé ” de Valérie, vous pourrez toujours lire le premier extrait publié dans nos colonnes ICI avant de lire un autre petit morceau de bonheur extrait du chapitre 5 :
EXTRAIT CHAP 5
Premier décembre deux-mille-treize, je reprends mon périple caribéen en regagnant la gare maritime de Pointe-à-Pitre. La mer est étrangement plate, presque huileuse. Aussitôt débarquée, je saute dans un taxi, le taxi de Jojo, ça ne s’invente pas non plus, qui m’emmène vers l’aéroport international Pôle Caraïbes pour aller prendre l’avion qui me conduira sur l’île plus frénétique qu’est Saint-Martin.
Je traîne derrière moi ma valise à roulettes, en bandoulière mon sac à main et je ne sais plus trop quoi faire de mon bagage à main. Pourquoi ai-je emmené tant de choses ? Je trouve un chariot abandonné qui va venir à mon secours. Devant les vitres d’une boutique de souvenirs, j’aperçois ma silhouette. J’ai posé sur ma tête un large chapeau de coupeur de canne à sucre et une nouvelle paire de lunettes de soleil. Résultat : je suis méconnaissable !
Je cherche le comptoir d’embarquement pour Saint-Martin, alias SXM, dans le hall des départs. Tout à coup, comme dans un film, j’entrevois Prunelle, en tailleur jupe, chemise blanche déboutonnée dévoilant un pendentif orné d’un splendide diamant, tombant au milieu de son bonnet D. Mais celle-ci, concentrée, ne me reconnaît pas. Quel miracle ! Ou fait-elle mine de ne pas me reconnaître ?
Elle se dirige, le regard impénétrable, une valise jaune solide de marque Samsonite à la main, vers le comptoir d’une autre compagnie aérienne locale : Air Antilles Express. Le comptoir affiche l’enregistrement pour les passagers à destination de Puerto Rico. Le jeune homme présent l’autre jour à son appartement vient la rejoindre. Lui est vêtu d’un pantalon bleu pastel, à la dernière mode, beaucoup trop féminin à mon goût. Je me fais toute minuscule, voire transparente, pour qu’ils ne me voient pas.
À ce stade-ci, j’opte pour le cas de figure trafiquante de drogues. Suis-je remplie de préjugés ? Ai-je vu trop de films ? Je ne sais pas. Y a-t-il une autre explication ? Je ne veux pas le savoir ! My God, Nadège, je ne t’envie pas. Je me demande d’ailleurs ce que je vais pouvoir te dire à mon retour. Vite, ne plus y penser, politique de l’autruche, l’effacer de mon disque dur. Victoria, pourquoi toujours te comparer à un ordinateur ? Arrête de penser avec ton cortex, pense avec ton cœur. Oui, dis-moi Prunelle, il doit y avoir une explication sans devoir passer par le tribunal correctionnel ? Rassure-moi.
Quelques instants plus tard, je suis sur le tarmac. Je marche avec mon bagage soulevé par une main molle, ramollie par cette chaleur humide. Je me dirige vers le vol court-courrier que je m’apprête à affronter. Cela me change d’emblée de ce récent vol transatlantique. Je retrouve un appareil à dimension plus humaine, un ATR72-600 de ma désormais fidèle compagnie Air Caraïbes, car pourquoi changer une équipe qui gagne ? Ici, au moins, je peux oublier le risque terroriste, quoique j’ai cru lire quelque part qu’il y avait un mouvement indépendantiste guadeloupéen… Mais rien à voir avec Al-Qaïda. Et puis, on est à mille lieues de Paris, non ?
Cependant, malgré la taille plus modeste qui me sied mieux et la durée du vol qui ne sera que de quarante-cinq minutes, une légère angoisse m’assaillit lorsqu’en nous rapprochant de l’appareil, je constate qu’il s’agit d’un appareil à hélices. L’hôtesse, teinte en rousse, d’un certain âge, mais à l’énergie préservée, à qui je fais part de mon étonnement, croit me rassurer en me confiant fièrement qu’il s’agit de turbopropulseurs de dernière génération.
Je m’introduis en inspirant une gigantesque bouffée d’oxygène comme si c’était la dernière. Dans l’appareil, je me détends toutefois très vite après plusieurs minutes de vol, lorsque s’offre à moi un des plus beaux spectacles aériens de ma vie. Les unes après les autres, se dévoilent des îles paradisiaques, îles dont j’ignorais le nom et donc l’existence jusqu’à ce jour :
Montserrat, Redonda, St-Kitts and Nevis, St-Eustache, Saba…
Ça me change de mes stations de métro et du RER parisiens…
J’ouvre un ancien guide déniché sur le marché de Grand-Bourg à Marie-Galante. Ses pages sont atrocement jaunies comme pour garantir son authenticité.
On y retrouve des cartes des îles des Petites Antilles, dessinées à la main et à l’encre noire, le rendant ainsi encore plus énigmatique à mes yeux. Pour chaque île, on y a écrit quelques anecdotes historiques. J’apprends par exemple que Redonda est un minuscule caillou volcanique d’un kilomètre cinq-cents mètres carrés. Il est malgré tout devenu un royaume à part entière en l’an mille-huit-cent quatre-vingts sur requête du propriétaire auprès de la reine d’Angleterre, Victoria. Tiens, la revoilà, ma reine ! Le premier roi de ce royaume confetti s’était même fait appeler Felipe I. C’est un peu démago non ? Quelle drôle d’anecdote. Je sens que ces îles vont me plaire.
Je feuillette quelques pages sur l’île de Saba : treize kilomètres carrés, découverte pour ne pas changer par Christophe Colomb un samedi, d’où son nom Sabato, réduit à Saba, mais que les Anglais dénomment The Unspoiled Queen. Rien que l’évocation de ce nom me donne envie d’y faire un tour. Ce n’est apparemment qu’à une quarantaine de kilomètres de Saint-Martin. Évidemment, quarante kilomètres de mer. Mais pourquoi pas ?
Au vol retour, il faudra que je calcule pour me placer du bon côté du hublot pour observer les autres îles situées du côté est.
Déjà, sans que je m’en rende compte, l’avion a amorcé sa phase de descente. L’approche de l’île de Saint-Martin est renversante. Je ne m’attendais pas à une île si vallonnée, si parsemée de plages, si découpée par de nombreux étangs et dévorée par une lagune interne. L’avion forme une boucle devant la baie de Grand-Case avant d’entamer sa descente en piquant du nez vers le bourg. Là, je ressens rejaillir mon angoisse de mort. Pour me rassurer, mon voisin me dit que les pilotes ont une licence spéciale et qu’il n’y a jamais eu d’accidents majeurs à l’atterrissage. Je ferme les yeux au survol des maisons, priant qu’il n’en accroche pas une au passage. Landed ! J’applaudis !
Dès que je foule la terre ferme, je suis frappée par le contraste entre la Guadeloupe, si francophone, et Saint-Martin, si anglophone. Le chariot à bagages accepte même des pièces de dollars américains. Sur le parking de l’aérodrome, je me retrouve directement au contact de cette anglophonie. Un jeune taximan, Ronald Richardson, me complimente sur mon perfect english. Je m’empêche de lui avouer que je suis à moitié américaine.
Il est déjà presque dix-huit heures lorsque nous quittons le parking. L’allure des voitures qui, ici, défilent à une cadence certaine, contraste grandement avec Marie-Galante, si paisible et dont l’indolence me paraît déjà si loin. Mais la route n’est quand même qu’à une seule bande, cabossée comme une bonne vieille route campagnarde. On est très loin du périph parisien.
Nous traversons le bourg de Grand-Case par la rue bordant la plage et les restaurants. Peu avant la poste, Ronald me dépose au Petit Hôtel. Celui-ci a un look rétro méditerranéen décalé que j’adore. Et puis il est ancré au milieu de ce que je pense être la vraie vie saint-martinoise. J’ai cassé ma tirelire pour cet hôtel, mais les commentaires des internautes m’avaient convaincue de le choisir, car chic, de petite taille, en bord de mer, avec accueil extraordinaire, proche des restos servant la fleur de la gastronomie française… What else ?
À l’aube, du balcon de ma chambre, je ne me lasse pas de regarder la mer d’un bleu indescriptible. Je dirais vert turquoise. Quelques voiliers sont ancrés, épars, comme pour magnifier encore plus le décor. Presque de façon irréelle, j’aperçois d’un œil incrédule, mais avec les deux yeux pourtant grands ouverts, une tortue venir respirer à la surface pour replonger aussitôt et je vois d’un autre œil plus inquiet, un avion, a priori un biplace, qui amorce sa descente vers l’aérodrome et qui survole la plage en effleurant les maisons du bourg de Grand-Case. Un homme au look de surfeur s’adonne à un jogging musclé le long de la plage. Je devrais m’y remettre aussi si je ne veux pas revenir avec quelques rondeurs.
Que vais-je faire de ma journée ? Après une matinée à me promener dans les ruelles de Grand-Case et à acheter quelques vêtements légers que je ne mettrais probablement qu’en ces lieux, je retourne à mon hôtel. J’appelle ma mère, ma sœur, au cas où, dans la plus grande improbabilité, elles s’inquiéteraient pour moi.
Toutes deux sont sur répondeur ! Je leur laisse un message : « Bonjour, c’est Vicky (il y a longtemps qu’elles ne m’appellent plus comme ça pourtant). Je suis à Saint-Martin, tout va bien, j’espère que vous aussi. Je suis joignable par mail, sur mon mobile ou dans ma chambre, chambre 22, en passant par la réception. Bisous. Vicky. »
Je sais pertinemment qu’elles ne me rappelleront pas. Ce n’est pas mon anniversaire et elles n’auront rien à me demander d’utile me sachant si loin. J’hésite à contacter mon père, mais pour lui dire quoi ? J’essaye de le joindre, lui aussi, sur répondeur…
Pour me changer les idées, je sors gambader sur la plage. Je marche en mode nostalgie et débouche devant l’un des premiers lolos pour manger les pieds dans le sable. J’aurais voulu entendre quelqu’un de proche. Je commence à me sentir seule, les cocotiers et le ciel bleu ne me comblent pas entièrement… Mais après un repas de langoustes grillées, qui ont le même effet sur moi que les huîtres, mon moral est revenu au beau fixe.
En fin de journée, le soleil couchant m’offre des tons orangés que j’immortalise en photos et que j’envoie aussitôt à tous ceux et celles qui en ont besoin, et aussi pour en faire encore envier certaines. Ça fait partie du jeu. Je regagne ma chambre. Seulement vingt heures… Malgré canal SAT et la découverte de Cable TV avec ses centaines de chaînes américaines, impossible de lutter plus longtemps contre le sommeil. Je m’endors brutalement. Je dors comme un loir. Les marchands de somnifères ne doivent pas faire fortune en ces contrées…
Le lendemain, je me fais livrer une voiture de location. Je tente d’oublier mon pied gauche, car visiblement ici toutes les voitures sont automatiques. On est vraiment plongé dans le monde nord-américain.
Programme du jour : shopping free tax à Philipsburg on the dutch side ? Je freine cependant cette idée d’achats compulsifs pour me décider à passer une journée à Orient Bay. C’est frappant, bien qu’on soit on the french side, l’anglais semble être résolument la langue d’usage.
La plage d’Orient Bay est, elle aussi, à l’inverse des plages tranquilles de Marie-Galante, beaucoup plus animée, peuplée par de nombreux transats payants, regroupés par couleur en fonction de leur appartenance à tel ou tel restaurant. Sitôt le sable chaud foulé, je prends mes fonctions de parfaite touriste sur un transat au matelas bleu roi du restaurant L’Aloha.
Devant moi se dresse une mer différente de Grand-Case. Ici déferlent de sérieux rouleaux, pour le plus grand bonheur des enfants qui s’adonnent au bodyboard. Bravement, je m’y enfonce en évitant de boire la tasse, mais ça me revigore. J’y reste un temps indéfini puis repos amplement mérité sur le fameux transat où j’écoute, amusée, des « hi-ha » chantés à vive voix à chaque pourboire ou rhum arrangé avalé en one shot par les clients. Very hot, l’ambiance ! En me dirigeant vers les sanitaires, je m’arrête devant une collection étrange, en bois, avec des fleurs de tiaré peintes en différents tons. Je détourne la tête, les joues en feu, lorsque mon cerveau décrypte enfin qu’il s’agit de joyeux phallus… Ils sont même proposés aimablement à la vente…
Je me fais servir une salade César aux crevettes, accompagnée d’un verre de Chardonnay. Cela faisait longtemps que je ne m’étais plus laissée aller autant au farniente… Entre deux bouchées, je visualise avec amusement, du coin des yeux, les particularités de ce tourisme principalement nord-américain. Des femmes et des hommes sont très libérés d’un point de vue vestimentaire. Je pense que, chez eux, ils n’oseraient pas le quart de ce qu’ils font ici, en tenue à la limite d’Adam et Ève.
À la fin de l’après-midi, mon teint, lui, a définitivement viré au chocolat-noisette. Sur ce, j’achète à une des rares boutiques du village d’Orient Bay, village récent dédié au dieu Tourisme, trois Bikini aux couleurs flashy. Je n’aurais jamais eu le courage de me vêtir ainsi il y a une semaine à peine. Puis je me dis que mes cheveux font franchement ringards et ne collent pas avec mon nouveau look de « bombas ». Je force l’entrée de l’unique salon de coiffure et d’esthétique, prête à en ressortir complètement métamorphosée. J’en ressors avec des cheveux blonds californiens, des cheveux lissés au fer brûlant qui du coup paraissent avoir doublé de longueur. En prime des sourcils et un Bikini épilés au maximum. Bref, je suis encore plus méconnaissable. Un savant comique mélange entre Beyonce et Britney Spears !
Clic : mon premier selfie ! Je m’aime comme ça !
L’homme au look de surfeur que j’avais aperçu faisant son jogging sur la plage de Grand-Case me lorgne plus qu’il ne faut. Lorsque je remonte dans ma voiture, celui-ci semble avoir quelques difficultés à démarrer sa vieille jeep. Quelques « Putains de merde, bordel, fait chier » sortis précipitamment de sa bouche m’apprennent qu’il est bien Français, quoiqu’il me semble avoir reconnu une insulte à l’italienne également…