Attaque dans le Thalys : Le suspect formellement identifié est bien Ayoub El Khazzani
La piste de l’islamisme radicale se confirme. L’homme arrêté après l’attaque manquée dans un Thalys vendredi est bien Ayoub El Khazzani a été identifié par divers éléments matériels, dont ses empreintes digitales.
S’il nie toute visée terroriste, le suspect aurait pourtant été signalé par les services de renseignement espagnols comme appartenant à la mouvance islamiste radicale et fiché par le renseignement français.
Originaire de Tanger, Ayoub El Khazzani a passé sept ans en Espagne où il était déjà connu des services de police. L’homme, qui soufflera ses 26 bougies le 3 septembre prochain, a vécu en 2013 et jusqu’en mars 2014 à Algesiras, en Andalousie (sud de l’Espagne), après avoir passé plusieurs années à Madrid. Il était connu pour trafic de drogue, selon une source des services antiterroristes espagnols. Il a d’ailleurs été trois fois en détention provisoire, selon El Pais.
Ayoub El Khazzani a été signalé en février 2014 par les services espagnols à leurs confrères français comme appartenant à la mouvance islamiste radicale. Depuis 2015, il résidait en Belgique et c’est à Bruxelles qu’il est monté à bord du Thalys.
Le suspect se serait rendu en Syrie
Plus d’un an plus tard, le 10 mai 2015, il était localisé à Berlin, où il embarquait pour la Turquie, selon les renseignements français, qui auraient appris ensuite des Espagnols que cet homme était installé en Belgique.
Selon Madrid, le suspect serait en fait parti de France pour se rendre en Syrie et serait ensuite revenu dans l’Hexagone, mais les services espagnols disent ne pas en avoir informé la France parce qu'” ils ne le savaient pas à l’époque “.
Il était environ 17 h 50 vendredi lorsqu’un passager français d’un Thalys reliant Amsterdam à Paris cherche à se rendre aux toilettes de la voiture 12. Il “s’est trouvé face à un individu porteur d’un fusil d’assaut kalachnikov en bandoulière”, a raconté le ministre français de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve. Le ministre ajoute que le passager “a tenté courageusement de le maîtriser avant que l’agresseur ne tire plusieurs coups de feu”. Les coups de feu tirés par l’assaillant blessent un passager franco-américain au thorax.
Selon Chris Norman, un consultant britannique âgé de 62 ans qui voyageait dans le même wagon, le personnel du Thalys aurait alors cru qu’une bagarre avait éclaté entre les deux hommes.
Trois amis américains se trouvent dans le wagon où sont tirés les coups de feu : Alek Skarlatos, membre de la garde nationale de l’Oregon et récemment rentré d’une mission en Afghanistan, Spencer Stone, militaire au sein de l’armée de l’air, et Anthony Sadler, étudiant à Sacramento (Californie). Les trois jeunes hommes passaient des vacances en Europe.
“On a entendu un coup de feu et du verre brisé”, a raconté à plusieurs médias Alek Skarlatos, 22 ans.
Une passagère américaine du Thalys a elle aussi raconté la scène à France 24 : “J’avais les yeux fermés, j’étais en train de dormir. J’ai soudain entendu un bruit de glace et j’ai vu que j’avais des bris de verre dans les cheveux”.
“Au début je n’ai pas compris ce qui se passait”, a expliqué Alek Skarlatos. “Puis j’ai regardé en arrière et j’ai vu un type avec une AK (AK-47, fusil d’assaut kalachnikov). Mon ami [Spencer] et moi, on s’est baissés et puis on s’est dit : ‘On y va’, et il y est allé.”
Spencer s’élance alors à l’assaut de l’homme, lui court après sur une dizaine de mètres et parvient à “l’attraper par le cou” et à le projeter au sol. Alek, juste derrière lui, prend le pistolet des mains de l’assaillant.
Armé d’un véritable arsenal de guerre (une kalachnikov, un pistolet automatique, neuf chargeurs et un cutter, selon Bernard Cazeneuve), l’homme se débat au sol et blesse Spencer Stone au cutter. “Il l’a tailladé à l’arrière du cou et lui a pratiquement coupé le pouce”, a raconté après les faits Chris Norman, qui s’est joint aux trois jeunes Américains pour maîtriser le tireur.
Après avoir désarmé l’assaillant de 26 ans, ils l’auraient frappé à la tête “jusqu’à ce qu’il perde connaissance”, puis ligoté à l’aide d’une cravate.
Anthony Sadler raconte que l’un des soldats américains s’est ensuite occupé de la personne touchée par balle, qui “perdait beaucoup de sang”. “Spencer, qui a eu un entraînement médical, a fait pression sur son cou pour qu’il ne meure pas”, ajoute le jeune homme.
L’acteur français Jean-Hugues Anglade se trouvait dans le wagon d’à côté avec sa femme et ses enfants. Comprenant qu’une attaque était en cours, il a brisé la vitre de l’alarme et s’est ainsi blessé à la main. Le train a alors ralenti.
En parallèle, le personnel du Thalys a donné l’alerte. Le chauffeur du train est désormais au courant de ce qui se passe dans le wagon numéro 12.
À l’arrivée du Thalys à Arras, les secours prennent en charge les blessés. Le passager franco-américain blessé par balle au thorax est transporté par hélicoptère jusqu’à l’hôpital de Lille. Patrick Goldstein, le chef des urgences au CHRU de Lille, a affirmé samedi soir qu’il “allait bien” mais nécessitait une une surveillance médicale.
Spencer est dirigé vers la clinique de la main à Lesquin, près de Lille, où il a été opéré samedi matin avec succès. “C’est un grand ‘mastard’, costaud et souriant, il est ravi, il y a plein de gens qui viennent dans sa chambre pour le féliciter, des patients qui venaient se faire opérer sont venus le voir”, a témoigné une source médicale.
“Il [Spencer] n’arrive pas à croire que tout ça s’est passé”, a raconté Anthony Sadler, se disant “très fier de (son) ami”.
Le suspect a été arrêté en gare d’Arras. Les passagers sont évacués et dirigés vers un gymnase de la ville.
Dès vendredi soir, Alek Skarlatos, Anthony Sadler et Chris Norman ont été décorés de la médaille de la ville d’Arras par le maire, Frédéric Leturque (UDI), venu à leur rencontre dans un restaurant de la ville.
François Hollande et Barack Obama ont tous deux salué le courage des trois jeunes gens. Le président français les recevra dans les prochains à l’Élysée pour “leur témoigner la gratitude de la France”, a précisé l’Élysée dans un communiqué.
“Je suis juste un étudiant, je suis venu voir mes amis pour mon premier voyage en Europe et on a arrêté un terroriste, c’est plutôt dingue”, s’est exclamé vendredi Anthony Sadler face à la presse. Le père du jeune homme a depuis les États-Unis dit avoir encore du mal à réaliser que son fils “parti découvrir l’Europe pour s’ouvrir l’esprit” est désormais un “héros national de la France”.
Depuis vendredi, les félicitations et les remerciements aux trois Américains se multiplient sur les réseaux sociaux.
Avec AFP et France 2
France 2 a reconstitué la scène du Thalys en images de synthèse