L’imposante place où les Cubains fêtent le 1er mai sous les immenses portraits d’Ernesto “Che” Guevara et Camilo Cienfuegos sera le temps d’un dimanche transformée en cathédrale à ciel ouvert devant les façades des bâtiments du gouvernement communiste.
Si le gouvernement de Raul Castro n’enorgueillit de la visite du pape, présent quatre jours sur cette île à très forte tradition catholique, nul ne sait encore si François utilisera l’homélie de dimanche pour attaquer un régime qui multiplie les entorses aux droits de l’homme.
Dès son arrivée samedi, le pape a donné un tour politique à son voyage apostolique, exhortant Américains et Cubains à amplifier le rapprochement qu’il a contribué à initier et réclamant davantage de liberté pour l’Eglise catholique qu’il dirige et dont la puissance émerge peu à peu après des décennies de répression.
Une foule immense, brandissant des drapeaux cubains a accueilli samedi le premier pape latino-américain qui sera également le premier vicaire du Christ à s’adresser aux Cubains dans la langue qu’ils partagent, le castillan.
Pour un grand nombre d’entre eux, le pape François est aussi celui qui a réussi à convaincre Washington et La Havane d’ouvrir des discussions diplomatiques qui pourraient à terme permettre de sortir l’île de son isolement.
“NOUS N’ATTENDONS PAS GRAND CHOSE”
Mardi, l’évêque de Rome s’envolera pour les Etats-Unis où il rencontrera le président américain Barack Obama et s’adressera au Congrès américain et à la tribune des Nations unies.
Si le gouvernement cubain espère que François condamnera l’embargo économique américain, qui reste en place puisque seul le Congrès peut formellement le lever, il risque également de subir des critiques contre sa politique répressive.
Les autorités ont arrêté entre dix en 20 dissidents pour les empêcher d’assister à la visite du pape. D’autres ont été menacés ou avertis, selon Elizardo Sanchez, chef de file de la Commission cubaine des droits de l’homme et de la réconciliation nationale.
Parmi eux, trois dissidentes ont été empêchées de rencontrer le pape, a déclaré Berta Soler, dirigeante du mouvement des Dames en blanc.
Au lieu de rencontrer le pape à la nonciature, Berta Soler, Miriam Leyva et Martha Beatriz Roque ont été retenues dans un commissariat plusieurs heures durant.
“Le Saint Père ne va pas changer quoi que ce soit à Cuba”, a dit Berta Soler. “Nous n’attendons pas grand chose de François parce qu’il vient ici pour discuter de sujets politiques entre Cuba et les Etats-Unis, pas pour résoudre quoi que soit.”
Si le pape n’a pas directement attaqué le gouvernement cubain samedi, il a prévenu qu’il souhaitait que ses voeux “atteignent tout spécialement ceux qu’il, pour différentes raisons”, ne pourra pas rencontrer, “et tous les Cubains de par le monde”.
Il visait là très implicitement les Cubains exilés, notamment ceux qui ont fui le régime communiste pour s’installer en Floride après la révolution de 1959.
Certains observateurs croient également deviner qu’il évoquait le sort des opposants politiques emprisonnés. Cuba assure qu’aucun opposant n’est détenu, mais selon des organisations dissidentes, une soixantaine d’entre eux seraient enfermés dans les geôles castristes.
(Nicolas Delame pour le service français)