Lettre ouverte à Madame Aline HANSON, Présidente de la Collectivité Territoriale de Saint-Martin
Les étudiants boursiers Saint-Martinois se disent dans ” un tourbillon infernal “.
Madame la Présidente,
Nous venons par la présente vous exprimer la colère, l’inquiétude et la déception des étudiants concernant la bourse de l’Etudes Supérieures qui leur est destinée pour la poursuite de leurs études. Cette bourse est financée à hauteur de 85% par le FSE (336 556€) et 15% par la Collectivité (60 000€).
Or, cela fait à présent plus de trois mois que les étudiants sont en attente du paiement des 40 % de la bourse pour l’année 2014-2015. Au Service de Bourse Territoriale, la seule réponse qui est donnée, à nous parents, est : « Bientôt ». En tant que parents, nous tirons la sonnette d’alarme, car nous sommes déjà à la rentrée 2015-2016
Voici un rappel des faits :
- Juin – juillet 2014 : Dépôt des dossiers de demande de Bourse au titre de l’année 2014-2015
- Septembre 2014 : Envoi de documents complémentaires au service de Bourse Territoriale
- Décembre 2014 : Délibération du Conseil Territorial qui valide le versement de la Bourse
- Avril 2015 : Versement de la 1ère ventilation – 60% du montant accordé
- Juin 2015 : Remise des relevés de notes attestant la réussite de l’année universitaire
- Octobre 2015 : Aucune nouvelle concernant la 2ème ventilation – 40% du montant accordé
Qu’ils soient au Canada, aux Etats-Unis, en France Hexagonale, en Guadeloupe, en Guyane, ou à la Martinique, les étudiants saint-martinois partagent le même sentiment d’être « les dindons de la farce ». Divers témoignages d’étudiants font état de leur situation critique alors que la Collectivité reste muette sur le versement des sommes promises.
« Je poursuis actuellement une 2ème année d’une licence en sciences dans une grande ville. Lorsque la Collectivité a dit que j’avais droit à la bourse, je me suis inscrite dans des cours supplémentaires payants afin de combler mes lacunes. N’ayant jamais reçu le montant restant de la bourse, j’ai emprunté de l’argent auprès d’amis afin de payer les sommes dues. Aujourd’hui, je suis criblée de dettes ».
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« J’aurai préféré ne jamais avoir été déclaré éligible, parce que là en croyant la Collectivité je me suis mis dans une galère. Déjà qu’on avait attendu 7 mois pour le 1er versement, là cette rentrée en 2ème année de BTS est vraiment dure pour moi, et mes parents ne peuvent pas m’aider. C’est une belle leçon que la Collectivité m’a donnée. L’année prochaine, je vais rien demander car c’est un cadeau empoisonné ».
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« Mon déménagement d’une ville à l’autre nécessite un budget, qui fut calculé, en prenant en compte la bourse de la Collectivité. N’ayant aucune nouvelle du versement, je me suis endettée auprès de ma famille et de mes amis. L’accumulation de deux contrats de 25h chacun durant l’été, ne m’a toujours pas permis de rembourser l’intégralité de mes dettes. Arrivée dans cette nouvelle ville, je dois effectuer un trajet de 45 minutes à pieds pour me rendre à l’école, car je n’ai pas les moyens de me payer mon abonnement pour emprunter les transports en commun ».
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« Je n’ai toujours pas reçu la Bourse du CROUS, ni celle de la Collectivité. Je suis dans un tourbillon infernal. Tous les jours je regarde mon compte pour voir si les sous ont été versés. Je pense que c’est fait exprès, on a remis tous les papiers qu’ils nous demandent et on n’a rien. Mes parents et moi on ne comprend plus rien du tout. J’ai l’impression d’avoir été dupé ».
Un flou absolu règne au sein du service de la Bourse d’Études Supérieures et dans la communication auprès des étudiants de Saint-Martin.
Depuis le mois de juillet, on exige aux étudiants de patienter alors que la vie étudiante hors de Saint-Martin est loin d’être facile. L’incompréhension est totale chez nous parents, ainsi que chez les étudiants, c’est à se demander si modestie rime avec mépris chez nos élus locaux.
Pourquoi traîner dans le versement d’une bourse qui est supposée aider les étudiants ? Si les étudiants formulent des demandes, c’est qu’ils en ont besoin. Si la Collectivité a mis en place cette Bourse, c’est pour aider les étudiants et non les mettre dans une situation précaire.
La posture désinvolte adoptée par la Collectivité est incohérente avec le discours sur la jeunesse saint-martinoise. En effet Madame La Présidente, lors de la soirée des Lauréats 2015, vous vous êtes empressée de rappeler aux étudiants Boursiers de l’année 2014-2015 que leurs études coûtent cher à la Collectivité, et qu’il est important qu’ils prennent leurs études au sérieux.
Nous nous permettons de vous renvoyer la balle, car non seulement nos jeunes prennent leurs études aux sérieux, mais ils font également honneur à Saint-Martin en les réussissant brillamment que ce soit en droit, en langues, en lettres, en informatique, en management, en mathématiques, en médecine, en sciences humaines, en sciences techniques, etc. Il est navrant de constater que vous ne portez aucune considération aux efforts qu’ils fournissent loin de nous.
Plutôt que de faire des rappels déconnectés avec la réalité étudiante, nous aurions préféré que vous vous pressiez dans les coulisses afin de réduire les délais exagérés du versement de la Bourse Territoriale.
Dans vos interventions, ainsi que celles de votre équipe politique, vous ne cessez de répéter à tout-va et en chœur : « Encourager ces jeunes à poursuivre leur apprentissage le plus longtemps possible, afin de construire le Saint-Martin de demain ». Des mots, toujours des mots, rien que des mots… Car sur le terrain les jeunes sont relégués au dernier rang. Dans les couloirs de la Collectivité, on reconnaît volontiers que : « On n’a pas d’argent pour ça, car même si la bourse est financée à 85% par le FSE, il ne s’agit pas d’une subvention mais d’un remboursement après contrôle des dépenses engagées, donc ces étudiants n’ont qu’à attendre ! ».
La patience exigée aux étudiants n’a que trop durer, il vous incombe Madame La Présidente de prendre une position claire et honnête envers les étudiants.
Certes, en tant que parents, nous devons subvenir à leurs besoins. Cependant, pour beaucoup d’entre nous, nous sommes dans l’incapacité de fournir une aide financière. Dans votre mutisme, vous semblez sous-estimer la dure réalité d’une vie d’étudiant et surtout l’utilité de cette bourse en cette période de début d’année scolaire. Ces jeunes doivent faire face à de nombreuses dépenses (frais d’inscription, aménagement, déménagement, transports, alimentation, etc.).
Madame Aline Hanson, vous semblez avoir oublié le monde de l’éducation. Vous qui – jadis – avez été directrice d’une école primaire, vous êtes la mieux placée pour prendre à cœur les problématiques et les enjeux liés à la formation hors du territoire de la jeunesse saint-martinoise.
Vous dîtes avec force vouloir assurer la réussite des étudiants. Dans ce cas, la moindre des choses est de réaliser un travail dans les délais en communiquant clairement avec les étudiants.
Cette attente pèse, cette situation est aberrante et lassante pour les étudiants. Nous tenons à vous rappeler que les dossiers ont été constitués depuis Juillet 2014 et nous sommes en Octobre 2015. Cette gestion des dossiers n’est plus soutenable ni souhaitable.
Quels sont les éléments qui justifient de tels dysfonctionnements pour la mise en paiement de cette Bourse ? Comment voulez-vous que ces jeunes soient motivés à revenir à Saint-Martin s’ils se sentent ignorés, exclus et délaissés ?
Madame la Présidente et les élus de Saint-Martin, l’île ne se résume pas à 10 ou 20 étudiants ciblés bien aisés, mais à des centaines issus de tous les milieux sociaux.
On entend souvent que les jeunes sont le futur de Saint-Martin, dans ce cas, nous vous demandons de prendre en compte leur situation avec sérieux. Nous ne vous demandons pas de connaître le cas de chacun de nos enfants, mais de songer que : « What you won’t do for your own Nation, no other will do for you. You are the Architect of Saint-Martin’s current situation ».
A travers cette lettre ouverte, nous souhaitons mettre la population au fait de la réalité. De plus, nous espérons que la ventilation du 2ème versement de la Bourse soit réalisée le plus rapidement car nos jeunes souffrent. Et enfin, nous demandons à ce que la gestion des dossiers au titre de l’année 2015-2016 se fasse avec sérieux et avec une transparence dans les délais de traitement.
Des parents d’étudiants bénéficiaires de la Bourse Territoriale de Saint-Martin