La production du gaz de schiste n’est pas vraiment un phénomène nouveau puisque des gisements sont exploités depuis plus d’un siècle dans les bassins des Appalaches et de l’Illinois aux Etats-Unis. Les géologues tiraient jusqu’à présent parti des fractures existant naturellement dans la roche ; de nouvelles techniques, mises en œuvre depuis une dizaine d’années, permettent de provoquer artificiellement ces fractures et d’exploiter des gisements jusqu’à présent inexploitables. Une partie du gaz est en effet stockée dans les pores de la roche ou bien absorbée par la matière organique. Les moyens mis en œuvre pour extraire le gaz sont coûteux, mais la hausse rapide du prix des énergies fossiles ces dernières années rend leur exploitation rentable. Pour obtenir une fracturation satisfaisante des roches, on injecte des quantités très importantes d’eau, additionnée de divers produits chimiques, à haute pression dans des forages horizontaux.
L’optimisme béat d’un certain nombre d’experts est lié au fait que les gisements de gaz de schiste sont nombreux sur la planète, et depuis une ou deux décennies de nouveaux puits ont été forés ou de nouvelles prospections ont lieu dans de nombreuses régions du monde. Très rapidement, les Canadiens ont emboité le pas à leurs voisins du Sud, et les Européens ont fait de même. Des prospections ou des forages ont lieu un peu partout sur notre continent, et les compagnies pétrolières se sont jetées avec avidité sur ce nouveau gâteau. De nouvelles installations sont en cours en Hongrie, en Autriche, en Pologne, dans le bassin de la Saxe en Allemagne ou dans le Sud de l’Angleterre. La Chine espère se procurer, dans un délai relativement court, une quantité de gaz de schiste équivalente à la moitié de sa consommation de gaz naturel et a entrepris une véritable marche forcée pour rattraper son retard et exploiter ses propres ressources naturelles en la matière.
Rédigé par la commission de l’énergie et du commerce de la Chambre des représentants américaine, le document précise que l’exploitation a entraîné l’utilisation de “plus de deux mille cinq cents produits pour la fracturation hydraulique contenant sept cent cinquante substances chimiques (…), dont vingt-neuf sont connues pour être cancérigènes, ou suspectées comme telles, ou représentant des risques pour la santé et l’environnement”.
Le rapport cite notamment le benzène, le toluène, le xylène et l’éthylbenzène, connus sous le sigle générique de BTEX. “Au total, les compagnies ont injecté 43 millions de litres de produits contenant au moins un BTEX sur une période de cinq ans”, note le texte.
Une autre substance, le 2-Butoxyéthanol (Butyl glycol), connue pour les risques de destruction de globules rouges ou de dommages à la moelle osseuse qu’elle fait courir, était même la plus utilisée au Texas pendant la période étudiée. Selon les parlementaires américains, les compagnies ont, en outre, utilisé des produits dont elles ont refusé de révéler la composition exacte, frappée du secret de fabrication.
L’extraction par fracturation hydraulique nécessite l’injection dans la roche de grandes quantités d’eau additionnée à des produits chimiques pour faciliter les flux des hydrocarbures libérés. “Même si certains fluides de fracturation sont retirés du puits à la fin du processus, une quantité importante reste quand même sous terre”, souligne le rapport.
Alors qu’en France les opposants aux projets d’exploration de ces hydrocarbures non conventionnels se sont mobilisés le week-end des 16 et 17 avril, l’association Générations futures, évoquant le document publié samedi 16 avril, a dénoncé une nouvelle fois “le mythe de la fracturation hydraulique propre”. Les dangers pour l’environnement et la santé de ce type d’exploitation non conventionnelle ont aussi été pointés par le film Gasland de Josh Fox, nommé aux Oscars.
Source: Le Monde (Planete)