La version américaine de l’assaut ayant conduit à la mort de Ben Laden va-t-elle être bientôt mise à mal ?
Peut-être bien que oui, si les États-Unis ne font rien.
Des veuves embarrassantes:
Washington et Islamabad s’effritent en ce moment sur les auditions des désormais trois ex-épouses du chef terroriste. Lundi, un responsable américain assurait que son pays “s’attendait à être bientôt autorisé à avoir accès” aux trois femmes (une Yéménite, deux Saoudiennes), afin de les interroger, indique 20 Minutes.
En fait, ce ne sera pas aussi facile que ça… Car le Pakistan est entré dans la danse mardi. Son ministre des Affaires étrangères a ainsi précisé “qu’aucune requête formelle” n’avait été envoyée de la part de la Maison Blanche. Ces interrogatoires restent donc dans l’hypothèse du possible, voire du prématuré, comme le souligne un membre du gouvernement pakistanais. (Le Monde)
Une CIA embarrassée elle aussi!
Mais ce que redoutent le plus les Etats-Unis dans cette histoire, du moins la CIA, c’est ce que pourraient révéler comme informations ces trois veuves. Présentes lors du raid, elles pourraient venir contredire la version officielle américaine, notamment sur le point d’interrogation autour de l’exécution directe, ou au contraire la capture initiale de Ben Laden ce jour-là.
Georges Malbrunot, ancien otage en Irak et journaliste au Figaro, anticipe déjà un probable scénario : le Pakistan va faire chanter les Etats-Unis. La CIA devra payer cher pour que “les grandes oreilles saoudiennes et yéménites” l’autorisent à avoir accès aux informations de ces femmes. “La machine à dollars (pourrait alors) fonctionner”, appuie un ancien chef des services de renseignements français…
Les trois épouses d’Oussama ben Laden détenues par le Pakistan depuis le raid américain du 2 mai à Abbotabad sont une source de tension supplémentaire entre Washington et Islamabad. La CIA se plaint de n’avoir pas encore pu interroger les trois femmes même si leurs connaissances du fonctionnement d’al-Qaïda sont probablement limitées.
Celles-ci, de même que les autres membres de l’entourage de ben Laden qui se trouvaient sur les lieux au moment de l’assaut – entre douze et dix-sept personnes, enfants compris, selon les sources – sont détenues par les services secrets pakistanais.
Peu de chances que les trois femmes souhaitent coopérer :
Même s’ils ont emporté avec eux des mines d’information lors de leur raid du 2 mai sur la villa d’Abbotabad et bien qu’il y ait peu de chances que les trois femmes souhaitent coopérer, les Américains voudraient quand même obtenir leurs témoignages dans le but d’enrichir un peu plus leurs connaissances du fonctionnement du réseau terroriste et de leur leader.
Marié à cinq reprises et père de vingt-trois enfants, ben Laden était séparé de sa première et de sa quatrième épouse mais les trois autres sont, semble-t-il, restées avec lui durant la quasi-totalité de sa traque. La plus âgée, Khadijah Sharif, un saoudienne de 62 ans, était appréciée du chef d’al-Qaïda pour son érudition en sciences islamiques et aurait longtemps été la plus influente. Elle était également chargée de l’éducation religieuse des enfants et des petits-enfants de ben Laden (dont quatre enfants de l’une de ses filles tuée lors d’un raid aérien américain au Waziristan qui vivaient à la villa).
La plus jeune des épouses, Amal al-Saddah, une Yéménite de 28 ans mariée à ben Laden en 2000, aurait été blessée à une jambe lors de l’assaut des Navy Seals américain à Abbotabad. Selon certains médias américains, elle aurait fourni quelques éléments aux Pakistanais notamment que le chef d’al-Qaïda et son entourage se seraient cachés durant deux ans et demi dans une grotte près du village de Chak Shah Mohammad, dans la province d’Haripur, à une soixantaine de kilomètres au sud d’Abbotabad. Une information à prendre avec précautions, car rien ne permet pour l’heure de la confirmer. Haripur est en tout cas une région où viennent parfois se réfugier des combattants afghans et la zone a parfois été qualifiée de “petit Helmand” (en référence à la province du sud-ouest de l’Afghanistan).
Ce type renseignement ne va probablement pas changer le cours de l’histoire :
Les États-Unis insistent auprès des Pakistanais pour obtenir le droit d’interroger les trois épouses aussi tôt que possible. Et la nouvelle que, une fois sur pied, la jeune Amal pourrait être extradée vers son Yémen natal par le Pakistan sans même avoir été questionnée par la CIA n’a pas été très appréciée à Washington. La tension est toujours extrême entre les services secrets américains et pakistanais depuis le raid du 2 mai. Elle pourrait baisser d’un cran si Islamabad faisait un geste en autorisant les enquêteurs US à s’entretenir avec les trois femmes.