Les agriculteurs français ont mis lundi leur menace à exécution en engageant “le siège de Paris”, selon les termes de la FNSEA, premier syndicat agricole, et du syndicat Jeunes agriculteurs (JA).
Cette opération coordonnée de blocage de plusieurs autoroutes autour de la capitale a débuté à 14 h “pour une durée indéterminée”, ont-ils précisé.
En Île-de-France, le réseau Sytadin recensait pas moins de huit autoroutes bloquées (A1, A4, A5a, A6, A10, A13, A15, A16).
Le marché international de Rungis (Val-de-Marne), premier marché de gros de produits frais d’Europe et essentiel pour l’approvisionnement de la capitale en produits agricoles, était protégé au même moment par un important dispositif des forces de l’ordre craignant un coup de force des paysans.
Le gouvernement a annoncé au total le déploiement de 15 000 policiers et gendarmes, afin d’empêcher l’entrée de tracteurs dans Paris et les grandes villes de province.
Alors que du nord au sud de la France, des barrages de véhicules et bottes de foin perturbaient encore le trafic routier par endroits, tenus par près de 10 000 agriculteurs, souvent à bout.
“Il y a une accumulation de choses qui ont fait que la cocotte-minute agricole est montée en pression ces derniers mois, voire ces dernières années : des lois, des règles, des contraintes, des politiques internationales et européennes…”, a expliqué, dans Le Monde, Adrien Dupuy, agriculteur en polyculture de 46 ans dans l’Oise.
“Si ça ne s’arrange pas, certains exploitants agricoles vont fermer boutique, voire se suicider”, s’inquiétait, lui, Maxence, 22 ans, salarié agricole, parti de Beauvais.
Dans la région lyonnaise, les manifestants entamaient parallèlement une opération escargot. Des manifestations étaient également signalées dans le secteur de Marseille et en Occitanie.
Malgré les premiers gestes du gouvernement, les agriculteurs en détresse ne désarment pas. Vendredi, le président de la FNSEA,Arnaud Rousseau, avait appelé, dans nos colonnes, Gabriel Attal, à “revenir à la table des négociations”.
Le patron du premier syndicat agricole français a été reçu depuis à Matignon lundi soir, avec Arnaud Gaillot, représentant des Jeunes agriculteurs. Et le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, a promis “de nouvelles mesures” dès ce mardi.
“On aura un certain nombre de choses que l’on pourra poser sur la table et qui permettront, je crois, de compléter et de montrer la globalité des mesures que l’on est en train de proposer au monde agricole”, a-t-il dit sur France 2.
Entre deux déplacements à l’étranger – l’Inde en fin de semaine dernière, la Suède ces mardi et mercredi –, Emmanuel Macron a convoqué une réunion interministérielle sur ce brûlant sujet, lundi après-midi à l’Élysée.
Pour quel résultat ? “Aussi longtemps qu’il n’y aura pas de décisions concrètes et aussi longtemps que la réception par les agriculteurs des messages du Premier ministre ne sera pas optimum et acceptée, il n’y a aura pas de levée des actions menées sur le terrain”, a prévenu Arnaud Rousseau.
Les agriculteurs entendent aussi maintenir stratégiquement la pression à l’approche du Conseil européen qui s’ouvre ce jeudi à Bruxelles.
Le chef de l’État aura un entretien sur place avec la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, sur la question agricole, a fait savoir lundi l’Élysée. Mercosur, jachère et mesures commerciales seront, notamment, au menu des discussions.
Outre la précarisation de leur métier, les agriculteurs dénoncent, en effet, l’inflation de normes environnementales communautaires et une concurrence déloyale extra-européenne.
La porte-parole du gouvernement a donc réaffirmé lundi l’opposition de la France à la signature d’un accord commercial entre l’UE et le Mercosur (Argentine, Brésil, Paraguay, Uruguay et Venezuela).
Selon l’Élysée, la Commission européenne, soucieuse de donner des gages aux agriculteurs, a demandé à “ses négociateurs de mettre fin aux sessions de négociations qui étaient en cours au Brésil”.
Le ministre français de l’Agriculture a également reconnu lundi les “effets pervers” de la concurrence des produits ukrainiens.
“La déstabilisation des marchés est telle que nous allons prendre des mesures. Donc nous travaillons à faire en sorte à ce qu’il y ait une limite à ces importations”, a-t-il glissé.
Selon un responsable de l’UE, la Commission européenne examine “différentes options susceptibles de répondre à certaines des préoccupations exprimées par les agriculteurs”. Signe que cette colère du monde paysan inquiète tout particulièrement les Vingt-Sept.
Politiquement parlant, elle pourrait s’avérer dévastatrice à l’approche des élections européennes.
Sources : Midi-libre, AFP