En 2008, Barack Obama, alors candidat démocrate à la présidentielle, cédait devant les électeurs pro-israéliens et devant Israël en promettant dans un discours adressé à l’American Israel Public Affairs Committee (AIPAC), que Jérusalem serait pour toujours « la capitale indivisible d’Israël. »
Trois ans plus tard, Obama est à nouveau en pré-campagne électorale en vue d’améliorer ses chances de réélection en 2012. Dans le cadre de cette campagne, il a fait quelques timides tentatives pour relancer un « processus de paix » au point mort, mais selon les conditions d’Israël.
Dans son dernier discours adressé à l’AIPAC, Obama a fait acte complet d’allégeance à Israël en réaffirmant le soutien de l’Amérique aux objectifs politiques et sécuritaires d’Israël. Son discours a nié le droit des Palestiniens à déclarer l’existence de leur nation et il a même promis de bloquer tous les efforts de Palestiniens pour faire valoir leurs droits auprès des organisations internationales.
Obama a évoqué du bout des lèvres « l’autodétermination » pour les Palestiniens mais ce n’est rien de plus que de la rhétorique vide de sens – alors qu’il a clairement laissé entendre que les intérêts israéliens, en particulier ses intérêts sécuritaires, demeureront la priorité de la politique étrangère américaine dans la région.
Il a mécaniquement répété son engagement à la vision d’une solution à deux Etats – l’établissement d’un Etat palestinien aux côtés d’Israël. Toutefois, comme on pouvait s’y attendre, il subordonne la question des frontières et des conditions de création d’un tel Etat aux « intérêts de sécurité » d’Israël.
Qu’il ait évoqué la reprise de négociations de paix sur la base des frontières de 1967 (également connues sous le nom de « Ligne verte ») ne signifie ni un retrait israélien complet des territoires occupés, ni la création d’un Etat palestinien souverain sur l’ensemble des terres à l’intérieur de cette « Ligne verte », dont Jérusalem-Est.
Il y a une différence significative dans le « jargon » des négociations, et même dans le langage juridique, entre évoquer la création d’un Etat palestinien « basé sur » les frontières de 1967 et dire qu’un tel Etat « sera établi sur » les frontières de 1967.
La première expression laisse beaucoup de marge à Israël pour continuer d’occuper et même d’annexer de vastes blocs de colonies (et peut-être même la totalité de toutes les colonies israéliennes en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, toutes illégales au regard du droit international) pour « des raisons de sécurité. »
Prenez ce que vous pouvez
Juste au cas où sa base pro-israélienne aurait mal compris ses déclarations à peine voilées dans son discours sur le Moyen-Orient vendredi dernier, Obama n’a pas manqué de préciser que selon son point de vue définitivement pro-israélien, il n’y avait pas à revenir aux frontières 1967.
« [La déclaration] signifie que les parties elles-mêmes – les Israéliens et les Palestiniens – vont négocier une frontière qui est différente de celle qui existait le 4 juin, 196 … Il incombe à ces parties de tenir compte des changements qui ont eu lieu au cours des dernières 44 années, y compris de la nouvelle réalité démographique. »
En termes plus clairs, le président dit effectivement, bien que non explicitement, qu’il tire un trait d’égalité entre la présence des Palestiniens sur leur propre terre et la présence illégale de colons israéliens installés sur des terres volées aux Palestiniens ces 44 dernières années.
Cela revient à dire que – malgré le fait que les colons vivent sur cette terre illégalement en vertu du droit international – parce qu’ils sont physiquement établis là, la terre deviendrait la leur.
Cela confirme la conviction de beaucoup de personnes dans la région que la construction de colonies israéliennes et du Mur d’Apartheid à l’intérieur des frontières de 1967 est le moyen utilisé par Israël pour imposer progressivement une annexion de facto des terres palestiniennes.
Ces dernières déclarations d’Obama sont peut être celles qui sont les plus proches d’une simple légitimation des colonies israéliennes.
Le message d’Obama à Israël semble confirmer qu’il est prêt à maintenir la promesse de l’ancien président George Bush faite en 2005 : qu’Israël serait en mesure de garder ses principaux blocs de colonies à l’issue de n’importe quelle solution négociée du conflit.
En d’autres termes, l’idée d’Obama d’une autodétermination palestinienne est que les Palestiniens acceptent tout ce qu’Israël décide.
Dans son discours devant l’AIPAC, et dans le discours précédent sur le Moyen-Orient, Obama semble avoir été soit en dehors de tout contact avec – ou a tout simplement ignoré – les changements amenés par le printemps arabe. Puis il a ensuite soutenu l’idée qu’Israël devait comprendre que le printemps arabe avait modifié l’équilibre politique dans la région, et qu’il lui fallait maintenant faire la paix non pas avec pas des dirigeants arabes corrompus mais avec les peuples arabes eux-mêmes.
Tant d’espoir de changement…
En fait, quand il s’agit de la cause palestinienne, Obama parle et agit comme si le printemps arabe n’avait pas eu lieu. Il ne faut pas oublier que même les plus fidèles alliés arabes de l’Amérique dans la région ne pouvaient pas soutenir ouvertement la formule américano-israélienne pour faire la paix avec les Palestiniens. Alors, pourquoi alors cela serait-il acceptable pour des millions et des millions d’Arabes pro-palestiniens ?
Le printemps arabe peut avoir influé sur la sémantique du discours américain sur les droits des Palestiniens, mais il n’a pas créé de près ou de loin le moindre changement dans la politique américaine.
Une fois de plus, Obama a succombé au chantage politique de Netanyahu – dont le principal objectif en accumulant les embûches pour un quelconque processus de paix est de faire en sorte qu’Israël poursuive tranquillement ses politiques expansionnistes, et sans aucune crainte face aux timides sollicitations du président.
Oui, il ne fait aucun doute que Netanyahu ne veut entendre aucune référence aux frontières de 1967 dans ce discours, car Israël est actuellement en train de dessiner militairement ses propres frontières, et il ne peut pas avoir mal interprété les déclarations clairement pro-israéliennes d’Obama.
Comme le président américain l’a souligné dans son discours, il a bien insisté sur sa déclaration de « plein engagement » vis à vis des intérêts israéliens et de ses exigences sécuritaires : « C’est pourquoi nous avons augmenté la coopération entre nos forces armées à des niveaux sans précédent. C’est pourquoi nous rendons disponibles pour nos alliés israéliens nos technologies les plus avancées. »
« Et c’est pourquoi, malgré une période financière difficile, nous avons augmenté le financement militaire vers l’étranger à des niveaux records. »
Obama n’a pas seulement été clair dans son maintien d’un plein soutien américain à Israël, mais il a également formulé une nouvelle prise de position qui confirme explicitement la politique américaine de longue date visant à bloquer tous les efforts pacifiques palestiniens à travers le droit international et l’Organisation des Nations Unies.
« … Les États-Unis vont s’opposer à tout effort visant à condamner Israël devant les Nations Unies ou devant n’importe quelle instance internationale. Parce que la légitimité d’Israël n’est pas un sujet de débat », a-t-il affirmé devant le rassemblement des supporters les plus motivés et les plus influents d’Israël.
En prenant parti pour Israël contre le projet de l’Autorité palestinienne de solliciter l’Assemblée Générale des Nations Unies pour la reconnaissance d’un Etat palestinien sur les frontières de 1967, les États-Unis ont de fait déclaré la guerre à tous les Palestiniens, à l’Autorité palestinienne et à tous ceux qui militent [pour une paix juste].
Sans vergogne, les Etats-Unis feront tout pour invalider toute tentative des Palestiniens par des moyens légaux et pacifiques de contester la colonisation israélienne de leurs terres.
Mais en qualifiant à l’avance de tentatives de « délégitimation » d’Israël les campagnes visant à la reconnaissance d’un Etat palestinien, le président reconnait involontairement que les politiques israéliennes elles-mêmes manquent de légitimité.
Un discours fondé sur les droits ?
Bien que l’affirmation d’Obama selon laquelle la reconnaissance devant les Nations Unies ne suffit pas à créer un Etat palestinien, est techniquement juste, cette initiative refera de la question [palestinienne] une question juridique concernant les droits – et qui ne sera alors plus définie par les préoccupations sécuritaires d’Israël comme cela a toujours été le cas dans le passé.
Cette reconnaissance par les Nations Unies, bien entendu, ira dans le sens de l’instauration d’un Etat palestinien défini par les frontières de 1967 – ce qui signifie que toutes les colonies israéliennes dans cette frontière devront être évacuées. Sans cela, elle ne ferait que légitimer et perpétuer la formule américano-israélienne des négociations.
Mais Obama n’a pas pris de risques en vue de promouvoir la paix…
Il craint de contredire des décennies de politique américaine qui ont eu pour but de s’opposer à toute résolution des Nations Unies relatives aux crimes israéliens, et il craint aussi d’inaugurer un nouveau discours sur le conflit qui serait fondé sur les droits.
Ce n’était pas une surprise non plus quand Barack Obama a déclaré que l’accord de réconciliation entre le Fatah et le Hamas, signé plus tôt ce mois-ci, était un « obstacle » à la paix dans la région. Après tout, dans son état d’esprit purement pro-israélien, toute tentative visant à l’unité palestinienne – quelle que soit sa faiblesse – ne sert pas les intérêts d’Israël et de ses méthodes éprouvées de « diviser pour régner » qui ont empêché tout progrès réel depuis des années.
Le refrain répété d’Obama selon quoi le Hamas n’est pas un partenaire de paix acceptable sonne non seulement comme un disque rayé, mais aussi comme une excuse boiteuse pour l’extrémisme et l’intransigeance des Israéliens.
S’il veut savoir qui sont les véritables partenaires « inacceptables », tout ce qu’il a à faire est d’obtenir une transcription anglaise des débats à la Knesset (le parlement israélien) et de lire comment les députés de droite traitent les Arabes « d’animaux » et profèrent toutes sortes d’insultes racistes à l’encontre ses Palestiniens.
Mais si Obama est prêt à encourager les politiques israéliennes telles que « les transferts de terres », dont le but est de déplacer l’ensemble des communautés palestiniennes et se référer à ces transferts comme à de simples « changements démographiques », alors pourquoi se préoccuperait-il de la rhétorique raciste et des menaces venant des Israéliens de droite ?
Dans son dernier discours, Obama ne mentionne pas une fois les événements qui ont eu lieu lors des manifestations du 15 mai à l’occasion de la « Journée de la Nakba ». Au cours de ces manifestations pacifiques, l’armée israélienne a réagi de façon prévisible et de la seule façon qu’elle connait : en tirant à l’aveuglette sur des manifestants non armés. Au cours de la fusillade, plus de 20 personnes ont été assassinées aux frontières syriennes et libanaises.
Peut-être la partie la plus troublante du discours d’Obama est sa volonté choquante d’adopter la version israélienne et de nier complètement les droits nationaux palestiniens.
A la fin de son discours, l’affirmation d’Obama selon laquelle l’histoire d’Israël pourrait être caractérisée par une lutte pour la liberté (une répétition de son discours de 2008 devant l’AIPAC) résume le tout.
Le président américain refuse de voir l’oppression israélienne et la répression. Il refuse de reconnaître la légitimité de la lutte palestinienne pour la liberté – parce que s’il le faisait, il risquerait de nuire grandement à ses chances de gagner un second mandat en tant que président des États-Unis.
Lamis Andoni – Al Jazeera
[ad#ad-2]