DSK va préférer la confrontation à un jury plutôt qu’un plaider-coupable
WASHINGTON — Dominique Strauss-Kahn, accusé de crimes sexuels contre une employée d’hôtel à New York, devrait selon plusieurs experts interrogés par l’AFP choisir de se confronter à un jury plutôt que de plaider coupable, en tablant sur une peine limitée, voire un acquittement.
Le système judiciaire américain organise les procès criminels en deux phases. Au cours de la première, la culpabilité doit être établie par l’accusation et 12 jurés déclarent à l’unanimité si, selon leur intime conviction, l’accusé est coupable ou non.
Si un verdict de culpabilité est rendu, le tribunal se penche alors sur la condamnation.
Il arrive très souvent cependant qu’un accusé décide, à n’importe quel moment de la procédure, de plaider coupable. Cela signifie qu’il passe un accord avec l’accusation afin d’obtenir une réduction de peine.
Mais dans le cas de l’ancien directeur du FMI, il est “très peu probable”, en l’état actuel des choses, aucun résultat officiel de test ADN n’ayant encore été révélé, qu’une procédure de plaider-coupable s’engage, commentent les spécialistes de la loi new-yorkaise.
“Je serais très surprise” qu’il plaide coupable, dit Holly Maguigan, professeur à la New York University.
Selon elle, l’arrangement que l’accusation pourrait proposer “comprendra forcément de la prison”. “On peut comprendre, de son point de vue à lui, que, même si ça peut lui épargner cinq à dix ans de prison, se déclarer coupable signifierait abandonner tellement de ce qui est important pour lui, que ça n’en vaut pas la peine”, explique-t-elle.
“Difficile d’imaginer un accord qui puisse être suffisamment avantageux pour qu’abandonner la perspective d’un acquittement vaille le coup”, confirme Ian Weinstein, professeur de droit à l’université de Fordham.
Dans le même ordre d’idée, selon ces experts, il est impossible en vertu de la loi new-yorkaise que l’affaire soit réglée par une négociation financière avec la victime.
Si M. Strauss-Kahn ou quelqu’un en son nom parvenait à convaincre cette dernière, une immigrée Guinéenne de 32 ans, de se rétracter, le procureur new-yorkais Cyrus Vance pourrait quand même poursuivre le procès.
“Elle a témoigné sous serment”, explique Ellen Yaroshefsky, professeur à l’Université Yeshiva. Mais, nuance-t-elle, si elle ne vient pas au procès, “savoir ce qu’un jury peut en tirer comme conclusion est une autre question”.
Et, rappelle Ian Weinstein, “dans une affaire qui été à ce point couverte, ce sera difficile pour elle de ne pas coopérer” avec le ministère public.
Tout porte à croire donc que, si les analyses confirment qu’il y a eu rapport sexuel, la jeune femme finira par donner à la barre sa version des faits, dans un procès qui pourrait avoir lieu d’ici à un an environ, selon les experts.
Face à elle, elle retrouvera M. Strauss-Kahn, qui était jusqu’à son arrestation le 14 mai l’un des hommes les plus influents du monde.
S’il n’y a pas de traces de violences, ce sera parole contre parole, avocat contre procureur, “le jury sera seul juge”. “En général dans des cas comme ça, l’homme dit que la femme était consentante et elle dit qu’il l’a violée”, explique Mme Yaroshefsky.
Dans l’hypothèse où M. Strauss-Kahn serait déclaré coupable, la question se poserait enfin de la fixation de sa peine. Tous les spécialistes des tribunaux new-yorkais interrogés assurent que ceux-ci ne pratiquent pas les peines cumulatives qu’on observe dans d’autres Etats.
Les sept chefs d’accusation retenus à l’encontre de “DSK” par la justice américaine – notamment de crime sexuel au premier degré, de tentative de viol au premier degré, et d’agression sexuelle au premier degré – le rendent théoriquement passible de peines de prison pouvant aller jusqu’à 74 ans et trois mois au total.
“Son âge, le fait qu’il n’a pas de casier judiciaire, qu’il a rendu beaucoup de services à la communauté internationale, et qu’il n’y a pas eu de blessure grave sont autant de raisons pour lesquelles une peine de 15 ans serait particulièrement sévère”, ajoute M. Weinstein. En revanche, dit-il, “je n’imagine pas qu’un juge n’inflige pas au moins cinq ans”.
De Lucile MALANDAIN (AFP)