Les Caraïbes – Cannes 2011 Calypso Rose, the Lionness of the jungle
Les Caraïbes émergent, font parler d’elles et battent le rappel. Cette année, dans le mouvement amorcé par la sortie du film Nèg Maron de Jean-Claude Barny en 2005, les Antilles sortent du silence et se montrent sur les écrans.
Pas moins de 16 producteurs et 6 distributeurs venant de 7 pays représentaient les Caraïbes ainsi que le bureau des ACP.
Rue Cases-Nègres de la réalisatrice Euzhan Palcy a été programmé dans le cadre de Cannes Classics, donnant ainsi un coup de projecteur sur une cinématographie peu visible.
Pourtant, une génération de cinéastes émerge autour de Lucien Jean-Baptiste (Première étoile), Jean-Claude Flamand-Barny (Nèg Maron), Mariette Monpierre, venue défendre au marché du film son premier long métrage Le bonheur d’Elza, avec Stana Roumillac. Etaient présents à Cannes la documentariste Sylvaine Dampierre (Le pays à l’envers) qui se lance dans un long métrage de fiction, et le cinéaste Fabrice Pierre. Ainsi que de jeunes producteurs : Neigeme Glasgow-Maeda pour les Antilles anglophones et le Martiniquais Jil Servant, ayant accompagné cette année trois court-métrages, Fichues racines de Marie-Claude Pernelle, La femme qui passe de Véronique Kanor et Beautiful du guyanais Serge Poyotte, des films que l’on espère découvrir à Cannes l’an prochain.
Pour commencer, un des coups de cœur de Clap Noir à Cannes est un film musical. Les Caraïbes avaient là leur meilleure ambassadrice possible avec la diva trinidadienne Calypso Rose, qui a donné un superbe concert au bord de la plage cannoise, au pavillon des cinémas du monde. Elle est l’héroïne du long-métrage documentaire de la réalisatrice camerounaise Pascale Obolo.
C’est un film musical et c’est aussi un portrait engagé. Dans le sens où c’est un regard de femme sur une femme, c’est un film féministe et c’est aussi un film, comme aurait dit Césaire de négritude. On saluera l’élégance, la modernité et le style du montage, la qualité des mélanges de supports, d’archives, le respect du son Calypso pour nous embarquer dans sa danse.
Portrait féministe
Cette femme ronde comme une reine, espiègle comme une gamine, qui virevolte aux sons trinidadiens, nous la découvrons dans son art et son talent mais aussi peu à peu dans le dévoilement de ses souffrances de femme. Comment une femme est devenue reine dans un homme où seuls les hommes avaient droit de cité. La réalisatrice a pris le parti de ne pas lâcher son personnage plus d’un instant, par de talking heads, pas de propos sur…, on est immergé avec la diva dans son tourbillon joyeux et coloré. On pourrait reprocher au film de rester très musical et fusionnel avec son personnage sans prendre un recul sur l’histoire, les liens entre la Calypso et la vie politique, sur lesquels on n’apprendra pas grand-chose. Mais l’engagement politique du film est dans le féminisme. Celui de la chanteuse. Celui de la réalisatrice.
Négritude
Ce que construit le film, réalisé par Pascale Obolo, c’est aussi un pont entre Trinidad et la Caraïbe, sa lumière chaude, sa musique joyeuse, la Calypso et New York, où vit la diaspora, le hip hop qui recycle les sons et la jeune génération. Le film construit en trois temps s’achève sur le retour aux sources et la venue de Calypso Rose au Bénin, près de la porte du non-retour, en prière devant la mer. Ce chemin que la réalisatrice a fait, qu’elle accompagne aussi la diva, c’est un chemin de négritude. Poids du passé africain aux caraïbes, diaspora, persistance rythmique de génération en génération. Le film est pétri de tout cela et c’est fort.
A écouter donc, et à savourer.
Source : Caroline Pochon de Clapnoir.org