C’est une autre affaire de viol qui secoue New York depuis jeudi. Deux officiers de police accusés d’avoir violé une jeune femme en état d’ivresse viennent d’être acquittés. Les jurés ont estimé qu’il n’y avait pas assez de preuves “au-delà du doute raisonnable”. Ce qui a déclenché un énorme tollé. Car le procès, qui a duré presque deux mois, a révélé une multitude de mensonges, de déclarations choquantes et de comportements répréhensibles de la part des deux agents.
Un jour de décembre 2008, vers une heure du matin, un chauffeur de taxi appelle le 911 et dit que sa cliente très saoule a besoin d’aide pour rentrer chez elle. Deux policiers en patrouille, Franklin Mata et Kenneth Moreno, arrivent sur les lieux. Ils l’aident à monter. Les caméras de surveillance montrent qu’ils vont revenir trois fois dans l’appartement pendant la nuit et rester en tout 97 minutes. Sans en référer à leur chef. Mieux, pour justifier leur présence dans le coin, ils passent un faux appel au 911 pour se plaindre d’un sans-abri dans un hall d’un immeuble voisin.
Parole contre parole
Que s’est-il passé au cours de ces quatre visites ? C’est la parole de la plaignante contre celle des accusés. La jeune femme de 29 ans, qui travaille dans la mode, a raconté qu’elle avait beaucoup bu et qu’elle avait perdu conscience. Mais lorsqu’elle s’est réveillée à plusieurs reprises, elle a entendu les bruits de la radio des deux flics et a senti qu’on lui enlevait ses collants et qu’on la pénétrait alors qu’elle était allongée sur le ventre.
Évidemment, les deux officiers contestent sa version. Ils disent qu’ils sont revenus à sa demande pour vérifier qu’elle allait bien. Kenneth Moreno, qui compte 17 ans de service, dit qu’il a essayé de lui parler, qu’ils ont chanté ensemble et qu’il a refusé ses avances, même quand elle s’est déshabillée et n’a gardé que son soutien-gorge. Il s’est allongé à côté d’elle dans son lit et l’a prise dans ses bras, mais il n’y a pas eu de relation sexuelle. Son collègue, pendant ce temps, somnolait dans le salon. Quant à la conversation enregistrée secrètement durant laquelle Moreno admet, lorsqu’il est confronté à la plaignante venue le voir quelques jours plus tard au commissariat, qu’il a utilisé un préservatif, il se défend en disant qu’il voulait la calmer et éviter qu’elle ne fasse un esclandre au commissariat.
Manifestation
Pour le procureur de New York Cyrus Vance, qui suit aussi l’affaire DSK, c’est une sacrée défaite. Il avait beaucoup investi dans cette affaire et est même venu – fait totalement inhabituel – assister à la fin du procès au fond de la salle du tribunal. Mais surtout, les médias ont aussitôt fait le rapprochement avec une histoire de viol encore plus sensible, celle dans laquelle serait impliqué Dominique Strauss Kahn. Les deux affaires ne se ressemblent pourtant pas. Dans le cas présent, l’accusation était confrontée à deux sérieux handicaps. D’abord, il n’y avait pas de traces de l’ADN de Moreno dans la chambre. Ensuite, la plaignante était ivre et ne se rappelle pas grand-chose. “Même s’il s’agit de crimes sexuels, c’est aussi différent que des pommes et des oranges”, a confié un responsable du bureau du procureur au New York Times. “Mais ce dont nous avons peur, c’est que dans les yeux du public, ce soit la même chose.” Et que cela encourage les avocats de DSK à aller au procès.
Cela montre surtout que, aux États-Unis, il est bien difficile d’obtenir justice pour des accusations de viol. Dans le procès qui s’achève, plus de 35 témoins ont été appelés à la barre et ont fait l’objet d’interrogatoires intenses. Notamment la plaignante qui a craqué plusieurs fois. Comme le dit un avocat sous le couvert de l’anonymat, “c’est la victime qui devient l’accusée” dans ce type de procès. Bien des femmes refusent de venir témoigner pour éviter la terrible et humiliante épreuve du tribunal où l’on cherche à tout prix à les discréditer. Un expert de la défense a déclaré, par exemple, qu’une ecchymose interne était un signe de viol, mais la défense a qualifié la marque de “petite tache” et évoqué une maladie vénérienne ou la conséquence d’un “vigoureux brossage sous la douche”. Après le verdict, Kenneth Moreno a déclaré qu'”elle avait tout inventé”.
Les deux policiers ont été reconnus coupables de deux autres chefs d’inculpation. Ils risquent un an de prison. En attendant, une manifestation de protestation était prévue v devant le palais de justice.