Flambée de l’essence : “l’Etat doit prendre ses responsabilités”
Alors que la baisse des cours du brut ne se traduit pas à la pompe, Thierry Saniez de l’association CLCV appelle le gouvernement à jouer son rôle.
Le constat est simple : on assiste actuellement aux mêmes pics de prix à la pompe que ceux de l’été 2008. Le brut était alors à 145 dollars et l’essence au même prix qu’aujourd’hui. Les tarifs élevés depuis un mois sont pratiqués avec un pétrole 50% moins cher qu’il n’était en 2008. Forcément, cette situation nous interpelle : le pétrole retombe et on ne voit pas de baisse à la pompe. Les engagements des professionnels de répercuter les baisses du pétrole ne sont pas respectés.
Les groupes pétroliers sont-ils les seuls responsables ?
– Il existe un vrai manque de transparence sur la formation des prix. Il faut désormais s’assurer que lorsqu’il y a une flambée, les consommateurs ne subissent pas un effet d’aubaine dont veulent profiter les professionnels. Bien sûr, ces derniers sont largement responsables. Mais il ne faut pas oublier que 65% des prix des carburants sont des taxes. L’Etat est lui aussi responsable : il a toute latitude pour moduler les tarifs. Il peut baisser les taxes. Pour le moment, il reste dans la communication : on ergote sur les marges des uns et des autres et on évite ainsi de parler taxes.
Comment s’en sortent les usagers ?
– L’essence est une dépense contrainte pour le consommateur. L’Etat doit jouer son rôle. L’Espagne a choisi de baisser le prix du train pour encourager une baisse de l’utilisation de l’automobile. En France, rien. Avec l’étalement urbain, nombre de salariés ont des trajets de 50 kilomètres par jour pour aller travailler. A 1,50 € le litre, cela représente un budget de 140 € par mois d’essence : 10% du revenu médian uniquement pour aller bosser. Il faut permettre aux classes moyennes de s’équiper car pour le moment, ce sont elles qui cumulent tous les problèmes avec la cherté de l’énergie. Ils sont loin de leur travail, ils ont des maisons qu’ils ont dû mal à isoler et des vieilles voitures qui consomment beaucoup. Il faut les aider à acheter des automobiles qui consomment moins.
Et la perspective évoquée par le patron de Total du litre d’essence à 2 euros ?
– Sans doute, cela se fera, peut être en 2030… Mais Christophe de Margerie a surtout le mérite de pointer le vrai problème : on épuise les ressources fossiles. On sait que d’ici une quarantaine d’années il n’y aura plus de pétrole. Il faut absolument anticiper cet épuisement. Il est plus que jamais urgent de développer les nouvelles énergies ainsi que l’efficacité énergétique. Nous entrons dans un nouveau modèle dans lequel il ne sera pas soutenable d’être prisonnier des énergies fossiles. En attendant, Christine Lagarde annonce qu’elle va imposer une baisse aux professionnels : c’est bien si elle le fait. Il ne faut pas que cela reste dans le domaine de la communication. Elle propose des sanctions : qu’elle le fasse ! En pleine crise du pouvoir d’achat, ces annonces ne peuvent de toute manière pas masquer le débat sur les taxes !
SOURCE: Interview de Thierry Saniez de l’association CLCV (Consommation, logement et cadre de vie) par Louis Morice – Le Nouvel Observateur