Syrie: « crimes contre l’humanité » commis à Deraa
Achar el-Assad décrète une amnistie générale dans le scepticisme général
Le décret présidentiel précise que l’amnistie efface « tous les crimes commis avant le 31 mai 2011 » et surtout qu’elle concerne « tous les détenus politiques et même les membres de la confrérie des Frères musulmans ». Un point tout particulièrement notable au pays de la dynastie des el-Assad qui a criminalisé l’islam politique à la fin des années soixante-dix au point d’inscrire dans la loi comme passible de la peine de mort l’affiliation à la confrérie des Frères musulmans.
Cette fois, c’est une amnistie générale qui est prononcée. Reste sa mise en œuvre. Tous les prisonniers politiques auraient déjà dû être relâchés à la mi-avril, à la faveur de la formation d’un nouveau gouvernement annoncé alors comme porteur de réformes. L’opposition avait alors douté de la bonne foi du régime soulignant qu’à chaque libération de détenus politiques, d’autres prenaient leur place en prison.
Scepticisme
Pour l’opposition, le véritable changement passe par une nouvelle Constitution et par des élections libres et justes. Elle n’est pas la seule à se montrer sceptique. La secrétaire d’état américaine Hillary Clinton a pour la première fois clairement affirmé que le gouvernement syrien n’a pas tenu sa promesse d’engager des réformes ajoutant que sa position devient « chaque jour moins tenable ». La France aussi par la voix d’Alain Juppé, le ministre des Affaires étrangères a réclamé ce mercredi matin aux autorités syriennes « un changement de cap beaucoup plus clair, plus ambitieux, plus audacieux ».
Situation qui se dégrade
Il faut dire que la situation sur le terrain s’aggrave. Mardi encore, l’armée a bombardé la ville d’Hirak, près de Deraa dans le sud faisant au moins huit morts, selon les militants des droits de l’homme. Depuis le début du mouvement de contestation, le 15 mars dernier, quelque 10 000 personnes auraient été arrêtées sans autre forme de procès selon les observateurs des droits de l’homme. Et la répression aurait fait plus de 1 000 morts. Au point que l’organisation internationale Human Rights watch parle aujourd’hui dans un rapport de « crimes contre l’humanité » commis à Deraa. HRW, en se basant sur des témoignages inédits évoque particulièrement « les tueries systématiques et les actes de torture par les forces de sécurité syriennes ».
Un gage qui ne suffit pas pour l’opposition
Trop peu, trop tard alors que la répression a fait plus de 1 000 morts depuis le début de la contestation, le 15 mars dernier. Pour l’opposition syrienne qui tient congrès en Turquie, le changement doit être radical. Il passe par une nouvelle Constitution et par des élections pluralistes. C’est la chute du régime qu’elle réclame.
Or, comme le souligne le pouvoir qui annonce aussi la formation prochaine d’une commission chargée de nouer un dialogue national, pour le moment et jusqu’à nouvel ordre politique, c’est le parti Baas qui dirige l’Etat et la société. Et c’est certainement aussi pour tenter d’assurer sa pérennité et pour éteindre la contestation que le président Bachar el-Assad vient de prononcer une amnistie générale. Une mesure qui couvre même les Frères musulmans.
Une première en Syrie où le père fondateur de la dynastie, Hafez al-Assad, est l’auteur d’un décret qui considère tout adhérent à la confrérie des Frères musulmans comme un criminel passible de la peine de mort. L’islam politique a été réprimé dans le sang pour avoir osé braver le Baas à la fin des années soixante-dix. Après l’avoir souvent utilisé comme repoussoir, Damas s’en sert comme gage de bonne volonté, avec une amnistie, sans couper cours à la répression…