Est-ce un danger mortel ou une reprise d’une vieille histoire?
Pour les services de santé publique, dont au premier chef ceux de l’Allemagne, c’est la plus mauvaise nouvelle possible, puisque cela signifie qu’on ignore comment combattre cette bactérie.
Toutefois, on a connu des épisodes récents où une bactérie mutante, jamais observée auparavant chez l’homme, s’avérait facile à combattre. On peut, à l’inverse, imaginer un scénario du pire où une telle mutante se révélerait inhabituellement coriace : dans le cas de cette E. coli entérohémorragique, les analyses préliminaires la révèlent résistante à plusieurs antibiotiques.
Comment sait-on qu’il s’agit d’une souche nouvelle ?
Depuis son apparition le mois dernier, de nombreux experts sont sur son cas —ce qui veut dire le décodage de son génome. Et comme les technologies permettant de décoder un géome ont progressé à une vitesse fulgurante, ce qui aurait pris des mois à « l’époque » de la grippe aviaire, n’a pris que trois jours. Ce sont les résultats de ce travail préliminaire, annoncés par l’Organisation mondiale de la santé le 2 juin, qui permettent de pointer des différences dans le code génétique de cette bactérie par rapport aux gènes de ses plus proches cousines.
Ce sont ces mêmes résultats préliminaires qui ont permis d’annoncer qu’elle est résistante à plusieurs antibiotiques, grâce à des enzymes qu’elle produit en plus grande variété (β-lactamases). L’analyse a été menée par l’Institut de génomique de Beijing, en Chine, et l’Institut Robert Koch, l’agence fédérale responsable du contrôle des maladies en Allemagne.
Où cela a-t-il commencé et qu’est-ce que l’E. coli?
Les origines de cette branche-ci restent un mystère. E. coli (Escherichia coli), un nom qui regroupe une grande variété de bactéries, la plupart inoffensives, provient généralement des bovins, qui peuvent la transmettre aux végétaux. Si cette mutante a suivi le même chemin, il reste donc à savoir par quel légume elle est ensuite arrivée à l’humain. C’est la raison de l’alerte aux concombres espagnols, à la fin-mai, qui s’est avérée une fausse alerte.
Parmi les variétés plus « malignes », réside l’E. coli entérohémorragique (ECEH) dont il est question ici. Elle produit des toxines qui entraînent crampes d’estomac, nausées et diarrhées.
Les épidémiologistes allemands semblent soupçonner les femmes d’être davantage porteuses de la bactérie, et plus particulièrement les femmes déjà malades avant d’ingérer les légumes. Mais tout ceci demeure spéculatif : le simple fait que les femmes soient plus nombreuses à manger des légumes pourrait, à ce stade, fausser les données.
Se pourrait-il qu’on n’ait jamais de réponse?
C’est possible, en raison de la complexité de notre agriculture industrielle. Les routes qui vont du fermier au consommateur font plusieurs fois le tour du monde, mêlant des produits de plusieurs provenances. Cela peut rendre très difficile de retracer la source d’un légume en particulier.
Est-ce que plusieurs pays sont touchés?
Peu avant l’émission de l’avis de l’OMS, le 2 juin, la E. coli entérohémorragique avait infecté officiellement 1500 personnes, et en avait tué 11, toutes en Allemagne. Le 3 juin, l’OMS faisait déjà état de 1800 cas, dont 1700 en Allemagne, et 18 décès, dont 17 en Allemagne. Le 18e était en Suède. Des cas ont été signalés pour la première fois aux États-Unis le 3 juin, et tous auraient séjourné en Allemagne en mai. S’il se confirme que l’Allemagne est la source unique de tous ces cas, cela signifierait que la pandémie sera tôt ou tard contrôlée.
Comment se transmet-elle?
Uniquement par de la nourriture contaminée. Le virus ne survit pas à l’air libre et ne se transmet pas de personne à personne.
Aura-t-on besoin d’un vaccin?
Normalement, une pandémie d’E. coli entérohémorragique dure deux semaines. Mais comme celle-ci dure depuis un mois et ne montre pas de signe d’essoufflement, toutes les prévisions se valent.