Faut-il chercher du côté des conditions de stockage des produits frais ? Du côté des moyens de transport ? Du côté des grands hangars ou du côté du port de Hambourg ? La bactérie tueuse est-elle apparue chez un agriculteur ou chez un distributeur ? Autant de questions fondamentales pour les scientifiques qui s’efforcent de comprendre comment a pu naître, et se répandre à travers l’Europe comme une traînée de poudre, une nouvelle souche résistante à certains antibiotiques, et particulièrement agressive, d’une bactérie en soi banale : la très commune Escherichia coli. Jusqu’à présent, elle a rendu 1700 personnes malades, provoqué 19 morts, et ses effets se font ressentir jusqu’aux Etats-Unis.
Déjà boudés par les consommateurs européens, les légumes produits dans l’UE sont l’objet d’un embargo en Russie et au Liban. La Commission européenne juge cette réaction”disproportionnée”.
Une lutte contre la montre s’est engagée au niveau européen pour enrayer la propagation de cette bactérie qui a déjà fait 16 morts, dont une 1re victime hors d’Allemagne. Des résultats partiels d’analyses éloignent la thèse des concombres bio espagnols.
Pour le ministre de l’agriculture, Bruno Lemaire, l’épidémie provoquée par une souche particulièrement virulente de la bactérie E. coli aura un “impact très négatif” sur la production française de légumes. Cette crise tombe au plus mauvais moment pour les maraîchers.
Outre Rhin, les scientifiques et les médecins continuent de rechercher l’origine de la contamination bactérienne qui inquiète toute l’Europe, et a déjà fait 19 morts, en inspectant notamment les lieux de production et de distribution des aliments.
L’une des rares pistes dont disposent pour l’heure les scientifiques est un restaurant de Lübeck, dans le nord de l’Allemagne. En tout 17 personnes, parmi lesquelles un groupe de touristes danois et un autre groupe de responsables allemands des impôts, ont manifesté des symptômes de la contamination par la fameuse bactérie après y avoir mangé, rapporte le journal Lübecker Nachrichten. “Le restaurant n’est pas responsable“, tempère toutefois Werner Solbach, microbiologiste au centre médical universitaire de Shleswig-Holstein. “Cependant la chaîne de livraison des aliments pourrait nous permettre de savoir comment le virus s’est propagé.” Les autorités sanitaires régionales se veulent encore plus prudentes, voire dubitatives. Et d’autres cas similaires, dans d’autres Etats, pourraient aussi susciter le doute.
Des indices, oui… mais pas encore de coupable
Ce ne sera donc, au mieux, que le début d’une piste, qu’il faudra remonter patiemment avant de trouver la vraie source de la contamination… à moins que cette piste ne s’interompe d’elle-même. Dans tous les cas, il sera sans doute difficile de remonter jusqu’à la source. Identifier le coupable a pourtant été chose rapide pour les scientifiques transformés en enquêteurs de l’infiniment petit. Il n’a fallu pour cela que trois jours. Les nouvelles machines de séquençage du génome mises à contribution cette semaine en Chine et en Allemagne prouvent que les chercheurs peuvent désormais découvrir en un temps record les secrets génétiques d’une bactérie. Il y a cinq ans, le travail effectué par l’institut de génomique de Pékin aurait pris des mois, souligne Paul Hunter, professeur de santé publique à l’université anglaise d’East Anglia.
Une telle rapidité fournit des indices importants. Le type d’E. coli identifié est ainsi connu pour s’accrocher sur la surface des végétaux, ce qui confirmerait la piste incriminant des légumes ou des salades. Mais cela n’est qu’une première étape pour les inspecteurs sanitaires. “En dépit de toutes ces superbes et précieuses données moléculaires, il faudra bien qu’un responsable de la santé arrive à découvrir où les gens ont acheté leurs laitues“, souligne Paul Hunter. Le travail d’expertise en Allemagne prendra du temps et ne produira des résultats que s’il est effectué correctement.
“Retrouver l’origine nécessite un travail exhaustif, de l’enclos jusqu’à l’assiette“, remarque Robert Hall, chercheur à l’université Monash, en Australie. Dans un premier temps, les enquêteurs doivent interroger les patients et essayer de déterminer ce qu’ils ont mangé au cours des deux semaines ayant précédé leur intoxication. La piste du restaurant de Lübeck pourrait fournir de précieuses indications. Mais si elle s’avère insuffisante, la tâche des scientifiques sera difficile car beaucoup de gens ont du mal à retenir ce qu’ils ont mangé ne serait-ce que deux jours auparavant. Il faudra ensuite essayer de trouver les aliments communs à ces patients, établir une première sélection, pratiquer des tests microbiologiques pour découvrir in fine, en théorie, le coupable. “Avec le temps, il est très plausible que la contamination disparaisse d’elle-même, il sera alors de plus en plus difficile de trouver d’où elle vient. Je crains que l’on se retrouve dans une situation où personne ne sera en mesure de trouver quelle ferme, ni même quel pays est à l’origine de l’épidémie“, conclut Paul Hunter.
Source: FL