Barack Obama semble résolu à donner raison aux partisans d’un retrait accéléré. Pourtant, la situation sur le terrain est loin d’être réglée.
Comme promis le président Barack Obama devrait bel et bien accélérer le retrait des troupes américaines d’Afghanistan. Mercredi 22 juin, en prime-time (02h à Paris), le président va s’adresser aux Américains et annoncer sa décision sur l’étendue du retrait des soldats. 10.000 hommes pourraient être concernés d’ici à la fin de l’année. Ils quitteraient l’Afghanistan en deux vagues. En annonçant fin 2009 l’envoi de 30.000 soldats supplémentaires pour lutter contre les talibans, portant le total à près de 100.000, le chef d’Etat américain avait promis que dès juillet 2011, les soldats “reviendraient à la maison”. Les Etats-Unis et l’Otan doivent ensuite transférer la sécurité aux forces afghanes d’ici à la fin 2014. Alors qu’il s’y était engagé auprès de l’Etat-major américain, l’administration Obama a du mal à persuader les Américains de poursuivre et d’accroître l’effort de guerre en Afghanistan. Compte tenu du lourd endettement du pays, de la perspective de la présidentielle de 2012 et des relatifs succès militaires, Barack Obama semble résolu à donner raison aux partisans d’un retrait accéléré. Cependant, les développements sur le terrain sont encore très compliqués et Barack Obama va devoir tenter une équation périlleuse.
Ben Laden mort, la justification d’une guerre en Afghanistan est devenue difficile à tenir. Barack Obama, officiellement candidat à sa succession, va devoir prendre en considération l’opinion publique américaine. Selon un sondage publié mardi par le centre Pew, 56% des Américains sont en faveur d’un retrait d’Afghanistan “aussitôt que possible”, tandis que 39% souhaiteraient que les soldats restent “jusqu’à ce que la situation se stabilise”.
Par ailleurs, de plus en plus de voix s’élèvent au Congrès pour demander la fin des opérations dans le pays, dont le coût est évalué à environ 10 milliards de dollars par mois. Taclés par les Républicains sur l’engagement militaire en Libye et par le déficit abyssal du pays, Barack Obama doit lâcher du lest. Dans son propre rang, des membres du gouvernement le lâchent et invoquent les succès militaires pour justifier un retrait des troupes plus rapide. John Kerry, président de la commission des Affaires étrangères au Sénat et démocrate, a affirmé que les Etats-Unis avaient réussi à affaiblir Al-Qaïda “et il faut que cela se reflète dans le nombre de soldats sur place et dans la définition de la mission”.
Bob Menendez, sénateur démocrate du New Jersey, a, lui, demandé à Obama de mettre fin à la guerre. “Nous dépensons 10 milliards de dollars par mois sur une stratégie de lutte contre la guérilla qui n’a pas débouché sur une victoire clairement définissable”, a-t-il déclaré devant le Sénat. Bien que la menace terroriste d’Al-Qaïda plane toujours, l’administration américaine admet facilement que ses combattants ne dépassent sans doute pas la centaine en Afghanistan.
Cependant, des experts mettent en garde contre un départ soudain de soldats qui laisserait le champ libre aux combattants extrémistes. En effet, l’administration Obama souligne tout de même qu’un retour au pouvoir des talibans -30.000 combattants- pourrait permettre au pays de devenir à nouveau un refuge pour les djihadistes. Sans négociations préalables, le retrait américain risque d’être périlleux. Deux scénarios fatals pourraient alors se produire : les talibans reviennent au pouvoir car le gouvernement du président afghan Karzaï n’est pas assez puissant ou bien l’Afghanistan plonge dans une longue guerre civile. Le compromis politique se fait donc plus pressant. Le Conseil de sécurité de l’Onu vient d’établir une liste distincte entre talibans et terroristes d’Al-Qaïda. Il s’agit de ne plus mélanger les deux groupes, en espérant que cela encouragera les talibans à renoncer à l’idéologie d’al-Qaïda et à rejoindre les pourparlers de paix en Afghanistan
Négociations
Ainsi, les Etats-Unis ont reconnu la semaine dernière qu”‘un large éventail de contacts” avait été établi avec les talibans pour soutenir les efforts de réconciliation. Dans le cadre de ce processus, les Etats-Unis exigent que les talibans renoncent à la violence, rompent tout lien avec Al-Qaïda et respectent la Constitution afghane. Les moyens pour atteindre un tel accord ne sont pas encore connus. Interrogé par le Nouvel Observateur au moment du G8 au début du mois, le spécialiste Farid Pakzad estimait que la seule solution passait par la collaboration des voisins iranien, indien et pakistanais pour assurer la stabilité du pays dans la région. Selon lui, le gouvernement de Kaboul est pour l’instant “incapable d’assurer la sécurité”. “Un retrait immédiat, c’est la chute de Kaboul dans les dix jours et le retour des talibans au pouvoir”.