Plus de trente ans après les massacres qui ont coûté la vie à 1,7 million de Cambodgiens entre 1975 et 1979, quatre des principaux dirigeants du régime khmer rouge comparaissent devant le Tribunal international de Phnom Penh à partir de ce lundi 27 juin 2011. Les anciens collaborateurs de Pol Pot devraient plaider non coupables dans ce procès prévu pour durer plusieurs années.
« Pourquoi ? ». C’est principalement à cette question, à la fois simple et difficile, que devront répondre Nuon Chea, Khieu Samphan, Ieng Sary et Ieng Thirith, les quatre hauts dirigeants du régime khmer rouge qui comparaissent à partir de lundi 27 juin 2011 devant le Tribunal international de Phnom Penh, instance parrainée par les Nations unies. C’est un procès historique à plus d’un titre qui s’ouvre dans la capitale du Cambodge, pays qui a connu entre 1975 et 1979 l’un des pires génocides de l’Histoire : 1,7 million de morts dans une nation peuplée alors de 7 millions d’habitants.
Aussi complexe que Nuremberg
« Il n’y a jamais eu d’affaire aussi importante et aussi complexe depuis Nuremberg » a d’ailleurs confié à l’Agence France-Presse le Britannique Andrew Cayley, co-procureur international en charge du procès. Il faisait bien entendu référence à celui des 24 principaux dirigeants nazis jugés de novembre 1945 à octobre 1946 en Allemagne pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité. Contrairement au Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie et au TPI pour le Rwanda, ce procès se tient dans le pays même où ont été commis les massacres par le régime totalitaire et jusqu’au-boutiste de Pol Pot, le dictateur marxiste décédé en 1998 à l’âge de 73 ans.
Historique, le procès l’est également parce qu’il pourrait bien être le dernier concernant la sinistre période khèmre rouge, c’est du moins le souhait de l’actuel Premier ministre Hun Sen, désireux de tourner la page. Jusqu’à présent, un seul membre du régime honni a été traduit en justice : King Guek Eav, plus connu sous le nom de « Douch ». Responsable de la prison S-21 de Tuol Sleng, où plus de 15 000 personnes ont été détenues, torturées et exécutées, « Douch » a été condamné en juillet 2010 à 30 ans de prison pour crimes contre l’humanité et crimes de guerre. L’accusé a fait appel de ce verdict qui a laissé un goût amer aux familles des victimes.
Devoir de mémoire
Considéré comme l’idéologue du parti, Nuon Chea, 84 ans – de son vrai nom Long Bunruot – était l’adjoint direct de Pol Pot. D’abord amnistié par Hun Sen, il a été arrêté en 2007, comme les trois autres accusés. Bien qu’il ait justifié les massacres dans un documentaire, Nuon Chea affirme désormais n’avoir joué aucun rôle dans les atrocités.
Ancien chef de l’Etat du « Kampuchéa démocratique », Khieu Sampan, 79 ans et formé en France, est dépeint
comme « l’intellectuel » des Khmers rouges. Ieng Sary, 85 ans, officiait pour sa part comme ministre des Affaires étrangères et numéro 3 du régime alors que Ieng Thirith, 79 ans, son épouse, était également la très influente belle-sœur de Pol Pot, en même temps que la ministre des Affaires sociales.
L’audience préliminaire devrait durer du lundi 27 juin au jeudi 30 juin et il n’est pas prévu que les quatre accusés prennent la parole avant le mois d’août dans ce procès qui pourrait durer plusieurs années. Ils ont déjà laissé entendre qu’ils plaideraient non coupables des accusations de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité et de génocide pour lesquels ils comparaissent.
Juridiction hybride travaillant en langue khmère, française et anglaise, le Tribunal international de Phnom Penh a d’ores et déjà exclu la peine de mort de son verdict ainsi que les compensations financières aux victimes.
SOURCE: RFI