L’espace: un rêve plus qu’une réalité pour les astronautes sans les navettes
Avec la dernière mission d’Atlantis et la fin de l’ère de la navette spatiale américaine, voler dans l’espace sera plus un rêve qu’une réalité pour nombre d’astronautes qui ne cachent pas leurs frustrations.
“C’est dur car nous avons maintenant beaucoup moins de possibilités de voler dans l’espace”, résume Steve Robinson, 55 ans, un astronaute américain ayant participé à quatre missions à bord de la navette spatiale.
“Nous sommes astronautes, c’est ce que nous faisons pour gagner notre vie et aimerions avoir le plus d’occasions possibles d’aller dans l’espace”, poursuit-il dans un entretien avec l’AFP.
“Je pense que le fait de garder les navettes quelques années de plus aurait été une solution possible” pour éviter que les Etats-Unis ne se retrouvent sans vaisseau spatial pour transporter des Américains dans l’espace pendant au moins quatre à cinq ans le temps qu’un successeur à l’orbiteur, probablement commercial, puisse voler.
En attendant, la Nasa dépendra exclusivement des Soyouz russes à trois places et paiera au moins 51 millions de dollars pour chacun des deux sièges disponibles afin d’acheminer ses astronautes dans la Station spatiale internationale (ISS) dont le coût de cent milliards de dollars a été pour la plus grande partie financé par les Etats-Unis.
En fait, ironise Steve Robinson, “nous avons un vaisseau spatial, l’ISS mais pas de taxi pour y accéder!”
Cette déception est partagée par Shannon Walker, une astronaute américaine de 46 ans, qui n’a jamais volé à bord d’une navette mais seulement dans un Soyouz pour aller à l’ISS où elle a passé 161 jours en 2010 comme ingénieur de vol.
“C’est sans aucun doute un changement comparativement au début du programme de la navette quand des astronautes pouvaient voler plusieurs fois à bord de l’orbiteur” qui peut emporter jusqu’à sept astronautes, dit-elle à l’AFP avant d’ajouter: “c’est vrai, il y a désormais moins de possibilités d’aller dans l’espace”.
“Quand nous ne volons pas nous ne restons pas pour autant inoccupés, car nous avons des tâches techniques”.
“Actuellement il y a 17 astronautes américains à l’entraînement pour de futures missions à bord de l’ISS”, relève l’astronaute précisant qu’il faut jusqu’à deux ans et demi pour se préparer à un vol spatial”.
“Il y a certainement le besoin aux Etats-Unis d’un corps d’astronautes dont deux sont nécessaires à tout moment dans l’équipage permanent de six membres de l’ISS” dont l’utilisation a été prolongée de 2015 à au moins 2020, souligne Scott Pace, directeur du “Space Policy Institute” à Washington et ancien haut responsable de la Nasa sous l’Administration de George W. Bush.
“Le nombre d’astronautes qui diminue depuis ces dernières années du fait d’une attrition naturelle va avec la fin des navettes continuer à rester réduit à environ la taille actuelle de 61 membres”, dont aujourd’hui 33 militaires, explique-t-il.
“Tous les deux ou trois ans, la Nasa lancera un appel pour en sélectionner quelques nouveaux”, ajoute Scott Pace.
Le corps d’élites des astronautes américains, basé au Centre spatial Johnson à Houston (Texas, sud-est), a compté au plus 149 membres en 2000 et se retrouve ainsi aujourd’hui diminué de 59%. On y compte seulement une dizaine de femmes.
Pour le patron de la Nasa, Charly Bolden, ancien commandant de bord de navette, affirmait la semaine dernière au Congrès que cette situation “ne signifiait pas que les Etats-Unis abandonnaient les vols spatiaux habités”.
“Nous avons beaucoup à faire afin d’assurer le fonctionnement de l’ISS pour au moins les neuf prochaines années”, a-t-il insisté, indiquant que la Nasa venait d’approuver la sélection d’astronautes pour aller à bord de la Station spatiale en 2015 et 2016.
“Il est vrai que les jeunes aujourd’hui rêvant de devenir astronautes ne pourront pas voler à bord d’une navette mais ils pourront un jour marcher sur Mars”, a lancé Charly Bolden affirmant “ne pas être naïf mais seulement optimiste”.
“Le rêve d’aller dans l’espace n’est pas mort”, juge aussi l’astronaute Shannon Walker: “quand je suis dans une école et que je demande qui veut devenir astronaute, toute la classe lève la main”, raconte-t-elle à l’AFP.
Source AFP – Jean-Louis SANTINI