FRANCE: Le médecin soupçonné d’euthanasie remis en liberté
Le médecin urgentiste de l’hôpital de Bayonne (Pyrénées-Atlantiques) suspecté d’avoir provoqué la mort d’au moins quatre patientes et mis en examen vendredi pour “empoisonnement sur personnes particulièrement vulnérables” a été remis en liberté sous contrôle judiciaire, a-t-on appris de source judiciaire.
Le parquet, qui avait requis le placement en détention provisoire de ce praticien de 50 ans, a indiqué son intention d’interjeter appel de cette remise en liberté.
Vendredi après-midi le procureur adjoint, Marc Mariée, a indiqué qu’il avait saisi de l’enquête deux juges d’instruction.
Il est reproché au médecin, qui encourrait la réclusion criminelle à perpétuité en cas de procès, d’avoir injecté des substances “ayant entraîné le décès immédiat” d’au moins quatre personnes âgées considérées comme en fin de vie. Les patients devaient être accueillis dans un service de soins palliatifs.
Les faits se seraient déroulés ces cinq derniers mois, jusqu’au décès d’une femme de 92 ans le 3 août qui a éveillé les soupçons d’agents hospitaliers du service des urgences, lesquels ont alerté leur hiérarchie.
Le médecin a été vu entrer dans la chambre de la vieille dame avec une seringue, rapporte vendredi le quotidien Sud-Ouest. Placé en garde à vue mercredi, il aurait reconnu les faits devant la police en disant avoir utilisé un médicament à base de curare, provoquant la mort.
Le directeur général du centre hospitalier, Michel Glanes, a immédiatement saisi le procureur de la République.
L’Association des médecins urgentistes de France (Amuf) parle d’un événement d’une “gravité majeure” et envisage un problème personnel.
“Nous soulignons l’insuffisance générale de suivi des médecins hospitaliers par la médecine du travail dont le rôle devrait être majeur pour que les praticiens hospitaliers rencontrant des difficultés soient accompagnés dans l’exercice de leur travail“, dit-elle dans un communiqué.
La porte-parole du gouvernement, Valérie Pécresse, a estimé que la France était confrontée à une mauvaise application d’une loi de 2005 sur l’euthanasie dite “passive“, qui permet dans certains cas l’arrêt des traitements et l’administration de médicaments anti-douleur à des doses pouvant être mortelles.
“La loi n’est pas toujours forcément bien appliquée à l’hôpital. Cette loi, elle permet de laisser mourir. Elle est appliquée, mais de manière diverse selon les hôpitaux, et parfois avec des difficultés ou des rigidités plus grandes dans certains établissements“, a-t-elle déclaré sur RMC.
Des personnalités du monde médical soutiennent cependant que cette loi est insuffisante car elle ne couvre pas l’aide à mourir ou euthanasie “active“, l’administration de substances destinées à provoquer directement la mort, dans le cas où l’arrêt des traitements n’interrompt pas l’agonie.
Lors du dernier procès en la matière, aux assises de la Dordogne en 2007, Laurence Tramois, médecin reconnu coupable d’une telle action par injection de chlorure de potassium à une malade en phase terminale, a été condamnée à un an de prison avec sursis, sans inscription au casier, la peine minimale qui permet de continuer d’exercer.
Lors de ce procès, de nombreux témoins du monde médical avaient déclaré que cette pratique était courante dans les hôpitaux, des recettes de “cocktails lytiques” de médicaments – des mélanges ayant pour effet de provoquer la mort – étant connues dans cet univers.
Ce procès avait été précédé par un appel public de 2.134 soignants demandant une réforme légalisant l’aide à mourir active. Ils soulignaient qu’en France, fait plutôt spécifique en Europe, 75% des décès survenaient à l’hôpital.
Deux pays européens, la Belgique et les Pays-Bas, ont légalisé l’euthanasie active, uniquement dans les cas extrêmes. En 2007, lors de la campagne présidentielle, Ségolène Royal était pour une réforme, mais pas Nicolas Sarkozy, et le dossier n’a pas été rouvert.
Par Reuters