Dépendance: la réforme promise depuis quatre ans provisoirement enterrée
PARIS — La réforme de la dépendance des personnes âgées, qui devait être l’un des grands chantiers du quinquennat de Nicolas Sarkozy, est une nouvelle fois reportée, à “début 2012” au moins, ce qui réduit la possibilité de mener cette réforme avant la présidentielle.
“Traiter ce dossier dans le contexte économique et financier que nous connaissons aujourd’hui, dans l’urgence, ne serait pas responsable”, a estimé mercredi le Premier ministre François Fillon en présentant son plan d’austérité.
“Il nous faudra trouver des ressources adaptées, nous devons y travailler encore d’ici le début de l’année 2012”, a-t-il ajouté.
Attendue depuis la canicule de 2003, la réforme de la prise en charge des personnes âgées a été plusieurs fois repoussée depuis, alors même que Nicolas Sarkozy en a fait dès 2007 l’un de ses grands chantiers.
Enfin lancée début 2011, la réforme devait déboucher sur des mesures en juillet. Mais ces annonces avaient été reportées à septembre.
Dès le printemps, la ministre des Solidarités Roselyne Bachelot avait pourtant promis des “mesures d’urgence”, représentant un milliard d’euros, qui devaient figurer dans le projet de budget de la Sécurité sociale pour 2012, débattu à l’automne.
Mais, déjà, l’idée d’une remise à plat de toutes les aides aux personnes âgées et d’une réforme de fond de la qualité de la prise en charge avait été reportée à l’après présidentielle, tant le calendrier était serré.
Désormais, le calendrier se resserre encore, jetant l’incertitude sur les fameuses mesures d’urgence, qui devaient aider les familles à faire face aux dépenses et soutenir les départements qui ont du mal à payer les prestations aux aînés, ou encore aider les services d’aide à domicile.
Pour Henri Sterdyniak, économiste à l’OFCE, “il est évident que la dépendance ne sera pas traitée avant la présidentielle”. “La France n’a aucune raison d’annoncer aujourd’hui des dépenses futures qui inquièteraient les marchés”, ajoute l’économiste, qui estime que même les mesures d’urgence ne seront pas prises avant l’élection.
“C’est une mauvaise nouvelle pour les familles et pour les départements”, qui financent notamment l’Allocation personnalisée d’autonomie, estime le président de l’Assemblée des départements de France (ADF) Claudy Lebreton. La dépendance “n’est clairement pas une priorité pour le gouvernement”, insiste-t-il.
L’AD-PA, association de directeurs de maisons de retraite et de services à domicile, juge “ce nouveau report extrêmement dommageable”, qui risque d’entraîner “des suppressions d’emplois dans les services à domicile en fragilité financière et dans les établissements.”
“Déception” aussi pour la Fnaqpa (établissements et services), qui “craint qu’à force de prendre son temps à résoudre les problèmes qui se poseront en 2030, le gouvernement ne sacrifie les personnes âgées aujourd’hui fragilisées.”
Le Synerpa (maisons de retraite privées) est également “déçu” et son président Jean-Alain Margarit est lui aussi “persuadé qu’il n’y aura rien avant la présidentielle” même s’il “comprend” les difficultés budgétaires.
Autre écueil, les mesures d’austérité annoncées mercredi réduisent encore les marges de manoeuvre du gouvernement, qui devra trouver de nouvelles ressources.
Ainsi par exemple, la taxation des revenus du patrimoine, un temps évoquée pour financer la dépendance, sera utilisée pour réduire les déficits.
Toutefois, note Henri Sterdyniak, le gouvernement n’a pas touché à une autre piste possible : la hausse de la CSG des retraités, laissant ainsi une “petite ressource aux gouvernements futurs”.
De Julie CHARPENTRAT (AFP)