Le siège de Charlie Hebdo détruit par un incendie criminel, tollé général
PARIS (AFP) – La rédaction de l’hebdomadaire satirique Charlie Hebdo, qui publie mercredi un numéro spécial rebaptisé “Charia hebdo” avec en Une la caricature d’un prophète Mahomet hilare, a été détruite dans la nuit par un incendie criminel, condamné fermement par le gouvernement.
Le site internet du titre a en outre été piraté en fin de nuit.
Le ministre de l’Intérieur, Claude Guéant, a dénoncé mercredi un “attentat” après l’incendie du siège du journal satirique Charlie Hebdo et n’a pas exclu la piste de musulmans intégristes.
“Bien sûr tout sera fait pour retrouver les auteurs de cet attentat, parce qu’il faut bien appeler ça un attentat”, a déclaré à la presse, sur place dans le XXe arrondissement de Paris, le ministre de l’Intérieur.
Un peu plus tôt dans la matinée, le Premier ministre François Fillon avait fait part de son “indignation” dans un communiqué et demandé “que toute la lumière soit faite”.
L’incendie, qui pourrait avoir été provoqué par un jet de “cocktail molotov” selon une source policière, a aussi été dénoncé par plusieurs personnalités de droite et de gauche, organisations de défense des droits, et par le Conseil français du culte musulman (CFCM) sous réserve que l’enquête confirme son caractère criminel.
Le dessinateur Charb, directeur de la publication, et le médecin urgentiste et chroniqueur Patrick Pelloux l’ont immédiatement lié au numéro spécial de mercredi destiné à “fêter la victoire” du parti islamiste Ennahda en Tunisie et “la promesse du président du CNT que la charia serait la principale source de législation de la Libye”.
L’incendie, parti “aux alentours de 01H00” au 62 boulevard Davout et maîtrisé en tout début de journée, n’a fait “aucun blessé”, a-t-on indiqué de source policière.
“Il n’y a pas d’interpellation”, a-t-on ajouté.
Selon Patrick Pelloux, il aurait été lancé “sur la devanture”, mettant “le feu au système informatique”. “Deux personnes (auraient) été vues en train de partir peu de temps avant le déclenchement de l’incendie”, a précisé Charb.
Le journal a “coupé” dans la matinée l’accès à son site, “hacké à 05H00”, selon Eric Torcheault, directeur administratif. Peu avant 07H30, sa page d’accueil était encore remplacée par une photo de la mosquée de La Mecque en plein pèlerinage, avec ce slogan: “No god but Allah” (“Pas d’autre Dieu qu’Allah”), a constaté l’AFP.
“Sur Twitter, sur Facebook, on a reçu pas mal de lettres de protestation, de menaces, d’insultes”, que la direction du journal s’apprêtait à transmettre à la police, a expliqué Charb.
Celle-ci avait déjà reçu des menaces en 2006 lors de la publication des caricatures du prophète Mahomet, qui avaient fait scandale, mais elles n’avaient “jamais abouti à rien”, a souligné Charb.
Le directeur de la publication de l’époque, Philippe Val, avait été définitivement relaxé en 2008 après une plainte de la Grande Mosquée de Paris et de l’Union des organisations islamiques de France (UOIF), la justice ayant jugé que les caricatures ne constituaient pas “une injure” à l’égard des musulmans car elles visaient “clairement une fraction” – les terroristes – de la communauté musulmane.
Dans une déclaration à l’AFP, la rédaction a assuré “être contre tous les intégrismes religieux, mais pas contre les musulmans pratiquants”.
Elle compte organiser “une conférence de rédaction publique” jeudi à 15H00 au Théâtre du Rond-Point (VIIIe), et a précisé que le numéro de mercredi, tiré à 75.000 exemplaires, s’est retrouvé rapidement en rupture de stock.
Boulevard Davout mercredi matin, un immense tas de papiers et d’ordinateurs jonchait le trottoir de l’hôtel d’entreprises où il s’est installé depuis un mois, a constaté l’AFP. Des fenêtres et des portes vitrées étaient brisées.
“Poste de maquette brûlé”, “système électrique fondu”: “notre problème maintenant est de pouvoir sortir un journal mercredi prochain et de le mettre dans les kiosques”, a expliqué Charb.
La rédaction a accepté l’invitation du quotidien Libération de s’installer dans ses locaux dès 13H00 mercredi. Le Nouvel Obs, Rue89, le Front de Gauche ou encore la CGT avaient également proposé un hébergement temporaire, et le maire PS de Paris Bertrand Delanoë, “révolté”, son “aide”.
Le président du CFCM, Mohammed Moussaoui, a jugé la Une moins “violente” que celles publiées en 2006. Jean-François Copé, secrétaire général de l’UMP, Xavier Bertrand, le ministre du Travail, Nathalie Kosciusko-Morizet, la ministre de l’Ecologie, ou encore François Hollande, candidat socialiste à la présidentielle, ont aussi condamné l’incendie.
© 2011 AFP