Saint-Martin : Le prefet Simonnet dit NON
A l'écoute de plusieurs réactions et à la lecture de plusieurs articles de presse, le Préfet Simonnet se demande à qui profite le crime?
« Dérive » ; « situation alarmante » ; « gravité de la situation » ; « réaction psychologique d'auto-protection » ; « envahissement du quotidien par la paranoïa » ; « un quotidien où règne la barbarie » ; « l'enfance brisée dans ce qu'elle a de meilleur »… que de qualificatifs irresponsables ; que de démagogie ; que de populisme ; quelle philosophie au rabais ; quel débat à peine digne du « café du commerce »… Si je réagis, c'est que nos concitoyens méritent mieux que ce débat éculé, partisan et racoleur, tendant à satisfaire les intérêts de proximité au mépris de la vérité et d'une réalité sociale dénoncée au regard de vils intérêts, que la pudeur me conduit à ne pas évoquer !
Est-ce que le courant de la violence fait dériver notre société? NON, les institutions sont en place et en marche et y répondent avec une efficacité qu'il faudra bien un jour reconnaître, car si nous déplorons bon nombre de crimes et délits, il faudra un jour s'interroger sur le nombre considérable de ceux que nous évitons ou prévenons.
Est-ce que la situation est « alarmante ou grave »? NON : les atteintes aux biens ont reculé de -13% ; les atteintes aux personnes de -10% ; les vols à main armée avec arme à feu de -8% ; les cambriolages de -21% et ceux dans les résidences de -38%. Seuls les vols avec violence sur la voie publique notamment avec arme blanche ont augmenté de 2%.
Un journaliste dit « ne pas avoir besoin de chiffres, mais de mesures drastiques ». S'il connaissait le sens des mots, il saurait que d'un point de vue sémantique, il s'agit de « purgatifs qui agissent avec violence ». Je n'ai ni besoin de purge, ni de violence, qui rappellent d'autres temps et d'autres régimes, pour accomplir ma mission, mais simplement d'Etat de droit et de respect des libertés publiques.
J'ai l'impression que ceux qui dénoncent et qui parlent de « mettre fin à la tolérance » se nourrissent plus de télévision, avec sa cohorte d'extrême violence et d'incohérence, que de réalité saint-martinoise qui n'est pas celle qu'ils décrivent, sans doute à dessein !
Y a-t-il une « réaction d'auto-protection » liée à une « paranoïa ambiante »? NON.
Les citoyens que je rencontre sont sereins et conscients du fait que la violence est au coeur de notre société et qu'elle atteint son paroxysme dès lors que se combinent précarité, usage de drogues, immigration… dans un contexte d'indifférence générale sauf à ce qu'il soit interrompu par la connaissance de la victime d'où la notion de « trouble du quotidien ».
Société violente, égoïste, qui se veut idéale dans ses principes, mais peu encline à les traduire dans l'action, laissant à d'autres, notamment les pouvoirs publics, le soin d'y veiller ; ce qui est notre rôle, notre mission que nous assumons totalement, mais qui ne peut se faire sans l'adhésion de tous et en présence de « pompiers pyromanes » comme ceux que je vise par leurs écrits.
« Barbarie, enfance brisée » : n'ayons pas peur des mots, mais employons les avec pudeur surtout quand on regarde ce qui se passe dans le monde et à notre porte, en Haïti, en Jamaïque, au Mexique, aux Etats Unis même.
Sur les deux faits qui ont provoqué cette diatribe indécente et sulfureuse, je n'aurai pas en réponse l'impudeur de me justifier car je m'incline devant la mort et la souffrance des victimes, comme je l'ai fait cet été devant les faits graves d'agression sur les routes (violences extrêmes, viol collectif…) qui d'ailleurs n'ont pas fait couler beaucoup d'encre et de salive, sans doute parce que les victimes étaient inconnues !
J'ai donné la réponse immédiate à cette flambée de violence comme je l'avais fait en son temps pour les cambriolages et les agressions à domicile.
Au regard de ce qui vient de se passer et des faits relatés, je n'ai pas de nouvelle réponse que celle qui conduit la gendarmerie à être omniprésente dans la prévention et dans la répression des crimes et délits, et même si ce n'est pas moralement satisfaisant, les chiffres parlent pour nous !
Le reste est un débat interne et tactique entre la responsabilité de la COM ; la vidéo-protection à laquelle il est de nouveau fait allusion, l'intervention des services spécialisés ou de nouveaux moyens… là aussi j'assume.
Deux remarques en conclusion car les faits sont têtus.
1 – Qui peut avoir l'audace de mettre en parallèle ce qui est présenté comme un crime de rôdeur, alors qu' il faut peut-être rechercher dans la proximité de la victime.
C'est regrettable, c'est ignoble, mais ce n'est pas un fait de société, c'est malheureusement une détresse humaine que nous connaissons et à laquelle nous attachons de l'importance, et qui s'exacerbe avec les maux de notre société.
2 – Il n'est pas normal d'être agressé chez soi, surtout en journée, mais pour moi il l'est encore moins de l'être sur la voie publique, justement au nom de la sacrosainte liberté. En effet, si l'espace public est de notre pleine et entière responsabilité, l'espace privé est de la responsabilité de chacun, et comme je ne cesse de le répéter, il y a des mesures de précaution élémentaires à prendre. Il ne m'appartient pas de connaître les éléments de l'enquête judiciaire placée sous la responsabilité de M. le Procureur de la République, mais le constat de l'autorité administrative qui est mien est qu'il y a des négligences dans ce cas comme dans d'autres.
Ceci n'excuse pas cela et je déplore profondément et je compatis sincèrement mais permettez moi, in fine, d'en appeler à le pudeur et à la décence car l'image « d'un enfant qui grandit dans un lit d'hôpital » pourrait rappeler à beaucoup d'entre nous des moments plus tragiques, qui s'agissant de proches, affectent les sentiments, et qui s'agissant de l'histoire de nos sociétés, affectent la raison.
En toute hypothèse, même si l'acte est traumatisant d'un point de vue psychologique et physique, il a été surmonté par la célérité de notre corps médical hospitalier, et il n'y aura pas de suite irrémédiable malgré le traumatisme de l'acte violent que je déplore, et, si je dis cela, c'est que je suis attentif au sort des victimes.
A trop vouloir prouver, on ne prouve rien, et en un mot tout ce qui est excessif est dérisoire, et je regrette que cette diatribe soit peu constructive par rapport à la réflexion collective qui doit s'instaurer pour nous permettre de mieux infléchir notre action.
Mr le Prefet Jacques Simonnet