Jusqu’où prendre des risques ? Telle est la grosse interrogation à bord des seize Figaro en lice sur la dixième Transat AG2R après dix jours de course. Tous sont en effet en train de rallonger la route par le sud, de peur de se faire coincer par un anticyclone, mais la tentation de «couper le fromage» existe. Au classement, le duel entre Cercle Vert (Morvan-Dalin) et Nacarat (Tabarly-Péron) se poursuit…
“On cherche le bon compromis”. Dans le trio de tête de la dixième édition de la Transat AG2R quasiment depuis le départ, Erwan Tabarly, associé à Eric Péron sur Nacarat, résume bien le sentiment général qui anime après douze jours de course les 32 marins (16 tandems) partis de Concarneau à destination de Saint-Barthélémy. La situation météo sur l’eau les oblige effectivement à faire un grand tour par le sud, quitte à s’éloigner de la route directe vers les Antilles, plus dangereuse en raison de la présence d’un anticyclone synonyme de petits airs.
Spécialiste météo de la course, Cyrille Duchesne s’interrogeait à la vacation de jeudi sur ce choix pour l’instant général, pas forcément conseillé par les routages: “Les routages font aller plutôt plein ouest, à proximité de la route directe, en faisant plusieurs empannages. La route est beaucoup plus courte qu’en plongeant vers le sud. Certes, l’alizé est mieux établi vers le sud, mais on s’écarte de Saint-Barthélémy, est-ce que certains vont oser aller vers l’ouest ? Pour l’instant, ils ont l’air de préférer aller chercher l’alizé plus consistant au sud.”
Tabarly: ” Nous, on va éviter de prendre ces risques”
En bref, les bateaux de tête se livrent actuellement à un vrai marquage, aucun d’entre eux n’osant prendre le risque de «couper le fromage» et suivre une route directe conseillée par certains routages mais qui, si l’anticyclone se prolonge par une dorsale (extension), peut être fatale. “Je vois mal quelqu’un tenter une échappée tout seul dans son coin, indique ainsi l’ancien directeur de course, Jean Maurel. Soit ils tentent tous quelque chose dans une route plus directe, soit ils vont continuer dans le sud-ouest. Le jeu depuis le départ, c’est de s’observer. Pour l’instant, ils s’interrogent, mais si l’un tente quelque chose, je ne serais pas étonné qu’il soit suivi par l’ensemble de la flotte.”
Erwan Tabarly ne semble pas disposé à être le premier à tenter le diable, lui qui, mercredi, a décidé de se démarquer de Cercle Vert (Gildas Morvan-Charlie Dalin), le bateau avec lequel il se partage la première place depuis plusieurs jours, pour plonger davantage vers le sud. “On l’a laissé continuer tout seul vers l’anticyclone et on a plongé dans le sud. On voit qu’il y a des routes possibles qui permettent de traverser l’anticyclone, mais c’est extrêmement dangereux. Nous, on va éviter de prendre ces risques. Notre idée, c’est de passer dessous (l’anticyclone), reste à savoir de combien”, a confirmé le troisième de la dernière Solitaire du Figaro, avant de détailler la suite du programme: “On gagne dans le sud pour les trois prochains jours, on va beaucoup descendre, et a priori, toute la flotte sera obligée de faire la même route. Après, on se retrouvera dans trois jours dans du vent plus soutenu, on pourra refaire du cap à l’ouest à ce moment-là.” Et la fin de la transat deviendra alors une course de vitesse le vent dans le dos, rythmée par les empannages successifs. A moins qu’un audacieux ait décidé de jouer sa carte en solo, après tout, la Transat AG2R s’est souvent gagnée sur des coups de poker…
Par Axel Capron De Sports.fr