POLITIQUE: Le gouvernement Ayrault, sans Aubry mais avec Fabius, atteint la parité
PARIS — Le gouvernement de Jean-Marc Ayrault dévoilé mercredi est marqué par une parité inédite, avec 17 femmes sur 34 membres, et la présence comme tête d’affiche de Laurent Fabius, nommé au Quai d’Orsay et numéro deux, la patronne du PS Martine Aubry en étant la grande absente.
Parmi les principaux ministres de ce gouvernement, qui a fait l’objet de tractations tout au long de la journée, la députée de Guyane et candidate PRG à la présidentielle de 2002, Christiane Taubira, décroche la Justice. Manuel Valls, directeur de la communication du candidat, est nommé à l’Intérieur. Pierre Moscovici décroche Bercy et le Breton Jean-Yves Le Drian la Défense.
L’émergence d’une nouvelle génération est symbolisée par la présence de la benjamine Najat Vallaud-Belkacem (34 ans) au poste de porte-parole du gouvernement, en plus du portefeuille des Droits des femmes.
Au 20 heures de France 2, M. Ayrault a vanté “un gouvernement profondément renouvelé”. “C’est le changement que les Français voulaient”, a-t-il ajouté.
Cette équipe paritaire, qui se retrouvera dès jeudi à 15H00 à l’Elysée pour le premier conseil des ministres, sera probablement remanié en fonction des résultats des législatives des 10 et 17 juin.
A ce titre, “tout ministre battu (…) ne restera pas au gouvernement”, a prévenu le Premier ministre, qui avait pris ses fonctions en matinée lors de la cérémonie de passation avec François Fillon.
Il a par ailleurs précisé qu’il proposerait dès le conseil de jeudi la baisse de 30% du salaire de ses membres, comme promis par François Hollande.
Avec 34 ministres et ministres délégués (sans compter d’éventuels secrétaires d’Etat), le gouvernement est plus fourni que celui de François Fillon, qui comptait 31 membres, y compris les secrétaires d’Etat.
L’un des grands vainqueurs est l’ancien Premier ministre Laurent Fabius, doyen de l’équipe, qui devient ministre des Affaires étrangères. Bernard Cazeneuve sera en charge des Affaires européennes.
La présence en tant que numéro 2 de M. Fabius, 65 ans, tranche avec l’absence de la première secrétaire du PS Martine Aubry, qui briguait Matignon.
Cette information avait été dévoilée dès la matinée par l’entourage de la maire de Lille. “Dans cette configuration, on est convenu, en bonne entente, que ça n’avait pas de sens que je sois au gouvernement”, a ensuite fait valoir à l’AFP Mme Aubry.
“Nous sommes convenus tous les trois que, dans ces circonstances, l’endroit où je suis le plus utile, est d’être à la tête du Parti socialiste pour être auprès de Jean-Marc Ayrault, chef de la majorité. Je conduis la campagne (des législatives) pour les socialistes”, a-t-elle poursuivi.
A plusieurs reprises, François Hollande a affirmé que son Premier ministre serait chargé de la bataille des législatives.
L’UMP s’est engouffrée dans la brèche, son secrétaire général Jean-François Copé ironisant sur “la naissance d’une forme de cohabitation interne au PS”.
Troisième homme de la primaire PS, le député de Saône-et-Loire Arnaud Montebourg entre en revanche de plain-pied au gouvernement, en décrochant un “pôle”, celui du Redressement productif.
Directeur de campagne de François Hollande, Pierre Moscovici, après diverses rumeurs, s’empare de l’Economie et des Finances. Il est accompagné de Jérôme Cahuzac au Budget. Pressenti pour Bercy, Michel Sapin est le nouveau ministre du Travail, de l’Emploi et du dialogue social.
Quelques portefeuilles n’ont pas fait l’objet de surprises: malgré des tergiversations de dernière minute, Jean-Yves Le Drian, un proche de François Hollande, accède au ministre de la Défense. Vincent Peillon, spécialiste de longue date et ancien professeur de philosophie, est ministre de l’Education, une des priorités du chef de l’Etat.
Incontournable durant la campagne, Manuel Valls obtient l’Intérieur au détriment du sénateur-maire de Dijon, François Rebsamen. Marisol Touraine est nommée aux Affaires sociales et à la Santé.
La patronne d’Europe Ecologie-Les Verts (EELV), Cécile Duflot, est comme prévu partie prenante. Mais elle accède au ministère de l’Egalité des territoires et du Logement et non à l’Ecologie, qu’obtient Nicole Bricq.
Autre figure de la parité et du renouvellement, la députée de Moselle Aurélie Filippetti accède au convoité ministère de la Culture et de la Communication.
Proche parmi les proches, le Sarthois Stéphane Le Foll est récompensé de sa fidélité avec le portefeuille de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire.
Geneviève Fioraso (Enseignement supérieur et Recherche), Marylise Lebranchu (Réforme de l’Etat et Fonction publique), Victorin Lurel (Outremer) et Valérie Fourneyron (Sports) complètent la liste des ministres.
Parmi celle des ministres délégués sont à noter les présences du porte-parole du PS Benoît Hamon (Economie sociale et solidaire), Yamina Benguigui (Français de l’étranger et Francophonie) ou encore du bras droit de Martine Aubry, François Lamy (Ville).
Prévue un temps pour 16H00, la divulgation de cette liste avait pris du retard, face à la difficulté de la tâche. Elle n’a été dévoilée par le secrétaire général de l’Elysée, Pierre-René Lemas, que vers 19H30.
Le réseau Osez le féminisme! a salué sa parité, tout en déplorant qu’une seule femme ait obtenu un ministère régalien (Christiane Taubira). Jeannette Bougrab, ex-secrétaire d’Etat de Nicolas Sarkozy, a jugé cet aspect “positif”.
Le Mouvement républicain et citoyen (MRC) de Jean-Pierre Chevènement, qui a signé un accord avec le PS pour les législatives mais ne décroche aucun poste, a en revanche déploré un “décalage entre le discours du rassemblement et la composition du gouvernement”.
De Guillaume KLEIN et Mathieu FOULKES (AFP)