La crise du BTP est politique

Yves KINARD
Par Yves KINARD 5 Juil 2012 14:07

La crise du BTP est politique

Le BTP vient une fois de plus de souligner le rétrécissement du marché et les difficultés de plus en plus nombreuses du secteur. Au delà de cette évidence, il est peut-être utile de revenir sur quelques aspects, mais aussi d’ouvrir la porte à un avenir possible.
Il y a encore quelques années, c’étaient par centaines que les permis de construire étaient délivrés chaque année alors que, l’année passée, il y en a eu seulement une centaine et que, selon les chiffres à mi-2012, on sera à environ 70 à la fin de l’année. Il y a beaucoup de raisons pour expliquer ce ralentissement au premier rang desquelles bien évidemment la crise immobilière dont il faut rappeler qu’elle est le vecteur déclencheur de la crise mondiale que nous connaissons actuellement. Partie des Etats Unis, elle a touché le reste du monde rapidement et des pays comme l’Espagne, par exemple, en sont l’illustration parfaite.

Mais ce n’est pas le seul facteur et il convient de pousser l’analyse un peu plus loin. Tout d’abord, il est indubitable que les belles années de Saint Martin sont derrière nous car on ne peut évidemment construire indéfiniment. Il arrive bien un moment, à moins de bétonner toute l’île, où il faudra s’arrêter. Le secteur du BTP s’est artificiellement gonflé dans la mesure de l’appel d’air considérable dû à la défiscalisation. Il est évident que le secteur doit se contracter quand, d’une part, cette offre fiscale a quasi disparu, et que, dans le même temps, la demande en nouvelles constructions a diminué. Après, il y a d’autres facteurs à ne pas négliger et qui nous forcent à nous remettre en question: l’île est-elle toujours aussi attractive, et pas seulement sur cet aspect fiscal, mais aussi pour l’environnement, la propreté, l’état des routes et tous les autres facteurs qui définissent l’attrait d’une destination? Nous vendons-nous bien, sommes assez accueillants, l’offre est-elle diversifiée par rapport à la concurrence, sommes-nous sur le bon créneau, la qualité de nos constructions est-elle au niveau du prix que nous en demandons? Un autre facteur à prendre en compte est l’évolution rapide de la législation, notamment dans le domaine de l’eau et de l’environnement qui conduisent à des refus de permis de bâtir. J’ai été très surpris lors d’un passage au service de l’urbanisme de découvrir sur le panneau d’affichage le nombre de refus pour des raisons d’impréparation du dossier ou de non conformité à telle ou telle législation, toutes choses évitables par une préparation plus sérieuse en amont qui réduirait les délais d’acceptation.

Pour autant, doit-on tirer un trait sur l’avenir et signer la mort du BTP? Je ne pense pas, et pour faire écho à ce que je disais dans d’autres articles, il reste encore tellement de choses à faire ici. Mais toutes reposent sur des décisions politiques. Je vais en prendre une comme exemple, mais il y en a d’autres. Fin 2004, un peu par hasard je l’avoue, je lançais le projet du Front de Mer qui a ensuite été soutenu par Daniel Gibbs. A l’époque, j’avais fait un lobbying auprès de tous les politiques et tout le monde, majorité comme opposition, se retrouvait autour d’un projet a dimension humaine, qui ne marginalisait pas Marigot et répondait à la demande des grands yachts. Mais la perspective de l’évolution statutaire renvoyait le projet pour le lendemain des élections. La suite, on la connaît. Daniel Gibbs a monté un autre projet plus ambitieux qui a abouti à son éviction et à reporter une fois de plus le projet, malgré de belles avancées et notamment un concours d’architecture. De nouveau la perspective d’élections ralentit le processus, ce qui est sans doute une erreur, car l’ancienne majorité aurait sans doute conservé sa place si elle avait eu le courage de lancer ce projet d’environ 90 millions dont le financement était bouclé.

Aujourd’hui, le même montage est toujours possible et il ne manque que la décision politique pour lancer les travaux et injecter dans l’économie de l’île ces fameux 90 millions, toujours disponibles, dont la plus grosse partie va bien entendu transiter par le BTP. Qu’attend-t-on?

Surtout qu’on peut certainement doubler ce chiffre si on y inclut le secteur privé qui viendra se greffer sur ce renouveau avec la réouverture de boutiques et la redynamisation de Marigot. Une fois encore c’est la démonstration que le politique doit juste permettre l’investissement par ses décisions sans nécessairement y prendre part. Il en récoltera ensuite les fruits à travers la fiscalité d’une population qui aura vu sa situation s’améliorer ainsi que grâce à la décrue des aides sociales de tous genres à sa charge en fonction d’un meilleur taux d’emploi. Argent qu’il pourra alors réinjecter dans l’économie locale par le biais de l’investissement public, lequel argent peut être amplifié par les mécanismes européens.

Yves KINARD

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Par Yves KINARD 5 Juil 2012 14:07

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