Le Soyouz ST commercialisé par Arianespace: Première fusée russe prête à décoller de Guyane
par Franck Leconte
CAYENNE (Reuters) – Le Centre spatial guyanais s’apprête à vivre un jour historique avec l’envol, jeudi, d’un lanceur Soyouz de Sinnamary, en Guyane française.
Pour la première fois, une fusée russe sera lancée ailleurs que des bases spatiales de Plessetsk (Russie) ou Baïkonour (Kazakhstan).
Cet événement est la concrétisation du programme du conseil de l’Agence spatiale européenne (Esa) décidé en décembre 2004. Privé de lanceur moyen depuis l’arrêt d’Ariane 4 en 2003, Arianespace commercialise Soyouz via sa filiale Starsem.
Optimisée pour placer sur orbite géostationnaire des charges lourdes de cinq à dix tonnes, Ariane 5 n’est plus aussi rentable pour lancer des satellites plus légers utilisés fréquemment.
De par sa proximité avec l’équateur, le Centre spatial guyanais permettra à Soyouz d’emmener des charges plus importantes, jusqu’à trois tonnes de matériel contre 1,7 tonne de Baïkonour.
“Soyouz abaisse le prix de lancement d’Ariane 5 parce que les frais fixes de pas de tir en Guyane vont être repartis sur beaucoup plus de lancements”, explique à Reuters le PDG d’Arianespace, Jean-Yves Le Gall.
Afin de profiter complètement des capacités du lanceur russe, le Centre national d’études spatiales (Cnes) a édifié un nouveau site dédié à Soyouz, situé dans la partie nord-ouest du Centre spatial guyanais, dans une zone de 120 hectares sur le territoire administratif de la commune de Sinnamary.
CALENDRIER RESPECTÉ
L’ensemble de lancement de Soyouz (ELS) reproduit le modèle des installations de Baïkonour avec 20.000 m² de surface bâtie. Six cents ouvriers et ingénieurs français et russes ont été mobilisés depuis 2005 pour réaliser ce site.
Les travaux, qui s’élèvent à environ 500 millions d’euros, ont connu des retards mais seulement sur les opérations réalisées en Russie, explique le directeur général délégué du Cnes et directeur du Centre spatial guyanais, Joël Barre.
“Le travail sur place depuis trois ans a été réalisé avec le respect du calendrier”, dit-il.
Une collaboration fructueuse entre les équipes russes et européennes que souligne le directeur technique pour le tir Soyouz, Valery Kapitonov.
“Nous avions l’expérience de travailler avec les Européens avant la construction de la base de lancement en Guyane française”, dit-il en référence aux campagnes d’Arianespace menées avec des Soyouz à Baïkonour.
Similaire à la version originale, le lanceur russe a dû subir des changements pour répondre notamment aux normes de sécurité européennes et aux contraintes de l’environnement guyanais.
Il est ainsi équipé d’un système de neutralisation commandé du sol en cas de déviation de trajectoire. Les passagers de Soyouz sont désormais intégrés en position verticale, contrairement à la Russie.
PORTIQUE MOBILE
Il a fallu pour cela mettre en place à Sinnamary un portique mobile. Arianespace a ainsi la capacité de lancer un même satellite indifféremment sur Soyouz ou Ariane 5.
La fabrication du Soyouz qui sera lancé en Guyane est réalisée sous la responsabilité de l’agence spatiale russe Roskosmos. Chaque étage est transporté par conteneurs de Samara en Russie jusqu’à Sinnamary. Les 11.300 kilomètres sont parcourus en train, en cargo et en camion. Les éléments sont ensuite assemblés, à l’horizontale, dans le bâtiment d’intégration MIK (Montazhno-Ispitatielniï Korpoussagrandi).
Quatre jours avant le lancement, Soyouz est placé dans sa position verticale dans le portique mobile sur le pas de tir. C’est là qu’il est coiffé de son quatrième étage qui abrite la charge utile. Le portique se retirera une heure avant le décollage.
Pour cette première mission guyanaise, Soyouz placera sur orbite pour l’Esa les deux satellites opérationnels de la constellation Galiléo dans le cadre du programme IOV (In Orbit Validation), le projet européen de système de positionnement par satellites.
L’Europe compte effectuer deux à quatre lancements commerciaux par an de Soyouz de Kourou, tandis que les Russes continueront à utiliser le lanceur pour les vols gouvernementaux et les vols habités, explique le Cnes.
Edité par Patrick Vignal – Reuters