Saint Martin est une île

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Saint Martin est une île
Par Yves KINARD 24 Juil 2012 17:56

Ça alors me direz-vous: grande découverte! Sous cette apparente plaisanterie se cache une réalité assez curieuse que je ne me suis jamais vraiment expliquée: Saint Martin n’aime pas la mer. Curieux quand même pour une île….

La mer…. qu’on la chante comme Charles Trenet: “la mer, qu’on voit danser le long des golfes clairs” ou que l’on philosophe comme Platon: “Il y a trois sortes d’hommes: les vivants, les morts, et ceux qui vont sur la mer”, la mer ne laisse pas indifférent. Qu’elle soit nourricière avec la pêche, terrain de jeu avec tous les sports nautiques, revigorante avec son iode, agitée ou calme, perpétuellement en mouvement, jamais la même, la mer est un éternel recommencement. Et s’il est bien une chose présente dans une île, c’est la mer. Sauf à Saint Martin!

Je me rappelle, il y a bien des années, j’étais administrateur à l’Office de Tourisme et nous discutions du nouveau site internet. Face aux tergiversations et au regard de ce qu’était alors notre site, j’ai pris la parole pour demander benoîtement à l’assemblée: “un touriste qui programme ses vacances a deux catalogues en face de lui. Un parlant de la montagne, l’autre de la mer. Dans lequel va-t-il nous trouver?” Cette évidence entraîna l’adhésion à ma suggestion de diviser le site en deux: côté mer, côté terre. Cela semblait tellement évident que personne n’y avait pensé. La mer, par son omniprésence, se fait oublier alors qu’elle est notre première richesse.

Vers la même époque, conscient que la mer était la grande oubliée des Saint Martinois, et alors que j’étais président de l’association Métimer (les métiers de la mer), j’ai proposé qu’on organise la Fête du Nautisme, en s’accrochant à ce qui se faisait en Métropole aux mêmes dates. Les éditions 2003 à 2005 furent un succès qui, au-delà de la réussite, firent entrer la mer au rang des préoccupations de nos élus, ….en partie. Au moins se rendirent-ils compte qu’elle existait. Pourtant le nautisme et la pêche étaient déjà une partie importante de l’activité économique. Si la pêche est une activité traditionnelle de Saint Martin, elle n’en reste pas moins confinée dans un rôle économique secondaire, mais indispensable, face au poids de l’hôtellerie ou de la plaisance. A l’époque, les sociétés de charter alignaient des centaines de bateaux. Notre île servait de plaque tournante pour les voyageurs, entre une escapade d’une semaine vers les îles environnantes, et une escale sur la route du tour de l’Atlantique, ou en prélude aux horizons plus lointains, au-delà de Panama. Une industrie s’y est développée dans la quasi complète indifférence des insulaires pour qui, même Tintamarre, paraissait le bout du monde bien loin au-delà de Pinel.

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Après, les chambres flottantes ont vu leur nombre se réduire dans le même sillage que celles d’hôtels. Une autre clientèle dans le même secteur est venue, plus vite captée par nos voisins qui, en habiles commerçants, surent prendre le train en marche: les mégayachts. Nos élus ne le comprirent pas et c’est la Semsamar qui imposa son idée en construisant la marina Fort Louis. Le manque de vision la confina dans un espace étriqué avec des ambitions limitées. En effet, la concession octroyée ne permet pas d’espérer concurrencer un jour les marinas hollandaises qui, aux meilleurs jours, accueillent plus de 300 bateaux quand nous pouvons amarrer une trentaine de grands yachts. Indifférence à la mer de nos élus? Sans doute. On la retrouve dans la bouche d’un cadre de la Collectivité qui, lors du Forum des Rup (régions ultrapériphériques) à Bruxelles, alla déclarer tout de go qu’à sa connaissance, il n’y avait jamais eu de volonté de développer une croissance bleue (développement des activités liées à la mer). Iconoclaste, maladresse, méconnaissance du terrain? Tout cela à la fois sans doute. Fallait-il cependant le dire? Non sans doute, mais n’est-ce pas au fond la vérité?

J’ai toujours été étonné de cette indifférence à la mer des Saint Martinois. J’ai souvent parlé avec eux, et non des moindres, et parfois des anciens, sans jamais vraiment comprendre. C’est un peu comme si la mer n’existait pas. Même si la jeune génération, sous l’influence de l’offre ludique, commence à voir dans la mer un terrain où s’exprimer par le jeu, force est de constater qu’elle a longtemps été synonyme de perte, de disparition. Dans le temps, il fallait quinze jours pour revenir de Guadeloupe à Saint Martin. Et parfois, on ne revenait jamais. Une tempête, un cyclone imprévisible s’était levé, engloutissant sans jamais le rendre, l’être aimé. La mer, c’était aussi le dernier horizon ardemment fixé, là où l’enfant, le père, étaient partis chercher du travail ailleurs. Essentiellement agricole, l’île sèche ne suffisait pas à assurer la vie à une population grandissante. Alors, il fallait partir au loin…. par la mer. Pour revenir des années après, ou jamais. Combien de vies a-t-elle prise, combien d’années à une vie a-t-elle prise? Tout cela sans doute a-t-il laissé des traces dans la conscience collective, expliquant ce refus de voir la mer?

Pourtant, la croissance bleue, pour reprendre le thème de ce forum à Bruxelles est bien notre seul avenir pour l’unique raison que des développements immobiliers non contrôlés, comme ils le furent déjà à la belle époque de la défiscalisation, ne font que détruire un peu plus l’outil. La croissance bleue, c’est le développement de l’accueil, de marinas, de quais, d’hôtel tournés vers la mer, ce sont des formations pour nos jeunes pour devenir capitaine ou équipage sur tous types de navires, c’est déjà leur apprendre, dès leur plus jeune âge, à nager et donc enfin construire une vraie piscine et permettre aux scolaires d’y accéder dans le cadre des cours d’EPS. C’est défendre la profession de pêcheur en encadrant mieux les pratiques locales, notamment dans la restauration. La croissance bleue, c’est aussi axer notre promotion sur notre seule vraie richesse à l’heure actuelle, et même si nous pouvons en développer d’autres, celle de la mer.

Yves KINARD  – Crédit photo: yves kinard

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Par Yves KINARD 24 Juil 2012 17:56
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