La Fédération Interprofessionnelle de Saint-Martin réagit aux récentes décisions prises par la Collectivité et s’interroge sur le peu de communication qui existe entre nos élus et les différents acteurs de la vie économique locale. Fiscalité, relations avec les îles voisines, investissement, tourisme et situation de l’aéroport… la FIPCOM fait le tour des questions d’actualité et cherche des solutions à la crise qui touche Saint-Martin.
“Le processus électoral étant désormais achevé et les nouveaux organes institutionnels installés, après les premières décisions de la COM, la FIPCOM a réuni son Comité d’Orientation et ses Membres. Au cours de la campagne, la FIPCOM avait tenté d’établir un dialogue en vue de connaître les programmes, notamment économiques et fiscaux, et faire valoir les attentes et les besoins de notre économie. Le temps a été laissé à la nouvelle équipe dirigeante de mettre en place les équipes et les responsabilités des différents services, commissions et pôles, et des premières décisions ont été prises.
Cette nouvelle équipe prend les commandes de la Collectivité au moment où la situation générale est d’une extrême gravité et où sa situation financière générale fait peser de graves incertitudes sur sa capacité à mettre en place des mesures aptes, non seulement à redynamiser, mais simplement à maintenir le niveau de notre économie et assurer la survie de nombre d’entreprises.
Il est désormais indispensable de pouvoir, de manière urgente et sur la base d’un état des lieux général, rencontrer la Présidence de la Collectivité et les responsables des secteurs économiques et financiers pour parvenir à la mise en place rapide des mesures essentielles à la survie de notre économie puis à son redéploiement.
Au terme du tour d’horizon réalisé avec l’ensemble des composantes élargies de la fédération, il apparaît que la situation générale est caractérisée par :
– une crise économique que chacun ressent mais dont nous mesurons l’aggravation et l’ampleur, au quotidien.
– une absence de stratégie économique, conséquence de la méconnaissance de ses mécanismes,
– une incohérence fiscale décourageante et incompatible avec un renouveau de l’investissement,
– l’absence de rigueur dans la gestion des finances publiques,
– et enfin par l’étonnante et récurrente absence de concertation avec le secteur économique et les acteurs de la société.
Ces différentes difficultés traduisent en réalité une incapacité à adapter une gouvernance moderne face aux défis auxquels Saint Martin se trouve confrontée et révèlent une incompréhension des réformes qu’il faut adopter pour sortir du mode de gouvernance qui a toujours été en usage à Saint Martin et qui nous a conduit là où nous en sommes aujourd’hui : au bord de la faillite économique et de sa conséquence immédiate, l’explosion sociale.
Le redressement économique, vecteur essentiel d’un futur social harmonieux, ne peut être obtenu par les seuls politiques qui, s’ils détiennent une légitimité, ne détiennent pas toutes les légitimités.
Sur le plan des finances publiques, la FIPCOM fait siennes les recommandations du CESC en ce qu’elles concernent la nécessité de mettre en place une gestion véritablement rigoureuse des services et des dépenses de la Collectivité. Dans ces périodes difficiles, il ne peut être envisagé par le monde économique de voir la pression fiscale s’élever alors qu’une gestion normalement rigoureuse suffirait à l’éviter.
S’agissant de la fiscalité, et une fois ces efforts de rationalisation et de rétablissement effectués, il convient d’opérer une révision d’ensemble de la fiscalité dans le cadre d’une concertation générale à mener dans le cadre d’une « Commission ad hoc ».
Les difficultés actuelles et les plus récentes résultant de décisions d’urgence sont là pour attester qu’une fiscalité efficace ne peut exister que si elle résulte d’une juste évaluation des besoins et de la mise en place de recettes évaluées et concertées.
Dans l’immédiat, et sur la base des textes en vigueur, le monde économique n’acceptera pas que soit perpétué le principe permanent qui consiste à ne venir rechercher l’augmentation des recettes fiscales que sur les seules entreprises répertoriées et qui acquittent déjà leurs obligations à un niveau infiniment supérieur à celui de la partie de l’économie qui n’acquitte rien. Dans un premier temps, c’est l’élargissement de l’assiette qu’il convient en priorité de réaliser.
A ce titre, et aux côtés de la Commission ad hoc, il convient d’organiser une « Commission paritaire de suivi » établissant à échéance fixe le constat objectif de l’évolution du rendement des différents impôts et taxes, validant et attestant de l’universalité et de l’équité tant de l’assiette que du recouvrement.
Au chapitre du développement économique il est curieux que, face à la situation dramatique actuelle, il n’ait pas été fait un tour d’horizon avec les acteurs économiques des filières majeures, au moins celles adhérentes à la FIPCOM. Comme si le redressement pouvait intervenir, soit par lui seul, soit de la seule initiative politique, sans la connaissance, l’analyse, l’expertise et le diagnostic des acteurs de l’économie. En l’attente des plans de développement à moyen et long terme, il est essentiel de sauvegarder le peu d’économie qui existe encore, en mettant en place un plan d’urgence immédiat.
A ce titre, nous devons nous appuyer sur la capacité de certaines composantes de notre économie pour réagir. Notre ile est une ile touristique et à ce titre se doit de disposer d’outils en adéquation avec notre principale ressource. La première est naturellement l’industrie hôtelière capable d’agir immédiatement sur les marchés extérieurs. C’est l’industrie lourde de référence, qui en dépit de la désinformation largement propagée, dispose d’un parc opérationnel de 1800 chambres, qui a assuré en 2011 plus de 730 000 journées de clients et généré un chiffre d’affaire réel de 150 millions d’euros. Or cette industrie possède une marge de progression potentielle immédiate.
Il faut impérativement réorganiser les méthodes et les structures de la promotion touristique autour des acteurs de cette industrie. Ce redéploiement implique également de stopper l’hémorragie du commerce à Marigot par un programme de restauration et de protection du commerce local.
Ce plan sera également un vecteur d’activité pour le bâtiment et son financement. Compte tenu du faible niveau d’endettement et de la restauration de l’équilibre des finances publiques, ce plan peut être adossé à un emprunt. Il implique également d’intervenir sur la protection des activités de Saint Martin dans le domaine réglementaire pour rééquilibrer les conditions de concurrence avec nos voisins de Sint Marteen et de notre bassin de concurrence. Là encore, les préconisations des spécialistes de chaque corporation peuvent établir une liste impressionnante des déficits concurrentiels dont la plupart n’entraîneraient aucune dépense pour la Collectivité s’ils étaient résorbés, les exemples de concurrence déloyale sont multiples :
Les navettes de liaisons entre Anguilla et St Martin sont exclusivement des sociétés d’Anguilla qui ne s’acquittent d’aucune redevance pour venir à St Martin, alors que nos bateaux payent entre 50 $ et 150 $ par jour pour pouvoir s’y rendre.
Des zones de pêches exclusives pour certains, mais ouvertes à tous pour d’autres, et la vente libre des poissons sur le marché de Marigot, sans aucune obligation à respecter.
Des bateaux charters des Iles Vierges, de Guadeloupe, de Sint Maarten, etc, qui travaillent dans nos eaux en violation des lois et obligations sécuritaires, fiscales. Des nouvelles prescriptions hollandaises, visant à faire payer la clearance à nos bateaux, venant chercher leurs clients à l’aéroport alors qu’eux n’en subissent aucune.
D’une redevance de mouillage mise en place inefficacement et sans concertation. Ne générant aucune rentrée pour la Collectivité allant directement dans les caisses du port de Commerce. Des bus, des camions et taxis hollandais qui travaillent en toute quiétude en zone française sans assumer la moindre participation fiscale, ni respecter les obligations sécuritaires liées à leur exploitation..
Aux assurances hollandaises non conformes avec les lois françaises.
Une dernière illustration en a été donnée dans l’affaire des passeports français de l’aéroport de Juliana dont l’impact financier a été et continue à être pour le secteur privé bien supérieur au déficit du budget de fonctionnement de la Collectivité.
En ce qui concerne le domaine du BTP, la restauration des finances publiques et une fiscalité attrayante pour les investisseurs sont indispensables à la relance de l’activité.
Il convient dans ce but de faire appel à toutes les ressources spécifiques dans le cadre des co financements nationaux et européens pour des déblocages d’urgence de projets. (…) Entre-temps, il faut impérativement lever les blocages administratifs qui mettent obstacle à la réalisation des opérations possibles et qui restent en l’attente.
Sur la base d’une fiscalité réfléchie, dynamique et égalitaire.
Élargissement de l’assiette. Fin des exonérations sectorielles.
Activation de la commission Ad Hoc et du comité de suivi.
Sur la base d’une restauration de l’équilibre budgétaire par des efforts de productivité et de rigueur de gestion.
Réduction drastique des dépenses publiques.
Sur la revivification de la concertation, de l’écoute, de l’expertise, des acteurs locaux.
Sur la redynamisation immédiate de notre industrie touristique majeure et des deux autres piliers que sont le Commerce et le BTP, Les effets bénéfiques de la relance se diffuseront dans l’ensemble des autres filières de l’économie.
Il faut libérer les énergies et que la « tutelle » du politique cesse d’être un étouffoir, pour retrouver sa mission originelle non pas de « direction de l’économie » mais de support de son développement par la mise en place des conditions de sa compétitivité. Faute de quoi la situation va rapidement devenir extrêmement intenable, des pans entiers de l’économie vont s’effondrer et les autres, face à l’incohérence et l’injustice fiscale, encore aggravée, ne pourront plus ou seront contraints de refuser de s’acquitter de leurs règlements de taxes et d’impôts fragilisant encore un peu plus nos finances publiques et notre économie.
Pour conclure l’actualité se fait encore plus pressante avec un sujet extrêmement soucieux qui touche toutes la population saint-martinoise : La situation de l’aéroport de l’Espérance. Les dernières nouvelles semblent annoncer : Une mort programmée.
Affaire à suivre.
Le Bureau