On supprime les impôts à Saint Martin !
Ca y est, enfin, on ne paiera plus d’impôts à Saint Martin! Face à la difficulté de recouvrer l’impôt, face à l’apparente impossibilité d’élargir l’assiette fiscale, face à la fronde d’une partie de la population qui ne veut pas payer d’impôts pour différentes raisons historiques, le plus simple, on les supprime!
La fiscalité, c’est la pomme de discorde entre la Collectivité et l’Etat pour des questions de recouvrement, c’est aussi le refus catégorique d’une partie de la population, et c’est aussi la volonté des fraudeurs de tous bords qui sont venus ici essentiellement pour échapper à l’impôt. Historiquement, jusqu’à un passé récent, dont aiment à se souvenir les saint martinois, on ne payait pas d’impôts ici. C’est la France, en renforçant sa présence, qui a décidé la perception des taxes pour lui permettre d’assurer l’équilibre des finances publiques au nom de la participation de tous les français à l’effort de la nation. La position de la population autochtone est d’ailleurs difficile puisqu’elle ne peut rester absente du recouvrement quand dans le même temps elle bénéficie des largesses de l’Etat, notamment en matière sociale, mais aussi structurelle. Mais au-delà de la simple logique, il y a un certain atavisme à vouloir prendre d’un côté sans contribuer de l’autre, profitant au passage d’un Etat faible autant en volonté qu’en moyens. En volonté parce qu’il semble acquis depuis longtemps que l’Etat achète la paix sociale dans les départements d’outre mer en retard structurel de développement par rapport à la Métropole. En moyens, car manifestement, pour rattraper le retard dans sa capacité à remplir ses missions, l’Etat ne met pas les moyens qu’il faut. Le nombre de fonctionnaires ainsi en charge de l’impôt chez nous est ridicule face à l’ampleur de la tâche et le cadeau socialiste des 35h.
Le meilleur moyen ne serait-il pas alors de carrément supprimer les impôts? Le problème actuel, est que seuls ceux qui sont connus des services de l’Etat supportent le poids fiscal. L’élargissement de l’assiette a fait couler beaucoup d’encre et ne s’est toujours pas amélioré puisqu’il doit stagner en-dessous de 50% quand il est de plus de 95% en Guadeloupe. Et bien entendu, on parle autant des contribuables physiques que des sociétés. Supprimer les impôts, certes, mais par quoi les remplacer? Car il faut bien que notre Collectivité remplisse ses caisses pour assumer ses missions. Prenons Saint Barthélemy. L’impôt n’y existe pas, mais néanmoins, une taxe est perçue, le droit de quai, sur tout ce qui arrive au port (y compris les frais de transport et de déchargement). Les 5% collectés, associés à diverses taxes comme sur les immondices, la vignette auto, la contribution forfaitaire annuelle des entreprises (plafonnée à 5.000€), la taxe sur les carburants, la taxe de séjour, font qu’au total la Collectivité équilibre son budget qui est même excédentaire malgré un budget investissement. Les avantages qu’ils ont sont évidemment l’unicité de territoire et la présence de points d’entrée réduits au port et à l’aéroport. En Guadeloupe, deux systèmes cohabitent: l’octroi de mer (qui est la même chose que le droit de quai) complété par la TVA, mais aussi les impôts directs. Chez nos voisins hollandais, ils ont à la fois la Turn Over Tax et des impôts sur les sociétés et les personnes.
Puisqu’il semble si difficile d’élargir l’assiette fiscale et qu’en plus certains ont carrément dit qu’ils ne paieraient pas d’impôts, on peut faire deux propositions, éventuellement cumulatives. Avant les élections, j’ai proposé à tous les candidats une fiscalité reposant en gros sur la suppression de la fiscalité actuelle et son remplacement par un impôt direct de 5% sur tous les revenus, prélevés à la source (par les employeurs), la suppression quasi totale de l’impôt sur les sociétés, mais des taxes sur les transactions, notamment bancaires, une TVA généralisée sur les biens et services de 12% et le maintien de toutes les petites taxes d’ordre technique comme par exemple les droits de mutation. Ce système très complet montrait que l’on pouvait prélever aisément 150 millions d’euros sur le PIB (produit intérieur brut, soit grossièrement le total des valeurs ajoutées de l’activité des différentes branches augmenté des impôts et déduction faite des subventions) de 460 millions de Saint Martin, soit environ 30%. Ce qui revient à dire que la Collectivité arriverait à trouver par ce biais plus que son budget normal (autour de 120M€) avec une pression fiscale de 30% quand celle de la France est de 47%…..
Ce système pourrait être cumulé de manière a éventuellement réduire la pression sur les citoyens (du moins directement, car en indirect, cela resterait le même) en instituant un droit d’entrée qui serait mis en place conjointement avec nos voisins hollandais. C’est-à-dire que n’importe quel bien qui rentrerait par bateau ou avion serait d’office taxé à 3% par exemple. Selon le destinataire, ce prélèvement serait reversé au pays concerné. Cette idée émise par la Fipcom est simple à mettre en place, peu coûteuse puisque tout ce qui arrive par container est formalisé dans un document douanier qui précise autant la nature, le destinataire, que la valeur. Ces pièces existent déjà et il serait donc facile de ne payer que quelques personnes à Philipsburg, à Juliana et à Galisbay pour imposer tout ce qui rentre à Saint Martin/Sint Maarten. Inconvénient de ce système, on ne touche pas les services qui constituent le gros du PIB. C’est là que la TVA intervient en forçant tout le monde à payer et en réduisant le besoin de contrôle aux seuls guichets collecteurs que sont les entreprises (qui en plus sont des employeurs) et les artisans. La TVA est un système qui existe partout au monde et qui, ici, aurait le gros avantage d’être applicable immédiatement puisque tous nos comptables sont formés en France et que tous les logiciels sont écrits pour tenir compte de la TVA. Il suffit juste d’indiquer le taux. Le prélèvement à la source ne peut non plus être un problème puisque aujourd’hui déjà les entreprises prélèvent à la source les cotisations sociales, patronales et salariales, pour les reverser aux organismes sociaux. Ce faisant, elles collectent déjà pour le compte de l’Etat des impôts (CSG CRDS). Cela ne serait donc pas compliqué de rajouter une ligne. La suppression des impôts allège aussi la comptabilité puisque par exemple, le système des amortissements disparaît (puisque imposition forfaitaire sur le chiffre d’affaires de 1%).
Une fiscalité de ce type permettrait dès le premier mois de récupérer une dizaine de millions et cela tous les mois. De quoi rêver…. C’est aussi une mise en place réaliste et surtout courte (un mois ou deux). Et cette fois, tout le monde passera à la caisse. Alors j’imagine que je ne suis pas plus intelligent que d’autres et que nos élus de tous bords ont dû avoir cette idée. Pourquoi alors n’est-elle pas appliquée si ce n’est que le système actuel, quelque part, en arrange certains qui ne veulent pas le remettre en question? Mais à un moment où la Collectivité risque vraisemblablement d’être mise sous tutelle à cause du vote d’un budget en déficit, pour quelque bonne raison que ce soit, il faut faire preuve d’imagination et surtout de volonté politique.
Yves KINARD