Quant une femme se présente
Même dans une société dans laquelle la femme à une égalité légale totale avec les hommes, en politique le vieux et traditionnel réflexe grégaire de la caste masculine n’est jamais très loin. La campagne électorale qui s’achève au Québec puisque nous voterons le 4 septembre prochain, nous l’aura bien illustré .
Voici Pauline Marois, québécoise de 63 ans, mère de 4 enfants, deux fois grand mère, issue d’un milieu ouvrier, qui brigue le poste de première ministre du Québec. Au delà des clivages souverainistes-fédéralistes qui font et défont nos gouvernements depuis 50 ans, au delà des différences gauche-droite qui jouent, même si cela est moins évident qu’en Europe, nous avons vécu un clivage homme-femme qui mérite qu’on s’y arrête quelque peu.
Pauline Marois est en politique depuis 1976. D’abord jeune attachée de presse du ministre des finances du premier gouvernement du Parti Québécois ( souverainiste), elle se fait elle-même élire comme députée en 1981 et est immédiatement nommée ministre d’Etat à la condition féminine dans le cabinet Lévesque. C’est à ce moment que j’ai eu le plaisir de la connaitre, débutant une amitié qui a maintenant plus de trente ans. De 1981 à 1985 elle fut, successivement, ministre de la main- d’œuvre et des affaires sociales et Présidente du Conseil du Trésor ( dans le système britannique cela équivaut au grand responsable des dépenses et entrées de l’Etat).
Le Parti québécois est défait lors des élections de 1985 puis 1989. Elle est députée dans l’opposition. En 1994 le PQ est réélu: allé redevient ministre jusqu’en 2013, dans les deux mandats successifs de son parti. Son cursus est plus qu’impressionnant: le Conseil du trésor, encore, les Finances, La Santé, l’Education, la Famille et vice-première ministre en 2000. Elle annonce qu’elle quitte la vie politique en 2004, ce qu’elle fait en démissionnant de son poste de députée. Les circonstances politiques la rappelle au service public en 2007, deux mois avant les élections! Au pied levée elle remplace le leader du PQ qui s’en est allé. Elle réussit néanmoins , avec un parti en pleine crise d’identité et qui, lors de l’élection de 2005 s’était vu reléguer en troisième place, à redevenir l’Opposition officielle à Sa Majesté (sic!). Elle rebâtit son parti avec détermination, dépoussière son programme, le recentre délibérément vers la gauche et lui fait prendre un total virage vers le développement durable. Ceci lui crée quelques problèmes auprès des caciques: ils sont une dizaine en 2011 qui quittent. Elle ne cède pas , convoque un congrès du parti et obtient….93 d’appuis. Les journalistes la baptisent du nom de Dame de béton.
Dans tous les ministères ou elle a passe il est reste une ou des actions politiques mémorables et toujours appréciées: le réseau universel des centres de la petite enfance ( garderies), le soutien aux PME innovatrices, le développement de l’éolien, l’abolition des commissions scolaires confessionnelles etc…
La voilà donc en campagne électorale. Et c’est la que ressortent les clichés de la part de ses adversaires masculins: trop bourgeoise car elle est élégante, trop riche car son mari est un homme d’affaires qui a réussi, trop maman et autre conneries. Lorsque Pauline arbore un foulard bleu on lui dit que ce serait mieux un jaune, brefs, de la fatuité totale. Les sondages disent que 47 % des électrices la soutienne. Bonne nouvelle.
Son élection ne sera pas seulement une bonne chose au niveau de la politique en général mais, au delà il y aura une pédagogie permanente sur le style de gestion féminin qui va, espérons le, abattre ce machisme de la classe politique masculine. Ils pourront bien rire, mais leur rire sera gras et con !
DUTHEL Jean-Yves