Evacuation totale, Tomas arrive! – Par Saran Koly
Au détour du web, je suis tombé sur le Blog de Saran Koly. Après avoir parcouru son blog, je lui es posé la question de savoir si l’on pouvait reprendre une note écrite aujourd’hui qui a attirée mon attention.. Saran à acceptée et je me permet de la partager avec vous, lecteurs égarés ou pas sur sxminfos.net
Profitez en pour lire son travail plongé dans la réalité locale…
Note issue du Blog de Saran Koly :100 jours en Haïti
Evacuation totale, Tomas arrive!
Bonjour, c’est re-moi. Saran Koly. Je ne suis plus journaliste. Je suis toujours à Haïti, à Port-au-Prince. Enchantée. J’ai bossé à l’américaine ces derniers mois, ce qui veut dire que je n’avais même plus le temps de penser. Donc d’écrire. Je m’excuse d’avance si cette note est trop longue. Trop fouillis.
Je reviens aujourd’hui parce que l’heure est grave. Ce n’est pas nouveau diront certains. Vous avez une solution vous? Le gouvernement haïtien en a trouvé une, à défaut de s’entendre dire «vous ne faites rien», «il n’y a pas de leadership». Il dit «partez, chez des amis de la famille, quittez les camps, évacuation totale.» Certains l’écrivent avec un “h” d’autres sans. Le National Hurricane Center à Miami l’a dit, Tomas est là et se dirige droit sur nous. Impact prévu vendredi.
Consignes :
– Restez à l’écoute des messages météo pour tout nouveau développement de ce système. Je n’ai pas de radio ni de télévision. Mais j’ai cette extraordinaire invention qui s’appelle un blackberry, et je guette chaque mouvement de Tomas sur le site de National Hurricane Center. Ce n’est pas rassurant.
– Surveillez la montée des eaux. J’habite dans les hauteurs de Port-au-Prince comme beaucoup de privilégiés, je n’ai pas peur des inondations. Voici un avantage (le seul?) de mon embourgeoisement…
– Si votre habitation est menacée par des inondations et des glissements de terrain, préparez vous à évacuer. Evacuer? Où? Quand? Comment? Je pose la question pour tous les Haïtiens qui ne vivent pas dans les hauteurs de la ville. Pour ceux qui n’ont même pas de toit depuis neuf mois. Mais je n’ai aucune réponse.
– Ne traverser les rivières en crue sous aucun prétexte. Ne vous inquiétez pas, je tâcherai de rester au sec. Mais dans les zones reculées du pays, celles où les informations tardent à venir, celles où l’on vient à peine d’entendre parler d’une maladie inconnue qui fait des ravages.
– Ne pas laisser les enfants dormir par terre, mettre en sécurité les documents importants. Les enfants dorment par terre depuis neuf mois, les home-made futons ont eu raison de leurs dos fragiles. S’ils parviennent à dormir malgré l’orage ce sera pour échapper à la réalité. Trop dure. L’enfance, la meilleure période de ma vie, j’en parle toujours avec nostalgie. Et eux? De quoi se souviendront-ils? Tremblements de terre, choléra, ouragans… traumatismes. Je suis émue à chaque fois que je croise des grappes d’écolières, les cheveux relevés décorés de rubans et de barrettes. Leurs uniformes sont impeccables et elles marchent d’un pas décidé…Vers où? Quel avenir se dessine?
– La population est appelée également à respecter les consignes contre le choléra. Pour le moment, aucun cas confirmé à Port-au-Prince. L’autre jour, j’ai vu deux hommes traîner un énorme bloc de glace sur toute la rue. Sur son passage, le bloc de glace a emporté des feuilles de papiers usagées. Il a aussi fait trempette dans des eaux stagnantes, esquivé un gros cochon tout noir barbotant dans une mare de merde. Il a probablement fini bien pilé et arrosé de sirop chimique, dans la gorge sèche d’un écolier.
Vous l’avez, vous? La solution?