Audiovisuel : Les télés privées des Antilles-Guyane doivent se mutualiser pour survivre
Paris. Vendredi 5 octobre 2012. CCN. La rencontre prévue le 5 octobre entre les responsables des chaînes privées des Antilles-Guyane-Réunion et Victorin Lurel, le Ministre des dernières colonies, a été annulée sine die. Pourtant, au préalable, il y a de cela une dizaine de jours, tous les patrons des chaînes privées avaient répondu à une « convocation » du service de presse de la rue Oudinot. Il s’agissait précisément de préparer cette rencontre avec Victorin Lurel.
En attendant, qu’une autre date soit avancée, la Fédération des télés privées que préside Jean-Claude Asselin de Beauville (ATV) a publié, en milieu de semaine, un communiqué qui met l’accent sur les pratiques jugées « anticoncurrentielles de France TV ». En fait, l’arrivée de la TNT dans les colonies, a très sérieusement déstabilisé les télévisions privées. Lisa Rodriguez (Canal 10) et Roland Laouchez (KMT) entre autres, n’ont pas cessé, depuis deux ans, de s’élever contre le coût exorbitant (de 80 à 120 000 euros) à payer pour être diffusé sur la TNT.
Même l’ex-RFO, devenu depuis Guadeloupe, Martinique, Guyane et Réunion 1ère, a subi les contrecoups de la TNT. La télé gouvernementale des colonies ne peut plus, comme autrefois, puiser dans les programmes de France TV. Ainsi, le réseau des « 1ère » diffuse presqu’en même temps que Canal Sat Antilles, la série américaine « Homeland ». Autre problème soulevé et toujours sans solution immédiate, la diffusion sur le satellite des chaînes de Saint-Barth (Carib In) et de Guyane (ATG). Si aucune solution n’est trouvée, elles disparaîtront très vite du paysage audiovisuel. En Guadeloupe, si l’on en croit un papier « confidentiel » publié par un hebdo de Jarry, GTV, chaîne lourdement soutenue par la Région, connaîtrait quelques difficultés.
L’auteur de l’article, visiblement bien informé, s’interroge en ces termes : « On pourrait se demander pourquoi le Conseil Régional, principal acteur de cette création et qui a déjà investi — entre capital et subventions diverses — un total oscillant autour de 1 400 000 €, a tardé à réagir ! » Il aura fallu une mission de redressement et de restructuration confiée à un consultant, professionnel reconnu, pour identifier les erreurs de gestion, mettre un certain ordre dans la société et dénoncer le fait que, “ tous les requins de la Caraïbe” s’étaient donnés rendez-vous à GTV . Dans la région basse-terrienne, ETV (Moradel/Penchard) qui, depuis plusieurs mois, a cessé ses émissions et mis en chômage tout son personnel, a bien du mal à revenir dans le paysage. Toutes ces difficultés pourraient sans doute trouver un début de solution, si les responsables de chaînes comprennent l’urgente nécessité de mutualiser leurs (faibles) moyens. Cette évidence n’a encore convaincu personne.
Tout le monde se bat petitement dans son petit pré carré, mais avant longtemps, si cela continue, le paysage audiovisuel des Antilles-Guyane risque de n’être plus qu’un cimetière.
COMMUNIQUÉ DE LA FÉDÉRATION DES TÉLÉS PRIVÉES
Les télévisions privées Outre-Mer, unies en état d’urgence, attirent l’attention des autorités sur leur survie et dénoncent les pratiques anticoncurrentielles de France Télévisions PARIS, le 26 septembre 2012 – Pour la première fois, les télévisions privées des Outre-Mer ont effectué une démarche commune auprès des autorités de la République, pour les alerter sur leurs difficultés à exister, et, témoigner des pratiques déloyales de RFO (France Télévisions) qui se sont renforcées, depuis le déploiement de la TNT gratuite sur ces territoires en novembre 2011.
La délégation conduite par Jean-Claude Asselin de Beauville, Président de la Fédération des Télévisions Locales Privées, regroupait les représentants des 9 télévisions privées présentes : Lisa Rodriguez, Mario Moradel, Karen Kelly Mamie (pour la Guadeloupe), Sylvie Brival (pour la Guyane), Christophe Ducasse (pour la Réunion), Yves Haupert (pour Tahïti), Rony Laine (pour Saint Barthélémy – Saint Martin), Roland Laouchez, Jean-Claude Asselin de Beauville (pour la Martinique).
Cette délégation, accompagnée de Chahine Fazel, Directeur Général de CYRUS MÉDIA, société en charge de la syndication des programmes pour les télévisions privées d’Outre Mer, a été reçue à l’Elysée, au Ministère de la Culture et de la Communication, au Ministère de l’Outre-mer ainsi qu’au CSA et à la DGMIC. Depuis le déploiement de la TNT outre-mer, RFO et France O ont renforcé de façon considérable leurs acquisitions de programmes (principalement des séries américaines et des télénovelas) auprès des fournisseurs habituels des chaînes privées, y compris auprès des groupes TF1 et M6, RFO profitant de sa puissance financière pour acquérir de façon groupée des programmes en exclusivité sur plusieurs années, pratiquant une surenchère financière indécente, de façon à priver les chaînes locales d’accès aux contenus premium.
En outre, les chaînes privées d’outre-mer constatent, un dumping sur les prix des écrans publicitaires et des tentatives de débauchages massifs des animateurs et présentateurs de la part de l’opérateur public. Le budget de Outre Mer 1ère provenant à 95 % de l’Etat, les chaînes privées qui traversent une période difficile dans un contexte de crise économique renforcée sur ces territoires, demandent de toute urgence aux autorités de l’Etat de mettre fin à ces dérives et de rappeler Outre Mer 1ère à ses missions de service public, ainsi qu’à une gestion plus saine et plus respectueuse des moyens financiers qui leur sont attribués au moment où de gros efforts budgétaires sont demandés à tous les citoyens.
Alors que se prépare une nouvelle loi audiovisuelle, la Fédération souhaite que :
– les organismes de tutelle de RFO s’engagent à faire cesser les pratiques anticoncurrentielles exercées par RFO sur les territoires français d’Outre Mer,
– le législateur facilite l’accès aux programmes diffusés sur les chaînes TNT en métropole qui à ce jour bloquent les droits en exclusivité sur l’Outre Mer, alors qu’elles n’y sont pas diffusées.
– soit prises en compte les habitudes de vie spécifiques à l’outre-mer, d’où sa demande d’avancer le prime time à 18 heures au lieu de 20 heures dans la future loi.
– les Télés Privées qui le désirent puissent avoir la possibilité d’être diffusées dans les Antilles Guyane sur un simplex.
– l’Etat puisse garantir un accès égal aux chaînes locales privées sur les bouquets satellitaires, ce qui n’est pas le cas, notamment avec Canal SAT aux Antilles.
– la gratuité des coûts de diffusion pour les chaînes privées, compte tenu que ROM1, a été imposée à l’ensemble des chaînes, sans possibilité pour ces dernières de participer au choix.
La Fédération a aussi, attiré l’attention des autorités sur le développement du Canal Évènement de Canal SAT, présent de plus en plus sur les évènements locaux, privant les télés locales d’accès aux budgets publicitaires pour leur couverture télévisuelle.
Enfin, la Fédération salue l’initiative du CSA de vouloir organiser d’ici la fin de l’année 2012, les états généraux des télévisions des Outre-Mer, qu’elle appelle de ses vœux.
Cette grande rencontre sera l’occasion, un an après le déploiement de la TNT gratuite, d’approfondir la réflexion engagée à l’occasion de cette série de rencontres. La Fédération prépare également une démarche vers l’ensemble des parlementaires des Outre-Mer.
Les membres de la Fédération : – Martinique : ATV, Zouk TV et KMT – Guadeloupe : GTV, Eclair TV, Canal 10, et CARIB’INTV à Saint Martin, Saint-Barthélémy – Guyane : ATG – Réunion : Antenne Réunion Télévision – Polynésie française : TNTV Les chaînes privées sont leaders en audiences en Martinique et à La Réunion, et à égalité d’audience à Tahïti (sources Métridom-Médiamétrie)