Intervention de René-Jean Duret lors du Conseil Territorial du 21 décembre 2012 sur les O.B. 2013
St-Martin, un enfant bâtard de la République française !
Nos débats de ce jour, sur les orientations budgétaires 2013, doivent aussi tenir compte de notre interdépendance avec la partie hollandaise de l’île et avec notre administration d’Etat. En effet, non seulement Saint-Martin est une sœur siamoise de Sint-Maarten, mais elle se sent considérée comme un enfant bâtard de la République française. Pourtant nous sommes français depuis bientôt 365 ans, depuis plus longtemps que la Corse, Nice, la Savoie, l’Alsace ou d’autres territoires métropolitains ou d’outre-mer.
Nous étions déjà la dernière roue du carrosse guadeloupéen pendant plusieurs dizaine d’années. Mais nous sommes actuellement au plus bas niveau de développement des territoires français, juste avant Mayotte et les îles Wallis et Futuna. J’en veux pour preuve l’état de nos réseaux d’eau et d’assainissement, de nos routes, et de tous nos équipements publics. Nos lycéens continuent de suivre leur scolarité dans des salles de classe préfabriquées (installées à l’époque par la Région Guadeloupe) et nous sommes obligés, chaque année, d’installer des conteneurs aménagés pour accueillir les suppléments d’élèves.
L’Etat est pourtant censé être un partenaire incontournable de notre développement social, économique et culturel. Cela figure dans la loi organique de notre nouvelle Collectivité, qui prévoit un rattrapage de notre retard structurel.
Or, que constate-t-on actuellement dans le fonctionnement de certains services de l’Etat à Saint-Martin ?
– Des manœuvres tatillonnes et dilatoires sur des dossiers administratifs, qui ont pour effet de démotiver certains de nos services et de reporter aux calendes grecques l’aboutissement de certains projets. C’est le cas de la Cité scolaire de Grand-Case, par exemple, dont l’accord de partenariat a été signé en 2010, en perspective de la rentrée scolaire de 2013 et dont celle de 2014 ne pourra pas être assurée.
– Un zèle juridico-policier envers plusieurs cadres administratifs de notre Collectivité, ou de ses établissements publics ou de certaines de ses filiales, avec des gardes-à-vue abusives ou des « mises à mort professionnelles » injustifiées.
– Avant-hier une intervention inopinée des Douanes sur quelques méga-yachts de la marina Fort-Louis a eu un effet catastrophique, en ce début de saison touristique. Cette clientèle haut de gamme a donc décidé de quitter la partie française pour d’autres marinas moins « regardantes » de la partie hollandaise et de diffuser une publicité négative par Internet sur la partie française.
– De même, sur notre aéroport de Grand-Case, où un milliardaire russe a du replier son hélicoptère sur la partie hollandaise, annulant, par voie de conséquence, toutes ses réservations de festivités pour les fêtes de fin d’année sur la partie française de St-Martin.
Nous allons débattre de nos orientations budgétaires pour 2013, mais nous irons droit dans le mur, si l’Etat et ses représentants locaux ne s’investissent pas plus sérieusement en faveur du rattrapage de notre retard structurel et de notre développement économique.
Par ailleurs, les propositions de lois à l’Assemblée Nationale et au Sénat oublient systématiquement une adaptation aux spécificités de notre territoire et il convient donc de rappeler l’attention de notre Député et de notre sénateur à ce sujet. Le nouveau CICE (Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’Emploi), par exemple, est inapplicable à St-Martin, mais il va créer un avantage compétitif supplémentaire de 6 à 7% pour les entreprises guadeloupéennes, aux dépens des entreprises saint-martinoises, sur les appels d’offres locaux.
Je ne vais pas revenir sur le problème des emplois-jeunes, qui vient d’être évoqué par Aline Hanson à propos de la formation des enseignants. Mais on pourrait aussi évoquer la récente ordonnance du ministère de l’Intérieur sur la régularisation de l’immigration clandestine, dont la publicité va créer une aspiration vers Saint-Martin d’illégaux de la partie hollandaise ou d’autres îles des Caraîbes.
Nous avons besoin d’un vrai soutien et d’un partenariat constructif et fort de l’Etat et de l’Europe pour que Saint-Martin puisse devenir une véritable vitrine de la France et de l’Europe sur le continent américain.
Je vous demande donc, Monsieur le Président, compte tenu de vos bons rapports avec le Préfet de Guadeloupe, le Préfet délégué de St-Martin & St-Barthélemy, et le Ministre des Outre-mer, d’attirer leur attention sur nos spécificités et sur notre situation socio-économique explosive, si des changements de cap et d’actions ne sont pas imposés rapidement à leurs services, non seulement sur le calcul de notre dotation de compensation de charges, mais aussi et surtout sur les priorités du développement de notre Collectivité.
René-Jean Duret, conseiller territorial,
Président du groupe des élus RRR au Conseil Territorial