Nouvelle initiatique par CHARLI
Un jour je reçois un mail. Une invitation pour déjeuner au Blue Lounge, un restaurant de Saint Barthélemy, l’île voisine. Sur le moment je n’y prête que peu d’attention et machinalement, je mets l’Email à la corbeille, pensant qu’il s’agit encore d’une publicité. Mais le lendemain je trouve dans ma boîte aux lettres, une enveloppe timbrée à mon nom, avec à l’intérieur la carte d’invitation du Blue Lounge plus un billet aller-retour pour Gustavia sur le ferry Voyager, réservé pour la date correspondant au vendredi de l’invitation. Je me dis « là c’est différent ». Pas d’indication spéciale sur l’enveloppe, ni sur la carte de visite, juste l’heure du rendez-vous fixé à 13h.
Je retourne sur mon ordinateur, cherchant à en savoir d’avantage sur ce contact. Parcourant le courrier dans la rubrique supprimée, je m’aperçois qu’il émane d’un serveur automatique et qu’il est donc totalement anonyme. Je regarde mon agenda. Rien ne m’empêche d’aller à Saint Barthélemy ce vendredi même. Quelqu’un a peut être vu mon site professionnel, ou mes œuvres d’art diffusées sur Facebook. Cela peut être une bonne opportunité de travail ! J’aime assez Saint Barth et la perspective d’un chantier de décoration ne me déplait guère.
Le vendredi arrive. Je charge un petit sac à dos d’un carnet de croquis, d’un appareil photo, de quoi écrire et mesurer, ainsi qu’un petit ordinateur portable, batteries bien chargées. Me voilà embarquant dans le nouveau Voyager flambant neuf. La mer est calme. J’ai le temps d’apprécier la grande qualité de ce nouveau ferry de 300 places, me remémorant l’époque où l’on traversait avec « Princess » un des premiers bateaux réalisés pour cette liaison. A la différence qu’il ne prenait pas plus de 12 passagers, avec la certitude d’être bien secoué et arrosé les jours de grosse mer… toute une époque !
Assis confortablement dans la salle climatisée, la traversée se passe tranquillement, et nous voilà entrant en rade à Gustavia. En cette fin de saison, il y a encore quelques maxi yachts à quai. Il est encore tôt et je décide de faire un tour en ville, histoire de voir les changements permanents de cette île que j’ai connu dans les années 70, avant son développement. De plus, la dernière fois que j’y suis passé remonte à six ans. C’est bien tranquille, c’est normal, nous sommes en avril et la saison touristique se termine.
Il y a encore quelques américains venus des bateaux de croisières en provenance de Phillipsburg, se baladant dans les ruelles ombragées du centre-ville, à la recherche de quelques souvenirs qu’ils pourront exhiber à leur retour, comme preuve qu’ils étaient bien à St Barth. Passant devant le Select, je regarde ce restaurant qui n’a pas changé d’un iota, contrairement au reste de la ville. Les “hamburgers frites y sont toujours affichés sur le tableau à des prix plus que raisonnables, contrairement aux autres restaurants de l’ile.
Je me dirige vers le fond du port, qui est maintenant garnis de boutiques de luxe et passe de l’autre côté de la baie, car l’heure du rendez-vous approche et j’aime être ponctuel, surtout lors d’une première rencontre. Le restaurant Blue Lounge, que je ne connais pas, est très clairement indiqué sur la carte de visite, tout au fond, avant la pointe.
J’arrive au bout d’une l’allée et aperçoit l’enseigne, au-dessus de quelques tables en terrasse. L’endroit est de qualité, bien orienté à la brise de mer, avec des plantes vertes bien réparties, ce qui donne à l’endroit un cachet calme et privilégié. Je m’approche de l’accueil. Tout de suite un serveur me reçoit avec un léger sourire et me demande si je viens pour le rendez-vous.
Surpris tout d’abord, je lui réponds en effet que « oui j’ai bien rendez-vous, mais que je ne connais pas l’identité de mon hôte ». Sans me donner plus d’explications il me répond qu’une partie des invités est déjà arrivée, que je peux les rejoindre et m’invite à le suivre.
Me voilà donc avec des concurrents pour un projet, dont j’ignore le contenu. Je le suis avec curiosité, observant en même temps la salle ou plutôt les coins de salle, très intimes, dans ce restaurant de charme, où chaque espace est entouré soit de plantes, soit de cloisons à mi-hauteur, de façon à ce que l’on n’ait pas de vis-à-vis avec les autres clients, que l’on distingue à peine. Nous passons devant un petit salon où un couple déjeune, puis arrivons dans une salle assez isolée et très intime. Sept personnes sont déjà installées autour d’une grande table de forme ovale. Tout de suite je reconnais Gérard Depardieu et me souvient également qu’il a un sosie ici même à Saint Barth. Je me reprends donc, pensant qu’il doit sûrement s’agir du sosie. Une jeune femme tout de vert vêtue attire mon attention, avec un vert à lèvre plus fluo que sa tenue. Une autre femme un peu plus âgée avec des vêtements bleus est assise à coté ; c’est assez spécial. Je vais de surprise en surprise. Mon prénom est indiqué sur un carton en face des deux femmes, tout comme devant chacune des places et je peux lire Gérard devant notre acteur national.
De plus en plus mystérieux, d’autant que tous me regardent arriver avec un air interrogateur. Je salue la petite assemblée, jusqu’à ma place. Cinq autres restent vacantes. Je tends la main aux personnes qui sont au plus près de moi, tout en lisant leurs prénoms inscrits devant elles, me présentant de mon simple prénom, pour rester dans les règles.
Arrivé à Gérard, il me demande « c’est toi l’instigateur de ce rendez-vous… ? » Je lui réponds que non, que j’ai reçu cette invitation de forme anonyme. « Bon il reste encore des places vides, notre hôte mystérieux sera l’un d’eux » déclare-t-il, puis il reprend sa conversation avec Geneviève, la dame assise près de lui. Je tourne la tête et observe l’homme qui est à ma gauche, Daniel, grand, mince, peau mat. Je lui demande : « Avez-vous une idée de la raison de cette réunion » regardant tour à tour d’un air interrogateur, ma voisine de droite, Maïté, puis les deux femmes verte et bleue, Valérie et Marie-Alice, assises en face de moi. Valérie me répond que non, et qu’elles ont aussi reçu le même type d’invitation anonyme.
Une serveuse arrive rapidement et pose un cocktail devant moi, je lui demande aussitôt s’il n’y a pas d’alcool et elle me répond : « c’est une verdure, menthe et herbes fraiches » Humm … exactement comme je les aime. Maïté, de type eurasienne, me dit que tous ont également reçu leur boisson favorite sans n’avoir rien commandé ! Etonnant ! Notre hôte commun a donc l’air de bien nous connaître. J’entends la dame assise à côté de Gérard dire : « et vous Gérard que faites-vous dans la vie ? » Elle m’étonne. Qui aujourd’hui ne reconnaîtrait pas cet acteur célèbre ?… à moins qu’il ne s’agisse du sosie… !! Mais il répond à Geneviève, la dame en question, la soixantaine assez coquette, «Je suis gynécologue » puis nous regarde en faisant un clin d’œil discret, esquissé d’un sourire en coin. Du coup, Marie-Alice me demande ce que je fais dans la vie et d’où j’arrive. « Je suis artiste décorateur à Saint Martin » Nous sommes tous de passage à Saint Barth, en provenance d’endroits divers. J’apprends que Valérie, est Canadienne est en voyage pour son travail à l’Onu, et pense aussi tôt, vu son allure d’aspect vert printemps et son vert à lèvre, l’appeler Lady green Onusienne. Daniel d’origine espagnol, est à Saint Barth comme saisonnier, garçon de bar dans un autre restaurant de l’ile et Marie Alice, d’origine belge que je baptise intérieurement mademoiselle Blue, pour son ensemble bleu, est en vacances ici avec son mari qui lui travaille pour l’Otan. Quand à Geneviève, la voisine de Gérard, elle est Américaine et passe un peu de temps sur le maxi yacht d’un ami. Elle parle parfaitement le français, pour avoir vécu à Tahiti une partie de sa vie. Maïté, ma voisine eurasienne, possède un petit restaurant vietnamien sur l’ile, à Corossol. Et il y a encore un homme à sa droite, Abdoulaye, un marin Africain qui vit sur son voilier, en escale à St Barth à la recherche de charters pour les touristes.
Les présentations sont à peine faites, qu’on entend des pas. Une autre personne arrive, accompagnée du garçon de service. C’est un homme d’âge mur, plutôt sportif. Il nous regarde avec suspicion et je vois que comme nous, lui aussi se demande ce qu’il fait là. Je comprends tout de suite qu’il n’est pas notre hôte. Il va s’assoir à coté de mademoiselle Blue, devant le carton indiquant Serge, suivit par sa boisson favorite qui arrive dans la minute. Serge est un voyageur de commerce en tournée dans les îles du Nord. Il habite en Guadeloupe, sa terre natale. Arrive encore une jeune femme et un homme. Nos hôtes ? Nous nous interrogeons du regard, mais vu leur air décontenancé, nous comprenons qu’il ne s’agit que d’invités comme nous. Sarah s’assoit entre Gérard et Serge, elle est brésilienne et bijoutière travaillant en saison à Saint Martin. Karim, lui est placé à coté de Geneviève.
Marocain, il réside à Sint-Maarten où il gère un commerce de restauration rapide de kebab.
Il ne reste que 2 places, avec les prénoms d’Anouchka et de Dominique, une femme et un homme, ou deux femmes… !! L’une ou l’un d’entre eux sera surement notre hôte. Karim et Sarah s’étant présentés et ayant reçu leurs apéritifs, une jeune femme, accompagnée du garçon, apparaît et se dirige directement vers l’étiquette Anouchka. Pareil ! Ce n’est pas encore elle, malgré son assurance pour avoir déduit rapidement la situation. Il ne reste donc que Dominique, et il ne fait aucun doute que le ou la dernière sera la bonne personne. L’échange de présentation s’ensuit ; Anouchka, d’origine Ukrainienne, travaille dans un night-club de la partie hollandaise de l’ile voisine.
Tout cela se passe assez rapidement. Les dernières présentations faites, nous nous observons les uns les autres pendant un instant, avec une pensée commune vers l’ultime place vacante entre Daniel et moi, au bout de la table ovale. Pensant fortement, que ce ou cette Dominique ne tardera plus. Un silence s’établit, puis des bruits de pas dans notre direction font converger nos regards vers l’entrée de notre salle privée. Ce n’est que la serveuse qui vient servir les derniers arrivés. Elle propose de nous resservir d’autres drinks et nous informe que sous peu nous serons servis. Gérard, impatient lui demande si le patron du restaurant sait quelque chose à propos de ce rendez-vous, et qui est Dominique? La serveuse répond ne pas savoir, mais qu’elle va demander au manager. Elle repart avec les verres vides sur son plateau.
Malgré cette situation particulièrement étrange, le cadre, la fraicheur et la qualité de l’endroit nous amènent à oublier l’objet de notre présence ; nous nous laissons aller au charme de l’endroit. Puis les discussions reprennent bien évidemment sur les possibles raisons de ce déjeuner en commun.
Daniel dit : « Vu la présence de Gérard, peut être sommes-nous convoqués pour un casting ?» en effet pourquoi pas pensais-je. Et Gérard de dire : « étonnant, en général on vient plutôt m’en parler d’abord, avant de m’envoyer à une réunion de travail… » Lady Green Onusienne dit à son tour : «et pourquoi pas un reportage sur les gens qui fréquentent Saint Barth… » Hé oui, c’est vrai notre groupe est assez diversifié en nationalités, âges et professions…
Deux garçons arrivent alors avec des plateaux chargés et distribuent entrées, plats et mets différents pour chacun d’entre-nous. Je me vois attribuer une belle assiette de crudités, je suis végétalien, alors que Gérard reçoit une assiette de foie gras, Patrice du boudin créole, et ainsi de suite chacun étant servi de son plat favori. Nous nous mettons à déguster ces mets de qualités, oubliant qu’il manque un invité, ce ou cette Dominique, qui doit être indiscutablement notre Hôte. Alors, je pose une question qui me vient à l’esprit.
« Quel liens commun pouvons-nous avoir pour que notre hôte connaisse aussi bien nos gouts culinaires respectifs…? » Car je le constate pour moi-même, pas une des crudités que j’affectionne, ne manque dans mon assiette » « En effet » répond Geneviève se délectant d’un Mahi Mahi décoré par quelques fleurs de tiaré. Tous approuvent la justesse des plats servis.
Un homme entre dans la pièce. Elégant, belle prestance, nous pensons tout de suite à Dominique. Mais après nous avoir souhaité un bon appétit en nous demandant si tout allait bien, il se présente comme le manager du restaurant.
« Pour répondre à votre question sur le pourquoi de cette invitation, sachez que je n’en ai pas la moindre idée, si ce n’est que j’ai reçu une réservation très précise à votre sujet, suivit d’un transfert sur le compte du restaurant. » Valérie demande alors s’il avait une idée concernant la personne et l’identité de Dominique ?
« Non, pas plus que vous, elle fait partie des 13 réservations que j’ai reçu avec les descriptions particulières de vos coutumes alimentaires respectives. »
« Mais comment avez-vous communiqué avec votre client, car il y a bien eut un échange de courrier ou de conversation…? » demande Gérard.
« En fait non, pas vraiment. J’ai tout reçu en une seule même fois et la note a été immédiatement et largement payée par transfert bancaire. Maintenant, je vous prie de m’excuser, mais je dois retourner en salle. Encore bon appétit et n’hésitez pas à demander quoique ce soit, qui vous ferai défaut.» dit-il sortant de la salle, en esquissant un sourire informel.
« Nous ne sommes pas plus avancés. » dit Maïté. Et je rajoute: «Hé bien pour l’instant nous n’avons qu’à profiter de ces excellents mets en attendant la suite. » puis m’adressant à Gérard : « je suppose qu’on va t’amener un sanglier tout entier sur un plat… » Tout le monde se met à rire, sauf Geneviève, qui n’ose pas demander pourquoi. Au contraire cela doit lui paraître de mauvais goût pour son voisin corpulent, mais comme Gérard se met également à rire avec nous, l’atmosphère se détend.
Quelqu’un s’était renseigné subtilement sur chacun d’entre nous. Tant de précisions laissent supposer une enquête approfondie et discrète de plusieurs mois, pour arriver à ce résultat. Nous en convenons tous, ce qui donne une certaine importance à notre groupe. Nous sommes liés par ce déjeuner. Il fallait prévoir que nous allions tous venir à ce rendez-vous informel, cela n’était pas gagné d’avance. Nous venons tous d’endroits différents, à proximité de la date et du lieu de rendez-vous. Sauf Dominique, restant jusqu’à maintenant un mystère ?
Chacun essaie de trouver une hypothèse à l’existence de ce déjeuner. Il est clair que nous n’en saurons pas d’avantage du côté du restaurateur.
A peine commençons-nous à déguster nos sorbets, fruits ou gâteaux, qu’une femme d’une apparence assez excentrique, entre avec le serveur. Essoufflée, elle commence par se confondre en excuses : « Pardonnez-moi du retard, ce matin j’ai raté la navette du Voyager et j’ai dû faire du bateau stop… j’ai eu la chance de trouver une âme charitable qui m’a emmenée jusqu’ici… Euh… au fait bonjour, je m’appelle Dominique… » Enfin un mystère élucidé.
Dominique n’est pas celle que nous espérons… « Asseyez-vous » dit Valérie, « profitez au moins d’un dessert. » Nous la regardons avec une sorte de déception. « Pardonnez-moi, de quoi s’agit-il ? Cette réunion? …» Demande-t-elle les yeux effarés. « Qui veut lui expliquer, dit Gérard, moi ça me fatigue, d’ailleurs je vais m’en aller après ce délicieux fondant au chocolat… » C’est là qu’elle se rend compte de la présence de Gérard Depardieu, et se met à rougir. Serge commence par lui expliquer que nous sommes tous logés à la même enseigne, à la différence que nous avons dégusté un super repas, adapté à nos préférences gastronomiques respectives. Maïté lui dit de ne pas s’inquiéter, car elle n’a rien perdu d‘un travail potentiel, ou d’un casting et que cette réunion reste pour l’instant un mystère pour nous tous. Dominique qui est française, croyait que son hôte la faisait venir pour des séances de thérapie, car elle pratique le Watsu, une forme d‘aqua-massage.
La perspective de nous séparer et de retourner à nos propres vies sans avoir de réponse au pourquoi de ce déjeuner, a maintenant réussi à nous fasciner. Sans vraiment y croire, je propose que l’on s’échange nos contacts, au cas où quelqu’un en apprendrait un peu plus sur ce mystère. Gérard refuse bien entendu de nous communiquer son mail, se lève et sort de la salle après nous avoir vaguement salué. Mais les autres jouent le jeu. A un moment, il me vient l’idée que ce pouvait être lui qui testait une possibilité de scénario. Mais il y a toute cette enquête préalable sur chacun d’entre nous dans les moindres détails de nos comportements alimentaires, et je ne me souviens pas avoir décrit à qui que ce soit, les détails sur ma façon de me nourrir. Puis, nous échangeons nos mails et téléphones. Certains prennent leur voiture ou leur scooter, d’autres sont récupérés par un chauffeur. Je marche en compagnie de Serge jusqu’à l’embarcadère.
Durant le trajet, je cogite tout en espérant un mail d’explication à mon retour. A Marigot, sur le parking de la gare maritime, en centre-ville je reprend mon véhicule avant le trafic de fin d’après-midi. A peine arrivé chez moi, j’ouvre mon ordinateur. Quelques mails, mais rien au sujet de ce déjeuner à St Barth. Je reviens sur l’invitation, la cherche mais ne la trouve pas. Bizarre, elle n’est plus dans la boite réception..!! L’aurais-je supprimée avant de partir ce matin ? J’ouvre le dossier supprimé, je fouille, le mail n’y est pas non plus ? C’est vraiment étrange. A croire que tout ceci n’a jamais existé.
Je décide de prendre contact avec les invités du restaurant, expliquant en quelques mots cette disparition de mail, en demandant si l’un ou l’autre pourrait me transférer une copie de l’invitation. Envoi groupé aux cinq adresses mail dont je dispose. J’ouvre Face book, pour chercher les six autres contacts. Je tape le premier nom, Valérie… elle n’existe pas..!! Bon je tape l’autre: Daniel… idem..!! Je vois ma messagerie qui annonce de nouveaux messages, je pense, déjà une réponse, j’ouvre et tombe sur un avis : « postmaster@hotmail.com: Delivery Status Notification (Failure) Invalid recipient » ; les cinq adresses que je viens de taper sont inconnues. Je retourne sur Facebook, essaye de taper l’un après l’autre les six contacts. Aucun d’eux, noté en début d’après-midi n’existe. Houhou…!!
Un frisson me parcourt et je commence à m’interroger sérieusement… Suis-je devenu fou ? Sur douze adresses, pas une n’existe… le mystère est total. Aucun moyen apparent de retrouver l’une d’elles, je suis victime d’une farce ou quoi…? Et pourquoi moi, quel en est l’intérêt, je ne comprends pas. Quel moyen pour retrouver l’un ou l’autre des participants. Peut-être à Saint Barth au restaurant ? Il doit bien y avoir des traces de la commande pour arriver à nous servir aussi précisément. Je termine ma soirée sur un gros point d’interrogation et fini par m’endormir.
Le jour se lève et je reprends mes activités ; hier reste comme un drôle de rêve. Puis je me concentre sur le programme de la journée : aller sur la Dutch Side y faire quelques achats. J’attends 9 heures quand le trafic se tasse un peu, et part en direction de Marigot. Je prends le front de mer et juste avant de quitter le marché pour rejoindre la sortie vers Bellevue, j’aperçois Serge, le guadeloupéen de la veille, sur le trottoir opposé marchant dans l’autre sens. Je freine d’un coup, au risque de me faire emboutir l’arrière de la voiture, et reçois un bon coup de klaxon. Je crie « Serge.. » depuis la portière, il se retourne et m’aperçoit, je me range un peu plus loin en double file, il vient à ma rencontre.
« Salut ! Alors toi ! Tu as manqué de te faire emboutir… » Dit-il en plaisantant. D’entrée je lui demande s’il a regardé ses mails ?
« Non. En voyage, je n’ai pas de portable et je déteste les cybers café, j’attends de rentrer chez moi en Guadeloupe demain soir pour voir ça tranquillement, pourquoi..? ». Je lui raconte mes déboires de la veille et lui propose de venir plus tard en fin de journée chez moi pour élucider ce mystère. Par internet, il pourra consulter sa boîte mails. « D’accord, me dit-il, le mieux serait d’échanger nos portables et je t’appellerai quand j’aurai fini ma tournée » je tape son numéro sur mon cellulaire, et envoie l’appel, ainsi il aura mon numéro et moi le sien: quelques secondes passent, bip…bip…bip. « Vous avez composé un numéro incorrect » me dit le répondeur !! je lui montre l’écran avec le numéro, il me regarde interrogateur: « c’est bien mon numéro ! ». On fait l’essai inverse, il tape le mien, pareil je n’existe pas… !!. On se regarde, sans rien dire. Qu’est ce que c’est que ce truc…? « Bon ok on se retrouve après le boulot, vers 18H. » Je lui fais un plan pour arriver chez moi à la Savane. Il a une voiture de location, ce sera facile. Nous nous quittons perplexes.
La journée se passe assez rapidement ; la seule chose importante pour moi c’est le rendez-vous du soir. Enfin arrive 18h et je me mets à observer le bout du chemin, au cas où il chercherait l’entrée de ma maison. On n’a pas de moyens pour s’appeler, c’est fou en 2012… Une demi-heure passe, je commence à me poser des questions. Deviendrais-je parano ? Enfin vers 7h moins le quart, arrive une petite voiture de location, je lui fais signe depuis la terrasse « c’est bien ici ». Il s’excuse, mais il était pris dans un trafic intense.
Bon j’allume l’ordinateur et lui propose d’aller voir ses mails. Pendant ce temps, je branche mon portable à côté. Il ouvre sa boite mail et s’aperçoit qu’il a également perdu le mail de l’invitation. Je lui demande de m’envoyer un courrier, à mon adresse mail. Idem, je suis un inconnu pour lui. On ouvre chacun nos pages Face book, on ne rêve pas, ni l’un ni l’autre n’arrivons à nous trouver. On compare encore les adresses que l’on a notées au restaurant, pour les autres contacts, pas d’erreur, on a bien les mêmes orthographes. Quelques minutes passent, à essayer d’entrer en contact avec la liste d’adresses qu’on a notées la veille ; rien ! Que veut dire tout cela… !! On dirait qu’on nous a isolé les uns des autres, par nos adresses mails, par Facebook, sans compter l’expérience faite avec nos deux cellulaires. Mais pour quelle raison…?
J’ai une idée, faire un test avec un autre téléphone, en l’occurrence celui de mon voisin. Je demande à Serge de m’attendre quelques minutes et me dirige chez le voisin d’en face, lui explique que je suis en panne de portable et appelle Serge. Ça marche, il me répond. Super, je le remercie et retourne à la maison. Bon enfin une faille dans leur système de blocage de contact, ils n’ont pas prévu les voisins sympas.
Il reste également le gars du restaurant, demain dimanche, j’essayerai de retourner à St Barth, pour parler plus tranquillement avec lui. Tout cela est intriguant, un déjeuner entre anonymes, mais pour quelles raisons? Rien ne nous a été désagréable, bien au contraire, tout était parfait, et c’est justement cette terrible précision de la part du ou des instigateurs qui chatouille l’esprit. Qui n’aimerait pas savoir de quoi il s’agit ?
Serge doit repartir, il est invité à sortir du coté hollandais de l’ile. On se quitte, sachant que l’on a trouvé le moyen de se joindre par numéros interposés. Il repart et on se donne un rendez-vous téléphonique pour le lendemain soir. Sur ce, pour oublier un peu tout ce mystère, je commande une pizza que je mange devant un film, histoire de me libérer les neurones. Pas eu le temps de me faire à manger. Demain dimanche, j’irais faire le tour de mes amis marins, il y en aura bien un qui ira à st Barth. Je m’endors à la moitié du film, éteins la lumière, et mes rêves m’emportent entre réalité et fiction, mélange de vécu et du film que je viens de voir.
Dimanche matin, 8h, j’appelle mon ami Marc, il doit emmener des clients pour la demi-journée à Gustavia, si j’arrive vite et me fais tout petit, il m’emmènera. Ok super ! On part de la Marina d’Oyster Pond vers 10h à bord d’une « cigarette » munie de 3 moteurs de 250cv chacun. Il nous faut à peine 30 minutes, sans pousser les machines, pour traverser le chenal. Je n’ai qu’une heure pour accomplir mes investigations. Je raconte au skipper, que vendredi j’ais oublié un document important, et dois encore voir quelques détails pour le boulot de décoration qui m’attend dans un restaurant. Bref je ne veux pas parler de cette étrange histoire qui me préoccupe.
Je marche vite vers l’autre côté de la rade. Logiquement, ils doivent être déjà ouverts pour la mise en place du déjeuner. J’arrive au début de l’allée, et aperçoit le bâtiment. Quelque chose a changé, peut-être du fait que la terrasse n’est pas encore en place et que les plantes ne sont pas encore sorties… !! D’abord je ne vois pas l’enseigne, me suis-je trompé d’allée? Non ce n’est pas si grand Gustavia et je suis au bout de la dernière rue. Je m’approche, me voilà devant un bâtiment vide, une terrasse quasi inexistante et le local fermé. Je m’approche des baies vitrées, entièrement vides, je reconnais à peine la salle si ce n’étaient les cloisons basses que je reconnais, empilées dans un coin. C’est bien le lieu où j’ai déjeuné avant hier. Ce n’est pas l’époque de fermeture annuelle, alors quoi ? Tout à l’air en chantier, les plantes extérieures ont disparues, il ne reste que les éléments fixes comme le comptoir et les murs d’origines du bâtiment. Les meubles, tables et chaises sont invisibles… je passe d’un mystère à l’autre. Je regarde autour ! Personne ! Pas de voiture dans la zone ! J’entends des voix d’enfant en retrait de l’impasse et me dirige vers une maison à la porte entrouverte dans l’arrière de la ruelle.
Une dame apparaît sur le perron: « bonjour madame, excusez-moi de vous déranger, mais connaissez-vous le restaurant d’à côté..? » « Ah… ce restaurant, mais il est fermé depuis plus d’un an monsieur, mais si vous allez au fond de la rade ou de l’autre côté du port, en face, vous en trouverez plusieurs d’ouverts » me répond-elle.
Je lui fais part de ma surprise, lui indiquant que j’y ai déjeuné ce vendredi et que j’aimerai bien y retrouver ne serait -ce que le gérant. Elle me regarde surprise et me dit que « non, ce doit être une erreur. Mais, peut être faisiez-vous partie du film qui s’y tournait cette semaine..? » « Comment cela, un film..? » Elle me répond que jeudi dernier, est venue une équipe pour préparer un décor pour une production télévisée, et qu’on lui a demandé de rester discrète pour ne pas déranger le tournage qui aurait lieu le vendredi. Puis hier samedi, ils ont tout démonté et sont repartis.
« Vous avez dû faire partie des figurants qui y ont participé, non..? » me demande-t-elle. Je réfléchis et répond « oui ! bien sûr », contrôlant ma stupeur, et demande aussitôt:
« N’auriez-vous pas retenu un des noms de la production, peut être sur l’un des camions, le nom d’une compagnie..? »
« Non monsieur, les seuls véhicules reconnaissables étaient ceux de la gendarmerie. Ils sont venus faire par deux fois une visite de contrôle, probablement pour la sécurité des acteurs je présume… » Me dit-elle. « Nous, on n’a pas trop assisté aux opérations, les enfants étaient à l’école, heureusement, sinon j’aurais eu du mal à les retenir, et moi je ne voulais déranger personne, » bon je la remercie. Ce n’est pas par elle que j’en saurais plus, et ne veux pas paraître trop curieux, on ne sait jamais.
Plus j’avance, plus je m’éloigne de la réalité. Que vais-je rencontrer ou ne pas rencontrer encore ? Un casse-tête, tout ce repas, ces gens, qui n’auraient jamais existé, c’est à devenir fou, et pourquoi ? Je n’ai personnellement aucun secret, ni fortune personnelle, n’offre aucun intérêt pour une machination de cette puissance.
Des gens qui peuvent rassembler des personnes aussi différentes et géographiquement éloignées, prévoir qu’elles pourront se retrouver à un moment précis à St Barth, enquêter sur elles à leur insu au point de savoir des détails de leur vie intime et être capable de bloquer partiellement leurs liens sociaux, jusqu’à leur téléphone. Tout doit être manipulé de très haut, mais bon sang POURQUOI…??? Cela fait froid dans le dos.
Après avoir remercié la dame, je retourne sur mes pas. Tout en marchant, je regarde machinalement vers le morne et il me revient en mémoire l’histoire du centre ultra secret des militaires français. En effet, dans les années 70 il y avait une base d’écoute téléphonique de la DGSE dans ce fortin d’allure abandonnée. Puis ces lieux ont été récemment donnés à la gendarmerie. Tiens donc ! Me dit-je, cela aurait-il un rapport avec notre affaire ? En tout cas pour la partie écoute téléphonique et captation internet ? Bon encore une piste, je deviens malgré moi enquêteur.
De retour à Saint Martin, j’achète une carte de téléphone et emprunte de nouveau le cellulaire de mon voisin, prétextant que j’ai un problème avec le mien qui a pris l’eau. Bref j’appelle Serge, qui me dit que lui aussi a des nouvelles. On se confond en politesse, chacun curieux d’écouter les nouvelles de l’autre. Je commence et lui décris ma mystérieuse découverte de la journée, il en reste sans voix. Je ne lui parle pas de ma déduction au niveau du centre des RG, pour l’instant.
A son tour, il me dit que le soir où nous nous sommes vus, il a croisé Anouchka la danseuse, dans un night-Club. Quand elle l’a aperçu, elle a semblé gênée. Après le show, il l’a retrouvé au bar, lui a demandé si elle avait quelques nouvelles de la journée de vendredi. Elle a paru vraiment embarrassée, puis très rapidement, elle s’est excusée et éclipsée. Il ne l’a pas revue.
« Cela me semble assez clair » lui dis-je, « elle doit être plus ou moins illégale et du fait qu’il s’agit de quelque chose d’un peu mystérieux, elle ne veut probablement pas y être mêlée. Après tout elle ne te connait pas personnellement. » Bref, toujours rien de concret. Je salue Serge et pense chercher du côté des RG. Mais là c’est plus compliqué, je n’ai pas d’idée par où commencer mes recherches et puis à quoi ça rime..? Je n’en sais vraiment rien, tout ça a finalement peu d’importance, ça pourrait passer dans les oubliettes. Mais la curiosité me pousse à l’investigation.
Je cherche sur le net et me lance sur cette nouvelle piste du fort Oscar. Je fouille et trouve que ce fortin a été construit en 1670, juste après que l’île fut rachetée par les Chevaliers de l’Ordre de Malte vers 1659, pour la somme de 120 000 livres. Tiens donc, on se trouve en présence des sociétés secrètes de l’époque… !! Cela veut dire que les dirigeants du monde sont en possession de l’endroit depuis cette époque. Il est logique que cela devienne par la suite une propriété de l’Etat. De là à en faire une base de la DGSE en Amérique, il n’y avait qu’un pas franchi en 1970.
La base secrète espionnait les communications entre Cuba et l’Union Soviétique pendant la guerre froide, servant les intérêts Américains. Mais quel rapport avec notre affaire ?
Sommes-nous confrontés à une puissante organisation étatique, pouvant intervenir sur les réseaux sociaux. Y aurait-il un rapport avec Facebook ? Je réfléchis et me souviens que nous étions 13 lors de ce déjeuner… !! Comme sur la page de garde il y a également 13 personnes en contact dans la carte du monde… De plus la date était un vendredi 13, à 13h. Que de synchronicités !… Je clique du côté des symboles… 13 ! c’est aussi le nombre de convives au banquet de Jésus dans la Cène. On trouve toujours beaucoup de relations avec les nombres dans la numérologie, mais ceci n’est-il pas troublant ? Je reste avec mes points d’interrogations ???
Les jours, puis les semaines et les mois passent. Les contacts restent toujours inconnus. La fin de l’année 2012 arrive, avec son lot de prédictions relatives à la fin monde. Neuf mois ont passé et le 21 décembre, jour fatidique selon les prédictions Maya, arrive. J’ai déjà presque oublié toute cette histoire, qui me semble être un rêve d’un autre monde.
Ce jour-là en me levant, qu’elle n’est ma surprise en voyant sur ma page Face book, 12 demandes d’ajouts d’amis… !!! Je les ouvre une par une, en reconnaissant chacun des convives du fameux déjeuner. Je prends mon temps pour me remémorer chacun d’entre eux, tout en me demandant s’ils m’ont fait eux-mêmes la demande d’ajout, ou si nous sommes tous extérieurement reconnectés entre nous ? Je penche pour la deuxième solution. Je réfléchis à un message que je pourrais leur envoyer pour en avoir la certitude.
En attendant, je consulte leurs pages, et me rends bientôt compte que plusieurs des femmes sont enceintes, et que certaines viennent d’accoucher le jour même. Cela fait à peu près 9 mois que nous avons diné ensemble. Cela voudrait dire qu’elles ont procréé à la date de ce fameux déjeuner ? Je continue et découvre que toutes mentionnent leur état de grossesse.
Il me faut attendre encore une bonne semaine pour voir apparaître les photos des nourrissons et constater que les six femmes en âge de procréer ont accouché le même jour le 21 décembre, au solstice d’hiver. Quand à Geneviève, la dame d’origine Américaine âgée de 68 ans, elle annonce que l’orphelinat Haïtien vient de lui transmettre l’autorisation de parrainage d’un nouveau-né, au 21 décembre également à 11h Gmt, qu’elle pourra venir voir en Haïti pour régulariser l’adoption.
Je cherche à savoir s’ils sont tous nés au même moment, deux des mères ont fourni l’heure de naissance : identique, en décomptant le fuseau horaire!! Il me faudra plusieurs semaines pour découvrir que tous les 7 sont nés exactement à la même seconde. !! Je plonge dans le fantastique. J’avais d’abord pensé à une machination d’état ou bien à une expérience sur les liens sociaux, mais maintenant cela dépasse mon entendement.
Résumons : 7 enfants viennent de naitre en ce jour du 21 décembre 2012, à l’heure exact du solstice d’hiver, date historique et fameuse de la fin du calendrier Maya et ce qui les unit en quelque sorte, est ce fameux déjeuner de Saint Barthélémy, soit à peu près 9 mois avant. Je n’ai pas fini de découvrir d’autres synchronicités. Pour revenir au chiffre 13, je découvre également ceci : le 21 décembre 2012, date correspondant à la fin du calendrier Maya s’écrit ainsi : 13.0.0.0.0
Je décide d’attendre un peu avant de reprendre les contacts, avec les convives, acceptant uniquement leurs demandes d’ajouts d’amis. Ensuite je relève les prénoms des nouveaux nés : Valérie, la Canadienne a baptisé son garçon Isidore, Marie Alice l’Anglaise a nommé sa fille Naty, Sarah la Brésilienne a donné naissance à une fille du nom de Dora, Anouchka l’Ukrainienne a accouché d’un Igor, Maité l’Eurasienne d’une fille appelée Gys, et Dominique la Belge, d’un garçon nommé Octave. Quand à Geneviève l’Américaine, l’avis de naissance est celui d’une petite Eugénie. Tout cela m’a pris environ 2 semaines pour rassembler ces informations en fonction des diffusions que ces Dames ont publiées sur leurs liens sociaux. Je découvre aussi que pour toutes, c’est leur premier bébé, y compris Geneviève qui n’a jamais pu avoir d’enfant. J’ai mis tous ces prénoms sur une feuille de papier, pour trouver d’autres indices ou coïncidences.
Bien entendu, ce nouveau mystère devient ma principale préoccupation. Qu’est-ce que cela veux dire ? Nous étions et sommes tous des étrangers, les uns pour les autres, n’ayant eu aucun contact après cette rencontre, à part mes échanges avec Serge. Je recherche encore en reconstituant le plan de table du fameux déjeuner. J’écris et place tous les protagonistes autour de la table ovale, et muni de post-it, j’inscris les noms, puis les prénoms des enfants. Je trouve assez rapidement une analogie en prenant la première lettre de chacun des enfants, dans l’ordre de situation des mères autour de la table pendant notre mystérieux déjeuner, et je trouve : INDEIGO.
Je déplace ensuite le E de Eugénie, l’enfant adopté par Geneviève, un E comme Enfants et INDIGO… !!! Enfants INDIGO.
Episode suivant: La couleur qui n’existe pasAMP.
Charli janvier 2013