Economie locale: Quand les analystes se trompent
Où va-t-on si même l’économiste en chef du FMI reconnaît que son organisme s’est trompé dans l’évaluation des politiques d’austérité préconisées? C’est pourtant ce que dit Olivier Blanchard, économiste en chef du FMI, dans un document de travail publié le 3 janvier. Il reconnaît dans ce texte que l’on a sous-évalué l’impact de l’austérité en estimant précédemment qu’un euro imposé au nom de cette politique avait un effet limité à un euro sur le PIB alors qu’en fait, il est trois fois plus important. Grande découverte. Sans être un brillant économiste, c’était déjà ce que je pensais: austérité rime avec récession. Cela veut-il dire pour cela qu’il faut continuer à jeter l’argent par les fenêtres?
Le mécanisme que j’avais imaginé montrait que, lors d’une crise, si des mesures d’austérité sont prises, elles conduisent le public à la prudence. L’exemple type que je donnais était cet ouvrier de Peugeot à Belfort qui, influencé par les informations publiées par les médias, choisit d’attendre avant de remplacer sa voiture, se disant qu’elle fera encore bien un an ou deux, le temps de voir venir. Il ne perçoit pas que, ce faisant, l’entreprise qui l’emploie va réduire sa production avec la contraction de sa clientèle, introduisant alors, au nom de l’équilibre financier, la notion de variable d’ajustement, laquelle est évidemment, et trop souvent, la masse salariale. Et voilà comment notre brave ouvrier se retrouve au chômage. L’Etat contraint de payer les allocations aggrave son déficit, ce qui le conduit à financer sa dette sans cesse plus profonde, ce qui a un impact direct sur les marchés et particulièrement la confiance. Parallèlement, l’entreprise en question a de plus en plus de mal à se financer sur les marchés financiers. La réduction de l’emploi diminue d’autant les recettes de l’impôt. Le cercle vicieux est engagé….
Le problème est que l’on confond trop souvent austérité et économie. L’Etat fonctionne avec retard sur des stéréotypes issus des années passées. Il ne faut pas oublier qu’au delà des budgets étudiés chaque année, les états fonctionnent souvent sur des engagements issus de temps bien meilleurs où la croissance était là. Aujourd’hui, ces engagements doivent être tenus et plombent l’économie. L’austérité conduit à réduire les moyens en compensation des engagements passés sans compter la dette créée en d’autres temps où elle était un vecteur reconnu de croissance. Aujourd’hui, nous devons payer le passé sans nous engager sur l’avenir. Inévitablement, cela conduit à l’écroulement du château de cartes jusqu’à ce qu’un nouvel équilibre, forcément à un niveau inférieur, apparaisse.
Saint Martin est dans la même situation. Aujourd’hui, nous fonctionnons encore sur des plans qui ont été décidés à l’époque de la Commune et bien entendu de la précédente législature. Si l’austérité a bien été mise en place par la nouvelle équipe, sous forme d’économie le plus souvent, mais aussi en réduisant les dépenses d’investissement, le point le plus criant est la fiscalité et plus globalement le manque de ressources. J’ai lu avec intérêt le document de la Fipcom sur ce site et appris sans surprise le fossé qui sépare l’efficacité au nord et au sud. Nos voisins hollandais arrivent ainsi à collecter via leur TOT plus de 30 millions d’euros quand nous n’arrivons à percevoir que 6,5 avec la TGCA. Calculée au prorata de la population, nous aurions dû au moins percevoir 15 millions. A noter que l’inscription au budget de la COM était de 10. Pourquoi un tel écart non seulement entre prévisions et réalisation, mais aussi entre les deux côtés de l’île en terme d’efficacité?
Que faire alors? Dans ces colonnes, j’ai déjà suggéré des solutions. La plus radicale serait de supprimer les impôts directs et les remplacer par une TVA et un impôt réduit applicable à tous. Des aménagements seraient alors à faire au niveau des entreprises et des artisans qui seraient chargés de collecter l’impôt réduit et la TVA. Plus personne ne pourrait ainsi échapper à la fiscalité. Par ailleurs, la politique de développement doit être axée sur la définition de grands axes. Les financements ne sont pas à trouver sur place, mais en ouvrant la porte à des investisseurs attirés par une fiscalité alléchante. La Fipcom rappelle que le PIB de Saint Martin est d’environ 370 millions d’euros. Une pression fiscale de seulement 35% ramènerait déjà 130 millions dans les caisses quand celle en France est de 47% (43 à 52 selon les sources et les modes de calcul). Une telle mesure dont nous avons la compétence permettrait d’emblée de faire rentrer de l’argent dans les caisses (la TVA est à payer mensuellement) et permettrait de relancer les investissements publics, seuls garants pour relancer la machine en donnant aussi confiance aux investisseurs extérieurs. Et là, un euro collecté pourrait rapporter deux ou trois en PIB. De quoi inverser la courbe de notre économie. Mais pour cela, il faut accepter de mécontenter certains. La politique aura l’avant dernier mot, le dernier appartenant au peuple qui sanctionnera une équipe inefficace et sans vision globale d’avenir, qui devrait écouter un peu plus le monde économique.
Yves KINARD