Mali: après Gao et Tombouctou, Kidal étape décisive du conflit
PARIS — Et de trois. Après Gao et Tombouctou, Kidal, troisième et dernière grosse ville du nord du Mali lâchée par les groupes armés islamistes, est en voie d’être contrôlée par les forces françaises, ce qui pourrait ouvrir la porte à la négociation politique, selon certains experts.
“Depuis le week-end et la reprise de Gao et de Tombouctou sur la +Boucle du Niger+, on avait la main et il fallait la garder”, explique un officier de l’armée française sous anonymat.
L’armée française s’est montré peu prolixe sur cette dernière action d’éclat. “Des éléments français ont été mis en place cette nuit à Kidal”, s’est borné à dire mercredi l’état-major des Armées à Paris, confirmant des informations à l’AFP de témoins sur le terrain.
Kidal, à 1.500 km au nord-est de Bamako, et sa région, dans l’extrême nord-est saharien du Mali près de la frontière algérienne, était le fief d’Ansar Dine (Défenseurs de l’islam), un groupe armé dirigé par un ex-rebelle touareg, allié à Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi).
Face à l’avancée des troupes françaises, ce mouvement s’est récemment divisé, donnant naissance à un nouveau groupe, le Mouvement islamique de l’Azawad (MIA). Ce dernier a affirmé la semaine dernière vouloir “aller vers une solution pacifique”.
“Les forces françaises sont en train de parachever la reprise des trois villes clés du nord du Mali en près de trois semaines”, résume Pascal Le Pautremat, universitaire et spécialiste de la région.
“Nous entrons dans une dernière étape” et “il est nécessaire maintenant d’entrer en pourparlers avec les tribus touareg qui sont disposées à collaborer avec la France et le Mali pour leur reconnaître leurs droits légitimes et, partant, une vraie reconnaissance politique des pays de la région”, ajoute-t-il.
Désormais, “le véritable enjeu, c’est la lutte contre les groupes islamistes dans le cadre d’une très forte coopération avec tous les pays de la région, Mali, Tchad, Niger et Algérie”, insiste cet expert.
Lundi, les Etats-Unis ont à cet égard rappelé à la France que le conflit au Mali devait aussi se régler politiquement, notamment via des élections.
Objectifs militaires à clarifier
Côté militaire, Paris va devoir clarifier rapidement ses objectifs.
“Que faire dans l’Adrar des Ifoghas, un immense massif grand comme près d’un tiers de la France aux confins du Mali, du Niger et de l’Algérie où les groupes armées ont disséminé des maquis avec caches d’armes et d’essence?”, s’interroge Pascal Le Pautremat.
Des frappes aériennes semblent à cet égard les plus adéquates, estime-t-il. Au sol, dans les régions reconquises, le défi militaire reste énorme.
“Après avoir pris les villes, il va falloir désormais tenir le terrain après avoir délogé de la zone immense des petits groupes armés très mobiles et très motivés et ce sera le rôle des forces africaines”, note sous couvert d’anonymat un ancien responsable d’un service de renseignement français.
Eric Denécé, directeur du Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R), salue pour sa part une “très belle réussite tactique de l’armée française qui rejoint Kidal moins de vingt jours après les premières frappes, une opération menée avec une élongation logistique (étirement des lignes de ravitaillement) énorme et en coordination avec l’armée malienne”.
Mais au lendemain des prises de Gao et Tombouctou, des informations ont toutefois filtré sur des exactions et des pillages, malgré des mises en garde du gouvernement français appelant à l’envoi rapide d’observateurs internationaux.