L’austérité, oui, mais?

Yves KINARD
Par Yves KINARD 30 Jan 2013 19:50

L’austérité, oui, mais?

Le forum économique de Davos vient de se tenir. Lieu où le plus grand nombre d’économistes, de ministres, d’hommes et de femmes d’affaires se croisent, c’est de là aussi que vient un frémissement sur l’évolution de l’économie. Ce frémissement, c’est celui de la prise en compte progressive de l’impact de l’austérité pour résoudre une crise. Si la championne toutes catégories est bien évidemment Angela Merkel, elle est suivie très vite par celui qui a réussi (temporairement?) à enrayer le délabrement de l’économie italienne: Mario Monti. Mais est-ce bien suffisant et est-ce bien la panacée?

Il y a quelques jours, c’est le premier ministre belge, Elio Di Rupo, qui soulignait que si “lors du sommet de juin, il n’y a pas de signe de reprise, cela signifiera que la politique menée jusqu’à présent au niveau européen n’a pas porté ses fruits”. Dans un autre article, je vous avais fait part de la déconvenue du chef analyste du FMI qui constatait qu’un point d’austérité n’était pas égal à un point de réduction du PIB, mais bien trois. Ces signaux qui apparaissent doivent nous alerter car c’est vrai qu’ici à Saint Martin nous sommes à la fois en retard, mais aussi précurseurs.

L’austérité a été imposée comme une évidence à tous les gouvernements par des analystes qui pensaient, sans doute à juste titre, qu’il fallait comprimer les dépenses gouvernementales. C’est vrai que les déficits des pays sont principalement creusés par deux grandes principes: le paiement des intérêts de la dette et l’accroissement des charges. Il paraît dès lors logique de s’attaquer en priorité à la contraction des charges. Jusque-là, rien a redire. Où cela a introduit une variable dont on commence seulement à prendre conscience, c’est quand les états ont voulu d’une part mettre un frein aux dépenses publiques d’investissement, et d’autre part contracter la masse salariale (comme en Grèce par exemple où les salaires ont été parfois réduits de 60% dans la fonction publique). On a un peu vite oublié que ces deux composantes étaient des piliers des impôts et de la consommation. Si vous réduisez la masse salariale, la consommation diminue, les impôts aussi. Bilan, il faut recourir à l’emprunt pour payer la dette et donc aggraver le déficit.

Que fallait-il faire alors? Bien évidemment, il faut pratiquer l’austérité, mais d’une manière intelligente. Réduire la masse salariale est certes un objectif sensé, mais il en est un autre qui serait à masse salariale égale d’augmenter l’efficacité des agents et de les déployer dans d’autres directions. Virer quelqu’un représente une maigre économie puisqu’il faudra quand même lui payer ses allocations de chômage. L’exemple type était par exemple d’améliorer le fonctionnement de l’enseignement et notamment le supérieur et la recherche par le redéploiement d’agents pris ailleurs (ce qu’en principe Hollande avait prévu). Pari d’avenir, mais qui ne peut que fonctionner. Il fallait aussi pratiquer comme au Japon ou aux USA en mettant en place un gigantesque plan d’investissements publics. Or, au nom de l’austérité, on a annulé en France des grands projets (autoroutes, TGV), d’autres ont été ajournés et aucun n’est vraiment nouvellement mis en place. C’est un peu oublier rapidement que ce que l’Etat donne d’une main, il va le récupérer de l’autre via les impôts et l’augmentation de l’activité économique périphérique. C’est la grande théorie de Keynes dont j’ai parlé dans d’autres articles l’année passée.

Mais le principal effort devait être fait pour stimuler la consommation. Si vous augmentez les charges, vous ralentissez forcément la consommation, elle-même déjà impactée par l’inquiétude des ménages. Or dans le même temps, on constate dans les statistiques que l’épargne de la population est couramment égale ou double du montant de la dette du pays. Autrement dit, si l’on pouvait utiliser son épargne, un peuple pourrait financer son propre gouvernement. C’est d’ailleurs le principe de la dévaluation qui réduit à néant l’épargne (Brésil par exemple il y a quelques années ou l’Argentine plus récemment). Sans aller jusqu’à ces exemples extrêmes, il y a la possibilité de rendre moins attractive cette épargne. Je vois par exemple que le taux du Livret A va baisser à 1,75%. Ce taux est en fait lié au fonctionnement de refinancement sur les marchés et constitue pour l’Etat une charge. Baisser le taux va donc dans le bon sens puisque en rendant l’épargne moins attractive, elle peut conduire à la consommation. Mais l’idéal aurait été plutôt de passer ce taux en négatif pour inciter vigoureusement à la consommation. C’est le principe des monnaies solidaires que voulait mettre en place Louis Jeffry. Vous êtes payés avec une monnaie que vous devez échanger très vite au risque de la voir perdre de sa valeur tous les jours. Pour ne pas allonger l’article outre mesure, je me limiterai à ces exemples, mais pour les ramener à notre situation à Saint Martin, car nous faisons exactement l’inverse de ce qu’il faudrait faire, du moins dans les faits puisqu’il y a quand même des voeux pieux dans le programme de l’actuelle majorité.

Il fallait donc tenter ou de contenir la masse salariale de la Collectivité, ce que l’on sait difficile, ou alors améliorer son fonctionnement et redistribuer les postes. Il est par exemple souvent relevé que des fonctionnaires font en une journée ce qu’une entreprise privée fait en moitié moins de temps si pas le quart, alors que dans le même temps des pans entiers du service public ne sont pas fonctionnels comme par exemple l’état des routes ou l’embellissement de l’île. A fonctionnaires égaux, on pourrait imaginer les redistribuer surtout que l’on entend quand même régulièrement dire que la grosse majorité n’est pas qualifiée puisque le Président Richardson appelait à un plan de formation. On peut donc les déplacer sans trop de difficultés puisque assez polyvalents de ce fait.

Deuxième aspect, la fiscalité. Alors qu’il aurait fallu annuler la TGCA, licences, patentes, et augmenter les crédit d’impôts aux entreprises, on a fait tout l’inverse parallèlement au fait que rien de vraiment sérieux n’est fait pour élargir la base fiscale. Aujourd’hui, au 1er février on va se retrouver avec une taxe sur le secteur économique principal de l’île, celui des services. Ce qui veut dire que l’économie va encore ralentir, d’où moins de recettes, plus de fraudes et au final un bilan certainement négatif.

Il faut le redire encore une fois, la solution passe par la suppression des impôts (ou quasi puisque, Europe oblige, il faut un minimum), du moins à la hauteur où ils sont actuellement, l’instauration d’une taxe à la consommation (TVA), l’incitation fiscale à la consommation et le lancement de grands chantiers dont on a besoin et dont le premier est certainement d’organiser un plan destiné à inscrire au prochain programme opérationnel (Feder) des investissements publics d’importance comme le port, des routes, et bien entendu favoriser l’ouverture au secteur privé.

Pour beaucoup d’économistes, l’austérité (mal appliquée) n’est absolument pas la solution de la relance économique. Cela ne va aboutir qu’à la contraction de l’économie……un peu plus. C’est ce qui est en train de se vérifier et nous en sommes un bon exemple.

Yves KINARD

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