Très haut débit : L’AVICCA adresse 10 mesures d’urgence au Président de la République

F.L
Par F.L 3 Juin 2012 14:36

Très haut débit : L’AVICCA adresse 10 mesures d’urgence au Président de la République

Le programme sur lequel le Président de la République vient d’être élu prévoit d’organiser « avec les collectivités locales et l’industrie la couverture intégrale de la France en Très haut débit d’ici à dix ans ». Il s’agit d’une nette accélération par rapport au Programme national Très haut débit de 2010, ce dont nous ne pouvons que nous réjouir, souligne Yves Rome, Président de l’AVICCA*.

D’une part l’objectif pour achever cette transition est ramené de 2025 à 2022, et surtout sa traduction concrète n’est pas à l’œuvre, ce que les collectivités constatent sur le terrain, et les industriels dans leurs carnets de commande.Les chiffres publiés par l’ARCEP hier confirment ces constats. La construction de nouvelles prises FTTH est à nouveau en recul en 2012 : 140 000 au 3e trimestre 2011, 125 000 au 4e trimestre, 105.000 au 1er trimestre 2012. alors qu’il faudrait les multiplier par 5 pour tenir l’objectif initial, soit deux millions de prises par an. Une opération vérité doit donc être menée sans délai, par rapport aux annonces faites en particulier par les opérateurs privés, sur lesquels reposait pour l’essentiel le plan précédent.Les débats menés au Sénat, la publication des premiers Schémas directeurs territoriaux d’aménagement numérique, les chiffres publiés par les industriels du secteur montrent qu’il faut modifier le cadre du passage au Très haut débit pour le réussir au bénéfice de tous les territoires et dans des délais acceptables, estime encore l’AVICCA.L’AVICCA, qui regroupe les collectivités agissant pour l’aménagement numérique de leur territoire, estime qu’il convient, pour les mois qui viennent, de libérer les initiatives dans le cadre actuel, afin de ne pas perdre de temps, et de créer en parallèle les bases qui permettront d’atteindre ce nouvel objectif de dix ans. Une priorité doit être donnée aux zones où le haut débit actuel n’est pas de bonne qualité, afin de résoudre des problèmes d’aujourd’hui, et de basculer plus rapidement les abonnés.Les débats fiscaux et budgétaires de l’année 2012 doivent donner les moyens de cette dynamique pour mener le chantier rapidement et jusqu’au bout. Le débat doit également être porté à l’échelle européenne, pour reconnaître l’intérêt général de cette infrastructure en fibre optique, et dégager des financements pour la prochaine période. Le Conseil d’administration de l’Avicca a dans ce but élaboré une liste de dix mesures d’urgence.

Les mesures d’urgence demandées par l’AVICCA:

1) Etablir un diagnostic partagé : lancement d’une « opération vérité »

Les chiffres publiés par l’ARCEP montrent que l’on ne progresse pas dans le bon rythme pour tenir les objectifs du Programme national Très haut débit, avec seulement 400 000 nouveaux logements raccordables par an, là où il faudrait aller environ cinq fois plus vite. Les industriels français de la fibre notent des investissements faibles, non stables, très différents des objectifs. Les SDTAN publiés montrent que l’on sera très loin d’un objectif à 100% en 2025. Les opérateurs indiquent qu’ils investissent des centaines de millions d’euros depuis plusieurs années ; il est important de pouvoir auditer ces chiffres, en particulier pour ceux qui doivent prouver leur crédibilité dans le cadre des appels à manifestation d’intérêt d’investissement (en propre, ou en co-investissement) ? Où en est la couverture de la zone la plus rentable, la zone très dense, ville par ville (proportion de logements raccordables, de logements mutualisés…) ? Où en est-on de la réalisation des intentions de déploiement, ville par ville, en zone moins dense ? A quel objectif de déploiement en 2012 correspondent les carnets de commandes des industriels ? Autant de questions qui nécessitent des réponses pour établir un diagnostic précis et partagé. Un suivi trimestriel doit être accessible au niveau national et local.

2) Assurer le financement de long terme du Fonds d’Aménagement Numérique du Territoire

Le projet de loi de finances 2013 doit amorcer la constitution du FANT, avec une base permettant la réalisation de l’objectif en dix ans, en assurant la péréquation territoriale nécessaire. Le FANT et sa gouvernance doivent être opérationnels en 2013, en récupérant les crédits du Fonds national pour la Société Numérique. Le débat parlementaire sur la fiscalité, prévu en juillet 2012, doit intégrer le volet « aménagement numérique ».

3) Libérer les initiatives

Certaines règles du FSN aboutissent à geler des initiatives publiques, alors que la dynamisation du secteur est indispensable. Si une collectivité veut agir en cohérence sur son territoire, y compris dans une zone présumée rentable ayant fait l’objet d’une simple déclaration d’intérêt d’investissement privé (« projet intégré »), elle doit pouvoir le faire. Les aides de l’Etat seraient dans ce cas limitées à la zone hors AMII. Cette modification du régime-cadre doit être notifiée sans délai à la Commission européenne si nécessaire.

4) Assurer l’équité territoriale pour le FTTH

Les barèmes actuels du FSN, qui prélude au FANT, n’assurent pas une péréquation en fonction de l’effort à consentir par collectivité. Ils ne tiennent compte ni du taux d’effort (pourcentage de la population non couverte par une intention d’investissement privé), ni du coût réel à la prise, qui dépend de multiples facteurs (densité, typologie de l’habitat, présence de génie civil réemployable…). Le barème doit assurer une équité de traitement sur le territoire national. Le numérique doit être une priorité de l’aménagement du territoire.

5) Prioriser les zones à mauvais débit

Les constats convergent sur la lenteur du passage des abonnés sur le nouveau réseau Très haut débit, une fois celui-ci installé : si le réseau haut débit est de bonne qualité, la vitesse de migration est très lente, ce qui compromet l’économie du déploiement. Bien entendu, l’évolution des usages et des services amène inéluctablement à ce qu’un bon débit d’aujourd’hui soit considéré comme un mauvais débit demain. Mais en attendant, il est logique de cibler les zones où le débit actuel est mauvais. Il s’agit en général de zones où la densité de l’habitat est assez faible, avec des longueurs de lignes importantes. Il est parfois possible d’agir au niveau de la sous-boucle locale cuivre existante par une opération de « monté en débit », mais d’une part il s’agit d’un processus entièrement subventionnel, d’autre part seule une partie de la dépense sera réutilisable pour le FTTH. Les plafonds d’aide par prise qui sont pris en compte dans le FSN sont malheureusement trop bas pour inciter au passage direct au FTTH. Pour la « montée en débit » sur le réseau cuivre existant, il doit être mis fin à la « double peine » : financement d’un simple passage au haut débit par les collectivités les moins urbaines, alors que celles qui sont les plus denses pourraient passer au Très haut débit sans financement public. Les barèmes du FSN doivent faciliter la transition directe vers le FTTH là où le débit sur cuivre est mauvais, à l’exception de l’habitat isolé, qui peut être traité par des technologies alternatives.

6) Porter le débat au niveau européen sur les financements et l’intérêt général

Le cadre européen est très marqué par la conception de concurrence par les infrastructures. Dans le domaine des réseaux fixes, les plus coûteux, celle-ci a connu un certain succès dans le passé, du fait qu’elle s’appuyait en fait sur les boucles locales construites par les monopoles publics nationaux, ouvertes par la régulation ; et encore, les changements n’ont été positifs que dans les zones les plus rentables, accentuant les disparités territoriales. Aujourd’hui, il s’agit de construire la boucle locale de notre siècle. C’est une infrastructure essentielle, qui porte profondément des exigences d’intérêt général : desserte universelle, péréquation pour l’équité des tarifs d’accès pour les ménages, les entreprises, les services publics. Cette dimension n’est pas suffisamment prise en compte dans les conceptions européennes, et notre continent prend du retard. Les fonds pour la prochaine période budgétaire sont menacés (FEDER, Mécanisme pour l’Interconnexion en Europe) alors qu’il s’agit d’infrastructures essentielles, propres à relancer l’emploi et la croissance.

7) Publier des spécifications techniques incitatives

Pour optimiser l’établissement et l’exploitation des réseaux, des spécifications techniques doivent être publiées. Sans force contraignante ni normative, elles permettraient aux industriels et aux maîtres d’ouvrage (collectivités, aménageurs, propriétaires d’immeubles à construire, opérateurs) qui les choisiraient de diminuer les coûts par un effet de volume. Une impulsion publique est également nécessaire pour accélérer les travaux communs sur les systèmes d’information et processus opérationnels.

8) Négocier des accords cadres pour l’utilisation des RIP par les grands Fournisseurs d’Accès à Internet

Les collectivités qui établissent des réseaux d’initiative publique locaux en FTTH sont aujourd’hui dans une totale asymétrie vis à vis des grands fournisseurs d’accès à internet, qui d’une part sont nationaux, et d’autres part détiennent à quatre la quasi totalité du parc d’abonnés existants qu’il s’agit de migrer. Elles sont donc dans une position de négociation plus que difficile, alors qu’elles vont supporter l’essentiel de la charge financière et de la responsabilité politique. Il convient donc que des accords cadres soient passés, sous l’égide de l’Etat, afin de leur donner de la visibilité sur l’utilisation des RIP par ces FAI.

9) Réaliser une étude sur les modèles alternatifs ou plus incitatifs de passage au Très haut débit

Le chantier concret du passage au Très haut débit n’en est qu’à ses débuts : fin 2011, moins de 5% des logements étaient éligibles au FTTH. Le cadre actuel n’a pas encore fait ses preuves, loin s’en faut, et le nouvel objectif est plus ambitieux que le précédent. D’autres pays ont choisi d’autres voies, même s’il convient de ne pas oublier la spécificité des contextes (jeu d’acteurs, spécificités du territoire et du bâti, qualité du réseau cuivre, poids des opérateurs de réseaux câblés…). Sans geler les initiatives en cours, il convient d’examiner si le cadre peut être rendu plus incitatif, ou si un cadre alternatif permettrait d’atteindre cet objectif. L’examen de la proposition de loi sur l’aménagement numérique a fait émerger des propositions, comme l’opposabilité des Schémas Directeurs Territoriaux d’Aménagement Numérique, et toutes les pistes doivent être explorées (utilisation des mécanismes du service universel, séparation fonctionnelle ou structurelle de l’opérateur historique, création d’une entité nationale ou d’entités régionales pour porter le co-investissement, société commune aux opérateurs, appel à des fonds d’infrastructures, schéma d’extinction du cuivre, utilisation des technologies hertziennes dans les zones les moins denses…). Les représentants des collectivités territoriales, doivent être associées au pilotage de l’étude, qui devrait déboucher début 2013. En parallèle, l’ARCEP a prévu un examen des dispositions de régulation fin 2012.

10) Créer de nouvelles bases pour le passage au Très haut débit

Début 2013 seraient donc disponibles à la fois un diagnostic précis, une étude prospective, des moyens financiers de long terme. Tous les acteurs pourraient être associés à la détermination des mesures incitatives, réglementaires, législatives, organisationnelles (formation…) à prendre pour accélérer le passage au Très haut débit.

A propos de l’AVICCA

L’Association des Villes et Collectivités pour les Communications électroniques et l’Audiovisuel regroupe 236 adhérents soit 50 Villes, 71 Communautés urbaines ou d’agglomérations, 18 syndicats de communes, 73 structures départementales et 24 régionales, soit 62.000.000 d’habitants. Elle mutualise les réflexions et actions en faveur de l’aménagement numérique du territoire.

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