«C'est un rapport assez inhabituellement dur. » Bernard Bégaud, professeur de pharmacologie à l'université de Bordeaux, directeur de l'unité Inserm 657 (1), a lu le rapport de l'Igas (Inspection générale des affaires sociales) sur le Mediator, remis hier au ministre de la Santé. S'il estime que le coup de balai qui va être passé dans l'organisation de l'Afssaps (Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé) est nécessaire, il ne voudrait pas que soient prises de « fausses bonnes mesures ».
Dans notre édition du 11 novembre, il estimait que l'enquête sur le Mediator aurait dû être diligentée plus tôt. Le rapport ne dit pas autre chose quand il affirme : « Surchargée de travail, empêtrée dans des procédures lourdes et complexes, en particulier à cause de l'articulation de ses travaux avec l'Agence européenne (du médicament), bridée par la crainte des contentieux avec les firmes, l'Agence (NDLR : Afssaps) est apparue à la mission, dans le cas étudié, comme une structure lourde, lente, peu réactive, figée, malgré la bonne volonté et le travail acharné de la plupart de ses agents, dans une sorte de bureaucratie sanitaire. »
Reste qu'en premier lieu, ce n'est pas à l'Afssaps que le rapport s'en prend, mais au laboratoire Servier. Et en termes peu amènes. « Le déroulement des événements relatés dans ce rapport est très largement lié au comportement et à la stratégie des laboratoires Servier qui, pendant trente-cinq ans, sont intervenus sans relâche auprès des acteurs de la chaîne du médicament pour pouvoir poursuivre la commercialisation du Mediator et pour en obtenir la reconnaissance en qualité de médicament antidiabétique. Ces acteurs ont été anesthésiés, roulés dans la farine. »
Le laboratoire, évidemment, n'est pas d'accord. Dans un communiqué, le deuxième groupe pharmaceutique français s'étonne « des responsabilités que semblent leur faire porter les conclusions du rapport d'enquête de l'Igas et qui ne leur apparaissent pas conformes à la réalité ».
Inefficacité vite connue
De son côté, Roger Salamon, président du Haut Conseil de la santé publique, professeur de santé publique et épidémiologiste bien connu à Bordeaux, où il a créé en 1997 l'Isped (Institut de santé publique, d'épidémiologie et de développement), considère que le scandale du Mediator est un « des plus graves en France ». Il décortique l'étude.
D'abord le médicament : « Tout le monde sait qu'un médicament peut aussi avoir des effets secondaires. C'est la mesure du bénéfice risque. » Dans le cas du Mediator, il reconnaît néanmoins que son inefficacité a été connue assez vite. La responsabilité des médecins ? « Il n'est pas normal qu'ils aient continué à le prescrire et, plus encore, à le détourner. »
La responsabilité du laboratoire ? Il l'exonère d'autant moins que, dit-il, « Servier savait très tôt ». Reste le fonctionnement de l'Afssaps, où siègent aussi des représentants de l'administration, que l'épidémiologiste juge « peu impliqués et peu réactifs. » À voir, enfin, les conflits d'intérêts qui ne concernent pas que les médecins, selon Roger Salamon. « D'une manière générale, l'imputabilité est quelque chose qui n'est pas simple. »
Reste que le professeur Salamon souhaite que la santé des Français ne pâtisse pas de ce nouveau scandale et que ces derniers n'oublient pas que leur médecin est davantage un allié qu'un serial killer.
(1) Pharmaco-épidémiologie, évaluation de l'impact des produits de santé sur les populations.
AFP
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