Saint-Martin : Nous allons bloquer l’île, c’est tout ce qu’il nous reste pour être entendus

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Saint-Martin : Nous allons bloquer l’île, c’est tout ce qu’il nous reste pour être entendus
Par Igor Rembotte 16 Sep 2013 01:09

Frank Viotty, Richard Mancilla & Didier Lake (Président de l’association du BTP)

Nous vous l’annoncions en fin de semaine dernière, cela nous a été confirmé lors d’une conférence de presse vendredi dernier, le BTP ou ce qu’il en reste a décidé d’un mouvement social dur pour cette semaine, sans limite de temps.

Les causes sont multiples mais pour ceux qui suivent depuis plusieurs années maintenant l’investissement de cette association et leurs messages d’alerte, sachez que la patience de ces entrepreneurs a atteint sa limite. Il faut donc s’attendre à des perturbations notamment au niveau du trafic routier.

Au-delà de cette mobilisation qui ressemble au chant du cygne, les entrepreneurs en appellent à toutes celles et ceux qui peinent à se tracer un avenir à Saint-Martin pour venir grossir leur mouvement et ainsi espérer être entendu par les décideurs que sont l’Europe, l’Etat et la Collectivité : chômeurs, allocataires des minimas sociaux, ex-entrepreneurs, tous ceux qui depuis 2007 sont victimes de ces pans de notre économie qui tombent les uns après les autres…… toutes les bonnes volontés, tous ceux qui ont à cœur que ce territoire si riche soit entendu de ceux qui peuvent encore en infléchir le destin.

Pour le moment, pas de date, d’heure, de lieu ou de détail sur la nature de la manifestation, mais un préavis sera bien posé en Préfecture comme l’exige la Loi. Pour autant, les entrepreneurs n’ont pas l’intention de trop en dire dans celui-ci.

Ils justifient leur position dure aujourd’hui par plusieurs années de travail en bonne intelligence et dans un esprit pleinement citoyen qui ne s’est soldé à ce jour par aucune avancée tangible.

1• “Nous ne sommes même plus à même de nous compter”

Le secteur connait une telle crise que les entrepreneurs eux-mêmes ne sont plus à même de savoir précisément ce que Saint-Martin compte encore d’entreprises dans le secteur. Bon nombre d’entre elles ont déposé le bilan ou, lorsque ce n’est pas le cas, sont en passe de le faire et les statistiques locales ne permettent pas une vision claire de la situation.

Mais il y a aussi beaucoup de cas de fermetures de fait, des entrepreneurs qui partent, quittent le territoire rapidement pour d’autres cieux sans prendre la peine de la liquidation. Pourquoi ? Pour deux raisons simples :

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– parce que la liquidation judiciaire d’une entreprise coûte plusieurs milliers d’euros dont ils ne disposent plus,

– parce qu’ils ont honte, parce qu’après s’être battus et investis pendant des années pour leur entreprise, parce qu’après avoir licencié des hommes et des femmes qui pouvaient être dans l’entreprise depuis plusieurs dizaines d’années, parce que ce sont des familles sur le carreau… assumer ce statut n’est pas facile.

Enfin, il ne faut pas se leurrer, la perte de ces emplois engendre bien d’autres maux que le chômage de près de 4300 personnes à Saint-Martin, c’est aussi le recours au travail non déclaré, à la fraude aux aides sociales ou aux larcins pour survivre.

2• Il faut sécuriser les marchés publics de Saint-Martin

Les entrepreneurs ne sont plus prêts à accepter que des entreprises venues de l’extérieur répondent à des marchés publics locaux en faisant du dumping, en utilisant la force de leur trésorerie pour casser le marché.

Didier Lake, Président de l’association n’hésite pas à dire qu’“Il y a quelques années cela ne posait pas de problème, il y avait du travail pour tout le monde et les entreprises Saint-Martinoises s’en sortaient très bien. Aujourd’hui, ce n’est plus possible, les entreprises débarquent de partout, répondent à des prix incroyables juste pour prendre les marchés et s’imposer. Ce sont généralement de grands groupes qui ont les reins solides. Au bilan, ce sont nos sociétés qui ferment et l’argent de la Collectivité qui s’envole vers d’autres territoires.” Le Président nous confiera plus tard que “Pas une entreprise de Saint-Martin ne prendrait un marché public en Guadeloupe !”

Les entreprises de bâtiment locales se fournissent de plus localement, faisant travailler les artisans pendant que les grands groupes se fournissent en métropole ou ailleurs auprès de centrales d’achat.

D’autres aberrations ont été clairement décriées :

– Comment accepter qu’un géant de l’industrie française viennent assumer des très gros travaux au niveau de la Centrale EDF au travers d’une NV posée à Sint Maarten et en employant une part du personnel ou des compétences qui ont œuvré à la réalisation du Pont de Simpson Bay ?

– Comment expliquer que le parking de l’aéroport de Grand-Case, même si celui-ci fait l’objet d’une Délégation de Service Public, soit réalisé par une entreprise Guadeloupéenne alors que les compétences locales existent ?

– Quid du plan Corail qui soutient les entreprises de Martinique et de Guadeloupe et qui n’a pas été étendu à Saint-Martin ?

[sws_pullquote_right] De toute façon, le nouveau lycée sera construit par la Guadeloupe… [/sws_pullquote_right] Frank Viotty fait lui remarquer que les entreprises extérieures jouissent de certaines facilités liées à leur territoire d’origine qui leur permettent de répondre aux marchés publics avec un avantage de 10% d’emblée. La sécurisation de ces Marchés Publics passe par un travail législatif que semblent nous permettre nos compétences et la loi organique mais “Nous n’avons pas d’homme politique à Saint-Martin” lancera-t-il.

Richard Mancilla insistait aussi sur le fait qu’il était plus qu’urgent que les chantiers privés soient débloqués et que les élus comme les agents de la collectivité retrouvent la possibilité de signer les documents nécessaires sans craindre les gardes à vue ou les mises en examens, sachant que pour cela, il est impératif de pouvoir s’appuyer sur un code de l’urbanisme adapté au territoire et des services distillant de parfaits conseils.

En fin de conférence de presse, Didier Lake excédé ou prudent dira à un correspondant d’une télévision Guadeloupéenne qu’il préfère ne pas lui accorder d’interview plutôt que de dire réellement ce qu’il pense, choix assumé au regard de la zone géographique de diffusion potentielle de ses propos.

NDLR : puisque les marchés publics sont ici évoqués et puisque la langue de bois n’a jamais été la ligne de SXMinfo, il n’aura échappé à personne que les changements de gouvernance s’accompagnent traditionnellement de changement de prestataires, ici comme ailleurs… Par le passé, l’investissement public et le secteur privé permettaient néanmoins à tous de survivre : aujourd’hui, ce n’est plus le cas...

3• Que l’on ne nous dise pas que nous n’avons pas les compétences

[sws_pullquote_right]Nos équipes ont travaillé comme des forcenés cet été pour que la rentrée se passe au mieux. [/sws_pullquote_right] C’est généralement la réponse qui est donnée à ces entrepreneurs pour justifier l’émergence des groupes qui engloutissent les marchés Saint-Martinois.

Cette réponse, ils n’en veulent plus car ils ont tous prouvé qu’ils étaient à même de relever bien des défis locaux, de former leurs personnels, d’investir dans de nouveaux matériels, d’assumer les risques bancaires et même de penser “collectif” dans leurs réponses tout en restant en phase avec le territoire, en embauchant localement, en se fournissant localement et en faisant vivre des familles Saint-Martinoises.

4• Obtenir de l’Europe ce qui peut l’être

[sws_pullquote_right] On est trop calme depuis 15 ans, ailleurs ils imposent le rapport de force et obtiennent ce qu’ils veulent. A Mayotte, pour le Programme Opérationnel Européen, ils sont descendus dans la rue ! [/sws_pullquote_right] On ne reviendra que brièvement sur ce point qui est détaillé ici, mais d’après l’association du BTP, le fait que Saint-Martin ne dispose pas de son propre Programme Opérationnel, qui pose les conditions de l’investissement européen sur les territoires, et alors même que le principe semblait acté de longue date, est en soi une hérésie.

D’après l’association, Saint-Martin pourrait prétendre à quelques 250 Millions d’Euros selon des calculs effectués d’après les critères de Bruxelles. In fine, il est maintenant établi que Saint-Martin sera encore portée par le Programme Opérationnel de la Guadeloupe et que, eu égard aux dernières modification européennes, le fléchage des subventions ne se fera plus vers les territoires concernés mais vers les états membres.

En ce sens, la France sera celle qui décidera de de la redirection des fonds. Les membres de l’association ont avancé un chiffre potentiel de 25 Millions d’Euros pour la période 2014-2020 soit précisément 10 fois moins que ce que à quoi Saint-Martin pourrait selon eux prétendre.

5• Saint-Martin a besoin d’un rattrapage infrastructurel extrêmement important

Frank Viotty n’hésite pas à le dire, les infrastructures de Saint-Martin sont obsolètes, sous dimensionnées ou datant d’un autre temps. Tout ou presque serait à refaire pour pouvoir porter les 45 000 âmes qui utilisent les infrastructures de l’île auxquelles il faut ajouter le flot de touristes certes déclinant : réseaux, voirie, eaux, épuration, trottoirs, enfouissement des lignes, démolition etc… Evidemment, beaucoup de choses avancent dans le bon sens, mais faute de moyens suffisants qu’un PO spécifique aurait sans doute permis de mieux obtenir, cela donne en permanence l’impression de pansements sur une jambe de bois dont les fruits de toute façon enrichissent trop souvent d’autres territoires.

Appuyé par Madame Marie-Françoise Dubernet, Frank Viotty pointe aussi du doigt ces habitations vétustes auxquelles personne ne veut toucher, ces quartiers entiers qui mériteraient d’être “déconstruits” pour être mieux reconstruits. Il est urgent que de relancer les programmes de Réhabilitation de l’Habitat insalubre, ils sont les seules réponses globales et intégrées aux problématiques qui se posent notamment dans certains secteurs de Quartier d’Orléans, de Sandy Ground et de Saint-James.

Le sujet du Plan Local de l’Urbanisme en gestation a bien évidemment été abordé avec une vision unanime quant à la nécessité de disposer de secteurs qui supporteront un développement vertical du bâti notamment pour cesser ce phénomène qui amène l’urbanisation à se lancer à l’assaut de tous les mornes de Saint-Martin.

 Autant de revendications de l’association du BTP qui justifient leur action et leur appel à une large mobilisation tant les enjeux sont déterminants pour l’avenir du territoire.

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Par Igor Rembotte 16 Sep 2013 01:09
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