Les citoyens : turbulents et enfants rois
L’Etat est, à Saint-Martin comme en métropole, au centre de toutes les préoccupations, revendications et critiques. Intrusif pourtant indifférent, contraignant pourtant absent, tyran mais bienveillant, interdisant ou imposant, il nous espionne mais fait la sourde oreille … Décidément, l’État, responsable de (presque) tous nos maux, en fait toujours trop mais jamais assez…
L’excès de règles nuit-il à la liberté ?
N’est-ce pas son rôle, me direz-vous … Certes, mais que celui en qui n’ont jamais résonné les mots de Pompidou “Arrêtez donc d’emmerder les Français !” me jette la première pierre. Le problème est que l’Etat semble aujourd’hui dépenser plus d’argent et d’énergie à vouloir réglementer nos vies individuelles qu’à régir notre existence collective… La personne semble avoir pris le pas sur le peuple dans les priorités étatiques.
La mondialisation contraint-elle au repli sur soi-même ?
Serait-ce parce que, face à la mondialisation, à l’ouverture des frontières – y compris numériques – l’autorité régalienne ne peut plus s’exercer de manière ciblée et non-éclairée et “compense” donc en agissant sur les domaines qui lui restent accessibles ? Le penser serait simpliste, voire hypocrite … Car qui stigmatisons-nous à chaque catastrophe, à chaque accident ? Ne suffit-il pas qu’un volcan empêche quelques avions de décoller ou d’atterrir pour que l’on exige la tête des puissants ? De même, et puisqu’après tout, ces gouvernants sont aussi humains, et que nous citoyens sommes trop évolués pour pouvoir n’être que des victimes consentantes d’un “despotisme” même bienveillant, cette tendance avérée à la surprotection, à la quête de mieux-être n’est-elle pas plutôt le reflet de notre propension à préférer regarder nos nombrils plutôt qu’élever nos esprits ? Nulle surprise dans ces conditions que le principe constitutionnel de précaution fasse loi… et paralyse en même temps gouvernants et citoyens.
Du point de vue de la gouvernance, ce transfert des missions (et possibilités) de l’Etat s’exprime également à des niveaux paradoxaux et pesants.
L’évolution statutaire : une volonté de tuer le père ?
Si l’on s’en tient au plan local, depuis notre évolution statutaire, les exemples sont nombreux. Les filières officielles d’achat de nourriture sont fortement encadrées notamment par des paradoxes franco-européens tandis que les marchands ambulants illégaux se multiplient, et il en va de même pour les restaurateurs… A notre demande, notre champs de compétence a été élargi mais les moyens d’exercice déniés. Une identité européenne à part entière nous a été reconnue mais pas la gestion des fonds. Nous disposons d’une représentation de l’état mais placée sous la tutelle de la Guadeloupe. Etc… Etc…
Bien évidemment, comme plus haut, la responsabilité n’incombe pas à l’Etat seul, mais puisque c’est le sujet de ce papier, nous ne dériverons pas …
Aussi, vu du petit bout de notre lorgnette, il semblerait que plus l’Etat perd de son autorité, plus il se montre autoritaire, mais à des endroits qui ne nous sont pas vitaux ou même attendus…
Quoiqu’il en soit, à y regarder de plus près, à le vivre dans diverses strates de la société, ce qui est certain c’est que la confiance dans les institutions s’amenuise peu à peu et que l’on s’approche doucement mais surement d’un point crucial qui dessinera les lignes de notre avenir. Souhaitons-nous demain être des sujets articulés d’un Etat souverain, bienveillant mais inadapté, ou acteurs éclairés de notre destinée qui ne peut être que spécifique puisque nous sommes éloignés, polyglottes, multi-culturels et insignifiants ?