Saint-Martin. Le mouvement voulu citoyen est resté une manifestation du BTP
Un mouvement fort mais peu transversal
Qu’on le veuille ou non, et malgré une situation économique gravissime qui nous concerne tous, de près, de loin, maintenant, demain, les professionnels du BTP ne sont pas parvenus à créer le grand élan citoyen qui pourtant aurait été l’unique moyen de réveiller certaines consciences notamment de l’autre côté de l’atlantique.
Le premier écueil était déjà de fédérer l’ensemble de ceux qui composent leur profession et ce matin, tous n’étaient pas au rendez-vous malgré de larges promesses.
Ensuite, les problématiques et revendications de ces porteurs d’étendards sont complexes et échappent bien souvent à nos quotidiens spécialisés. Nous naviguons tous dans une strate spécifique et in fine, bien peu nombreux ceux qui sont à même, ou qui ont envie, de décoder les rouages de la collectivité, de la SEMSAMAR, de nos relations à l’état ou encore à l’Europe.
Et puis, il y a cette tenace image du BTP, ces gros lourdaux qui n’y comprennent rien et qui en fait ne font que bétonner et râler pour bétonner encore plus pour leur strict intérêt alors qu’ils s’en sont déjà tous mis plein les fouilles.
Enfin, il y a ce communautarisme que la conscience collective sent bien mais que la bienséance sociale se refuse à nommer, celle qui fait que toutes et tous ne se sentent pas concernés par les même choses et qui met en valeur l’impossibilité d’un élan solidaire, massif et collectif.
On passera les égos blessés de ne pas être admis parmi les portes étendards alors qu’ils défendent aussi et depuis des années une cause qui appartient à d’autres strates mais se veut néanmoins bénéfique pour le territoire.
Des élus bien lointains
Devrait-on ajouter à cette liste l’absence évidente de réel leadership politique ? En effet, les chefs de groupe, élus ou pas, les habituels “rassembleurs” ont été bien silencieux tant dans la préparation que sur le terrain aujourd’hui, alors même que plusieurs des revendications ont été leurs à un moment donné.
N’y aurait-il donc qu’en période électorale que la volonté d’agir pour le développement de son pays soit suffisamment exacerbée pour justifier des prises de position ? Pour ne pas être injustes, notons la présence de Louis Fleming, Conseiller Territorial et Président de l’EEASM, resté discret, ainsi que celle d’Alain Richardson, président du RRR, lui plus prolixe en commentaires et en interviews.
D’autres personnalités locales ont aussi fait le déplacement et l’on aura vu passer Madame Ketty Karam, Monsieur Louis Mussington, Madame Ida Zin Ka Ieu, Monsieur Louis Jeffry Senior …
Le cortège en lui-même n’aura pas été très loin
Quoiqu’il en soit, les véhicules de tous types mobilisés, les entrepreneurs et artisans présents se sont mis en branle depuis la route du Port de Galisbay pour rallier le centre ville.
Ambiance décidée, on ne mobilise pas des engins aussi lourds pour aller boire le thé mais bien pour opérer une démonstration de force.
Le départ sera reporté plusieurs fois le temps de compter ceux qui avaient promis d’être là, de tenter de les joindre pour finalement se rendre à l’évidence et décider d’embrayer sans eux, les membres du bureau de l’association du BTP sont en première ligne depuis plusieurs années et ont l’habitude d’assumer les engagements pris avec ou sans les soutiens garantis.
Malheureusement pour les manifestants, le premier couac aura lieu face au restaurant l’Oiseau Rare où un solide cordon de gendarme leur barre l’accès pourtant prévu à la rue de la République. On devine aisément qu’il ne s’agissait pas de laisser une possibilité aux manifestants, qui avaient bien annoncé que parmi leurs cibles l’état était en tête de liste, la possibilité de caresser l’espoir d’assiéger une préfecture posée dans un cul de sac.
Il faut dire que la présence des forces de l’ordre a été bien marquée en plusieurs points, un peu comme si la capacité historique, mais non avérée aujourd’hui, de rassemblement de la population saint-martinoise pour de telles occasions avait suscité une réelle inquiétude en haut lieu ; ou alors est-ce parce que l’importance des enjeux mis en avant par l’association du BTP était telle qu’elle pouvait laisser supposer que l’action et l’expression d’une grande solidarité populaire seraient à la hauteur ?
La Table Ronde et ses Chevaliers… bienvenue à Kamelot
Quoiqu’il en soit, après quelques invectives entre manifestants et forces de l’ordre, c’est une table ronde qui a été exigée des leaders du mouvement à laquelle ils ont souhaité convier Monsieur Le Préfet, Madame la Présidente de la Collectivité, Madame la Directrice de la SEMSAMAR.
In fine, vers 12h15, la réunion a pu avoir lieu, en présence effectivement de Monsieur le Préfet et de ses services, de la Présidente Aline Hanson accompagnée du Directeur Général des Services, Pascal Averne, pour la Collectivité, de Monsieur Paul Huyghes Beaufond, chargé d’opération à la SEMSAMAR et de Messieurs René Jean Duret et Wendel Cocks dont on ne saurait dire s’ils étaient présents pour la Collectivité, la SEMSAMAR ou les deux.
Long et large meeting, une première d’après les représentants du BTP, dont la durée n’a pas empêché les manifestants de rester mobilisés avec la sensation que ce tempo était néanmoins travaillé pour les “endormir”.
Au retour des leaders vers 14h15, l’annonce est pourtant claire : au regard des avancées faites, des promesses écrites, le mouvement est dissous.
Grogne, déception pour les plus convaincus, hérésie pour d’autres qui souhaitaient aujourd’hui en découdre mais chacun rejoindra néanmoins ses pénates dans un calme auquel contraint un fatalisme endémique, un soleil de plomb et quelques averses.
Mais alors, quel tour de passe-passe ont donc réussi les pouvoirs publics ou est ce que la puissance du mouvement et la validité des revendications ont eu raison des points de blocage ?