Ainsi, après France Soir, la Tribune (dans sa version papier), le Figaro ou encore l’Equipe, c’est au tour du premier quotidien de France de devoir prendre de douloureuses mesures de survie économique. Le quotidien le plus vendu en France (742.645 exemplaires en 2012), Ouest France subit de plein fouet la baisse de ses recettes publicitaires (-7%), qui représentent 38 % de son chiffre d’affaires estimé à 300 millions d’euros.
La direction de Ouest France avait déjà annoncé en septembre dernier la nécessité de réduire ses effectifs au regard de ses importantes pertes d’exploitation qui se sont élevées à 5 millions d’euros en 2012. Lors du comité d’entreprise que s’est réuni lundi 21 octobre, la direction a détaillé un plan de départs volontaires qui concernerait 137 emplois sur les 1500 que compte le journal. Il s’agit pour l’entreprise de limiter ses pertes et de réaliser des économies dans une perspective de modernisation à travers l’achat de deux rotatives notamment, qui représenterait un investissement de plus de 30 millions d’euros.
Doit-on alors s’attendre, à l’instar de ce qui semble être devenue la nouvelle norme américaine, à ce que la presse française trouve son salut dans des girons influents et surtout riches ? Il est évident que c’est de loin la solution la plus facile que de chercher son équilibre financier à travers un mécène ou un investisseur, fût-il Bernard Tapie, sécurisé et sécurisant. Mais cette solution présente également des inconvénients certains.
En premier lieu, qui voudrait investir ainsi dans un média en crise au sein d’un contexte général de pertes qui semblent inéluctables au regard de l’essor et du succès du Web en matière de diffusion de l’information et d’affichage publicitaire, si ce n’est quelqu’un en quête de moyens d’influence ? Et alors, comment conserver un contenu et une ligne de qualité lorsqu’on passe sous le contrôle de puissants dont l’agenda politique ou économique n’intègre certainement pas de réelles problématiques éditoriales ?
Ces considérations rappellent à mon souvenir l’excellent court-métrage édité il y a une dizaine d’années par deux étudiants américains qui anticipaient l’évolution de la presse jusqu’à la mort de la version papier du New York Times et la prise de pouvoir d’Internet par un colosse créé par l’association de Google et Amazon… (Cette vidéo est encore disponible sur Youtube : Epic 2014).
Nous n’aborderons pas ici le démantèlement annoncé du groupe Lagardère qui, pour répondre à l’avidité de ses actionnaires, ne devrait pas tarder à annoncer la vente de certains de ses supports et la fermeture d’autres. L’essentiel de ce qui se profile pour ce puissant du paysage français est résumé dans le tract disponible ici :
S’il est évident que le tout gratuit n’est pas un pari tenable à long terme, les mesures qu’impose l’urgence économique ne sont pas à prendre à la légère tant elles sont capables de modifier le visage même de nos démocraties nourries par l’information. En effet, et puisque l’information, même libre, engendre des coûts et répond à des contraintes financières lourdes, même sur Internet, la solution mathématique d’éviter le risque de prise de contrôle du média serait de faire payer de plus en plus cher un lectorat pourtant de moins en moins large … Ce qui aboutirait à une information à deux vitesses : un niveau d’information réservé à un cercle qui accepte et a les moyens de se le payer, et l’information gratuite ouverte à tous. Or, un citoyen bien informé étant la clé d’une société qui réfléchit et construit, la qualité et l’accessibilité de l’information sont indispensables.
Entre l’information pour et par une élite et une information de qualité inégale, il faudrait trouver une autre voie qui réponde de plus à des critères économiques incompressibles. Heureusement, avec un peu de créativité et beaucoup de bonne volonté, d’autres issues existent…
Il s’agit de redessiner le cadre au sein duquel il faudra inventer de nouveaux modèles de journaux, qui laisseront la place aux alliances entre compétences et expertises, entre web et papier. Imaginons… un support papier dont le coeur de métier serait de relayer la nécessaire information “terrain” associé à un outil en ligne qui permet à la fois la réactivité de l’urgence et le temps de l’analyse… Voilà une offre complète et garante de qualité au profit du lecteur qui bénéficierait incontestablement de ce partage des coûts et des recettes !
Lorsque le terreau de l’alliance n’est pas prêt et que le marché est si exigu que la concurrence fait loi, l’issue réside dans l’enrichissement et le développement des supports eux-mêmes. C’est en ce sens qu’après la refonte de SXMinfo, le relooking de la version papier du Pélican, ce dernier ainsi que le St Martin’s Week travaillent à vous offrir des versions renouvelées de leurs sites Internet…
C’est le propre des outils online d’être innovants, voire précurseurs ; c’est aussi un de leurs atouts que d’être modulables. C’est une chance tant la notion de “journal” est devenue trop étroite pour laisser s’exprimer la variété des réponses à ce monde en constante évolution d’une part, et aux attentes des utilisateurs d’autre part. La survie passe alors par le développement de nouvelles activités, également sources de revenus, au-delà de la simple production d’informations et d’analyses. A cet égard, SXMinfo regorge encore d’idées et de projets pour l’élargissement de votre outil que le temps filant ne nous permet pas de mettre en oeuvre au rythme auquel on l’aurait souhaité mais que nous n’abandonnons pas malgré l’adversité. Stay tuned …