Comme nous vous l’annoncions iciAMP, l’Inspection Générale de l’Administration est actuellement en mission dans les îles du Nord et le cadre de celle-ci est maintenant mieux connu : la fameuse et litigieuse compensation des charges liées aux transferts de compétences que les deux collectivités de Saint-Martin et Saint-Barthélemy ont contesté.
Hier, lundi 4 novembre, les inspecteurs ont reçu les officiels de la COM, suivis par ceux du CESC et enfin les socioprofessionnels représentés par la FIPCOM et l’association du BTP réunis une nouvelle fois pour l’occasion. Il s’agissait pour les inspecteurs de l’IGA, missionnés par les ministres de l’outre-mer (Victorin Lurel), de la Réforme de l’Etat, de la Décentralisation et de la Fonction publique (Marilyse Lebranchu) et le ministre chargé la décentralisation (Anne-Marie Escoffier), de circonscrire le contexte et les éléments de calcul des dotations de compensation des charges afin de définir d’éventuelles alternatives de révision.
Les socio-professionnels, dont on sait qu’ils militent depuis des mois pour que les bases chiffrées et réglementaires sur lesquelles s’appuie le développement économique du territoire soient pragmatiquement révisées, ont profité de l’occasion pour offrir à l’IGA un état des lieux complet et sans concession, un diagnostic étayé assorti de proposition de solutions. Rien de bien nouveau dans le discours, me direz-vous, mais nous savons tous à quel point il est important que chaque décideur puisse s’imprégner du territoire et de la complexité de ses problématiques.
Un long entretien de près de 3 heures durant lequel les inspecteurs Marc-René Bayle, inspecteur général, et Pierre Bergès, inspecteur de 1ère classe, ont pu et su prendre la juste mesure d’une situation critique et spécifique. En effet, si les règles de calcul du montant des droits à compensation des charges liées aux transferts de compétences répond à une formule mathématique parfaitement applicable sur des territoires bien maîtrisés et bien connus de la République, il semble face à nos spécificités, dont la problématique transfrontalière et un passé de vilain petit canard aux yeux de la Guadeloupe, qu’il nous faille demain militer pour une nouvelle exception : un calcul spécifique !
D’autre part, on peut s’étonner de l’incongruité de l’agenda auquel colle la vivote puisque le recours posé par la collectivité de Saint-Martin fait en ce moment même l’objet de toute l’attention du Conseil d’état qui nous dira bientôt s’il s’estime compétent ou non pour en traiter le fond. A défaut, le recours sera renvoyé vers un tribunal administratif dont on devine qu’il ne sera pas celui de Saint-Martin et le jugement lui repoussé aux calendes grecques.
Pour ceux qui aiment la lecture, nous vous livrons ci-après la synthèse réalisée par les socio-professionnels et le BTP ainsi que le document remis aux inspecteurs de l’IGA, disponible au téléchargement ici :
Collectivité Territoriale de Saint-Martin
Position des socioprofessionnels vis-à-vis d’une situation critique
Mission inter-ministérielle IGA 2013
Si l’on ne peut que se féliciter de la venue de la mission de l’IGA, la tâche reste toutefois ardue pour parvenir à modifier une vision qui semble bien arrêtée de l’administration parisienne quant aux réalités Saint-Martinoises.
Une histoire et des spécificités mal connues ou difficiles à accepter par la République
L’histoire de l’île de Saint-Martin reste méconnue par la métropole en amont des années 60, période de réimplantation d’une représentation de l’état sur le territoire. La barrière linguistique et l’absence d’expression du droit français sur ce territoire pendant des décennies restent difficiles à surmonter pour l’administration qui exerce ici ses fonctions dans des conditions particulières.
Une classe politique non renouvelée
L’évolution statutaire de 2007 est consécutive à la consultation populaire de 2003 qui s’était largement prononcée pour le “OUI” avec néanmoins une abstention étonnamment forte. Toutefois, ce “oui” trouve sa légitimité localement dans la volonté de la population saint-martinoise de maintenir et de préserver un système administratif et de gouvernance en dissonance avec les règles de la république.
La classe politique ayant accédé au pouvoir en 2007 ou en 2012 reste néanmoins la même que celle qui exerçait le pouvoir en amont de l’évolution statutaire, et l’administration constitue ce qu’il faut bien considérer comme la base d’une pyramide électorale qui vient avant tout sécuriser l’individu professionnellement.
Une évolution non préparée
Contrairement à Saint-Barthélemy, l’évolution statutaire n’a localement pas été préparée du fait que la gouvernance communale, en amont de l’évolution statutaire, était opposée à cette mutation.
Dès lors, la première mandature a purement et simplement, en dehors de quelques individus éclairés, découvert l’ampleur de la tâche mais surtout la volonté de l’état “en contrepartie d’une relative autonomie” de réinstaurer localement l’exercice du droit, ce qui pose un nouveau hiatus entre ce qui a motivé le “Oui” en 2003 et les conséquences actuelles de celui-ci.
Absence de statistiques fiables due notamment à une frontière non maîtrisée
L’absence de frontière maîtrisée entre Saint-Martin et Sint Maarten biaise depuis toujours les données relatives à Saint-Martin, que ce soit en terme de population, d’aide sociale, de flux financiers ou encore d’immigration. De plus, cette absence d’outils transfrontaliers génère un hiatus législatif notamment européen.
S’il est nécessaire de respecter cette absence historique de frontière marquée, il est néanmoins urgent de bien vouloir l’assumer administrativement.
Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que les minimas sociaux en constante augmentation à Saint-Martin, l’accès gracieux à certains services publics, et un taux de change euros/dollars très favorable à ce dernier garantissent une économie minimum à Sint Maarten et permettent à ce territoire de maintenir des minimas sociaux étonnamment bas.
En d’autres termes, Saint-Martin assume pour Sint Marteen une part importante de sa pauvreté tout en lui garantissant un budget annuel très important issu de la solidarité nationale. Enfin, au regard des difficultés vécues par des territoires caribéens proches, ces minimas constituent un eldorado évident.
Pas d’ébauche de réforme des mécaniques administratives locales
Depuis 7 ans, on n’assiste qu’à une volonté timorée de modification des mécaniques administratives locales et pour cause, l’évolution statutaire semble aussi avoir été traduite par une volonté conservatrice de l’existant.
Alors que l’évolution statutaire impose une prise de conscience politique qui devrait amener l’administration à une plus grande et plus large efficience pour projeter le territoire dans le cadre que lui fournit la Loi Organique, il semble que le protectionnisme dicte un repli sur elles-mêmes des institutions avec comme principal écueil un manque évident de moyens pour mener à bien l’ensemble des chantiers que constitue le fait d’assumer les compétences nouvelles.
Au bilan, aujourd’hui, le scepticisme est grandissant quant à la pertinence de l’évolution statutaire avec un constat simple : nous avons voté une autonomie accrue pour pérenniser un système sociétal différent en bien des points du système “à la française” et sommes aujourd’hui plus que jamais tenus de respecter règles et contraintes nationales et européennes inadaptées et qui menacent un fonctionnement séculaire. Localement cet échec en perspective est justifié par une DGC estimée “à charge” et par une mauvaise considération par la Guadeloupe du territoire de Saint-Martin antérieurement à l’évolution statutaire.
Parallèlement, il est évident qu’après 7 années et deux gouvernances chaotiques, que les arcanes de l’administration et de la classe politique locale n’affichent que peu de volonté et/ou peu de capacité à se structurer pour évoluer en phase avec la loi organique :
Aujourd’hui, alors que de nombreux espoirs de développement et de rayonnement s’étaient construits sur l’article 74 appliqué à Saint-Martin, la situation générale est particulièrement préoccupante. Tous les indicateurs socio-économiques se dégradent au fur et à mesure des longueurs politico-administratives imposées par un temps départemental, régional et étatique qui, à l’éloignement géographique, ajoute un fort sentiment d’abandon.
Lorsque l’on entend aujourd’hui que la Guyane pourrait potentiellement être soutenue par l’état dans la préparation de son évolution statutaire à hauteur de 250M€, nous restons perplexes. Une telle volonté n’a jamais été affichée localement et il nous faut bien admettre que nous sommes les victimes passives et insignifiantes de l’expérimentation de cette modification constitutionnelle.
Aujourd’hui, le sentiment d’insécurité physique et financière amène son lot légitime de mouvements sociaux, pour le moment encore très citoyens ; la récente pétition du Comite Citoyen de Défense des intérêts des habitants de Saint Martin en est une parfaite illustration.
Nous souhaitons attirer votre attention sur la pétition citoyenne en date du 13 avril 2013 significative de la volonté des saint-martinois.
Cette pétition a recueilli 4751 signatures en 15 jours (PJ/ PV scp Huissiers).
Elle portait une requête visant le Transfert de charges et sa réévaluation ainsi qu’une révision de l’effort budgétaire consenti par l état sur le territoire de notre collectivité.
L’absence des ressources non transférées de l’état ne permet plus à notre Collectivité Territoriale la possibilité d’assurer :
L’absence des ressources non transférées de l’état ne permettra plus à notre Collectivité Territoriale la possibilité de garantir :
Les Constats
Notre première interpellation vient de l’évidente absence de moyens pour et dans la mise en place de notre Collectivité.
L’Etat avait et a une obligation d’assistance qui à notre sens fait encore passablement défaut.
La non délivrance des codes Natinf et Nuts paralyse notre évolution statutaire.
Ces codes liés au territoire ne peuvent être attribués qu’après un recensement de la population et l’établissement de notre PIB. Or, sans maîtrise de la transfrontaliarité, une part de subjectivité sera de fait introduite dans l’établissement de ces deux valeurs références avec un risque déjà éprouvé par le passé que cela soit en notre défaveur.
D’où l’obligation d’un recensement précis et actualisé. Le dernier, réalisé par l’INSEE, date de 2005 avec des chiffres de 1999. Il est évident que le nouveau système de recensement adopté par l’INSEE n’est pas adapté à Saint-Martin où le flux et les abus sont nombreux et il est tout aussi évident que la population estimée par l’INSEE est largement sous-évaluée.
Quelques chiffres clefs : 1000 naissances par an, 10000 enfants scolarisés pour une population annoncée à 37 000 habitants et un taux de chômage avoisinant les 25%.
En l’absence de ces deux indicateurs clés, et surtout face au manque de pertinence de ceux-ci, il résulte un manque de moyens mis à disposition dans différents secteurs essentiellement de la compétence de l’état : Sécurité / Gendarmerie / PAF / Douane / Justice / Hospitalier / Education / Fiscalité / Infrastructures etc.
L’imprécision des informations nuit gravement à la mise en place des outils obligatoires, basés sur un nombre d’habitants aujourd’hui erroné dû à un recensement minoré, sur un territoire qui de surcroît vit un accroissement saisonnier conséquent de sa population du fait d’une économie qui repose sur le tourisme.
Saint-Martin présente pourtant, au regard de chiffres que nous mettons en doute, une densité de population supérieure à celle de Taiwan !!!
Pas de transfert suffisant des outils depuis la Guadeloupe
Beaucoup des outils pourtant nécessaires au bon fonctionnement de la Collectivité d’Outremer de Saint-Martin sont toujours centralisés en Guadeloupe.
Ces outils doivent se structurer sur le territoire de la collectivité avec un glissement des dotations afférentes et l’assurance des compétences inhérentes.
* Fiscalité : Si la Collectivité jouit aujourd’hui d’une compétence pleine et entière en la matière qui se concrétise dans sa capacité à décider de son propre code général des impôts, il est nécessaire de rappeler que cela s’est fait après de nombreux mois consacrés à l’analyse et à l’interprétation de notre Loi Organique.
De plus, le kafkaïen sujet de la maîtrise de l’assiette fiscale et du recouvrement reste de la compétence de l’état qui en la matière et comme déjà signifié par plusieurs rapports de la Chambre Territoriale des Comptes ne peut se targuer d’un service efficace, pourtant rémunéré.
Cette fiscalité locale dont dépend le budget de la Collectivité n’offre aujourd’hui que peu de leviers pour régler celui-ci. La Taxe Générale sur le Chiffre d’Affaires instaurée localement ne produit pas les effets attendus, de plus, elle ne concerne malheureusement qu’une part de la population en phase avec la culture de l’impôt et rompue au système déclaratif.
Néanmoins, chaque année depuis son instauration, la CTC préconise son augmentation pour que la Collectivité puisse faire face à ses besoins. Au regard du public concerné, du manque d’équité de la population face à cette taxe et malgré l’augmentation de son taux, le produit de la TGCA est aujourd’hui en chute. Ce phénomène est particulièrement révélateur du “ras le bol” de ceux qui paient d’une part, et du défaut de recouvrement d’autre part.
* Education Nationale : Entre un rectorat guadeloupéen ancré dans ce territoire, un représentant du recteur basé à Saint-Martin mais sans moyens, un turnover d’enseignants maîtrisant le jeu des primes, des établissements scolaires surpeuplés et un public particulièrement hétérogène au regard de notre spécificité multiculturelle, les statistiques liées à la réussite scolaire sont localement peu satisfaisantes. Pourtant, tout est mis en œuvre localement pour que les statistiques notamment vis-à-vis du baccalauréat reflètent un certain sens du succès.
Enfin, la multiplication des établissements dont le coût est assumé largement par la collectivité et dont l’accès est gratuit contribue à l’appétence du territoire en terme migratoire.
* Prestations sociales : Nous savons la Collectivité en attente d’une mission dédiée conformément à l’engagement pris par le ministre des outre-mer, Victorin Lurel, lors de sa visite officielle. Or, comme d’autres auparavant, celle-ci tarde à se concrétiser tandis que la COM de Saint-Martin continue de devoir assumer ses obligations en la matière, tout en sachant que les sommes versées ne bénéficient majoritairement pas à la partie française.
Des opérations de détection des fraudes sont menées avec succès par la Collectivité en coopération avec les autorités de la partie hollandaise, mais il faut bien avouer que celles-ci restent limitées car ne s’inscrivant pas dans un cadre soutenu par une réelle politique publique formalisée et dotée.
* Justice : en l’absence de TGI et d’établissement carcéral, la justice délivrée à Saint-Martin est en premier lieu très onéreuse puisqu’elle impose de nombreux déplacements en Guadeloupe. Soulignons une nouvelle fois l’absence de la continuité territoriale. Actuellement les budgets dédiés à ces déplacements sont quasiment épuisés avec une conséquence immédiate : les instances composant l’appareil judiciaire sont menacées dans les îles du Nord de paralysie. Une autre conséquence induite est plus pernicieuse, elle consiste à déclasser simplement les délits pour qu’ils mobilisent moins de moyens dans le traitement tout en ne venant pas grever des statistiques déjà lourdes à assumer : Saint-Martin est un territoire plus criminogène que la Guadeloupe.
* Préfecture & Missions régaliennes : Si les Collectivités de Saint-Martin et Saint Barthélemy bénéficient d’une Préfecture depuis 2009, le représentant de l’Etat dans ces deux collectivités reste délégué auprès du Préfet de Guadeloupe. Or, il serait légitime et cohérent que Saint-Martin soit dotée d’un Préfet de plein exercice qui soit indépendamment décisionnaire. Des demandes des élus de tous bords de Saint-Martin et de Saint Barthélemy ont été émises en ce sens sans jamais obtenir de réponse. Or, la maîtrise territoriale de services tels que ceux de l’INSEE, la CGSS devrait être un des piliers de la mise en place de l’autonomie saint-martinoise.
Est-il, par exemple, normal et efficient que les services de premier secours locaux doivent attendre une autorisation de la Guadeloupe pour pouvoir intervenir sur des cas; même “légers”, alors même que la charge financière et humaine du SDIS relève bien des compétences et obligations de la Collectivité ?
Dans tous ces domaines, la dilution de la décision nuit au quotidien à l’efficacité et à la pertinence des mesures qui sont pourtant nécessaires et bien identifiées localement, mais ne répondent pas aux logiques et priorités guadeloupéennes.
* Fonds européens : L’évolution statutaire de Saint-Martin au sein de la République Française a entraîné une évolution concomitante de son statut européen. Ainsi Saint-Martin est une RUP à part entière depuis la ratification du traité de Lisbonne et est reconnue en tant que telle par Bruxelles.
Les programmes opérationnels que pouvait intégrer Saint-Martin étaient à ce moment ceux de la Guadeloupe. Il aurait été logique, comme cela a été initié lors de la visite des Commissaires européens à Saint-Martin en 2010, que Saint-Martin prépare et bénéficie d’un programme opérationnel propre et dédié pour la prochaine période de programmation.
L’établissement du P.O 2014-2020 est pratiquement finalisé et il apparaît qu’une nouvelle fois Saint-Martin sera intégrée au PO Guadeloupéen, autorité de gestion. Les manœuvres de dégagement et de glissement des budgets vont donc perdurer.
De cette absence de décentralisation des pôles de décision découle un ensemble de dysfonctionnements dans la plupart des secteurs structurant la société saint-martinoise, y compris sur des secteurs où la collectivité a pourtant compétence, d’autant que le service public de la continuité territoriale, censé renforcer la cohésion entre les différents territoires, n’est toujours pas appliqué :
Voir N° 245 ASSEMBLÉE NATIONALE – CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 / QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 3 octobre 2012 – Dispositions relatives à la régulation économique outre-mer
Article 1er bis (nouveau) modifie 2 CMP SESSION ORDINAIRE DE 2012-2013 – 15 novembre 2012
Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 1er juillet 2013, un Rapport sur la structuration du prix, notamment les différentes taxes ou Prélèvements, des liaisons aériennes des différentes compagnies, desservant les départements et les collectivités d’outre-mer depuis la France « Hexagonale »
Pour information, le coût de l’aérien entre St Martin et Pointe à Pitre en Guadeloupe est en moyenne de 250 ; Pour Basse-Terre, prévoir la location d’une voiture en sus.
* Mesures de soutien à l’économie : Sur le plan économique également, Saint Martin est malheureusement trop souvent mis hors cadre de tout avantage. (CICE. Plan corail), ce qui accentue encore davantage la notion de double concurrence avec les entreprises de Sint-Maarten, comme avec les entreprises de Guadeloupe ou autres, ayant droit elles, à ces aides.
Un tourisme : le pilier central moribond de notre économie
La compétence “Tourisme” a été transférée à la COM en 2007 sans aucun transfert de moyens. Nos marchés principaux sont totalement différents de ceux des autres îles françaises de l’Outre Mer. La politique touristique menée par la Guadeloupe n’a jamais su répondre à cette spécificité, et l’évolution statutaire aurait du et pu pallier ce manquement.
Il s’agit là d’une compétence qui induit des coûts spécifiques et techniques pour la mise en œuvre de cette compétence, d’autant qu’il s’agit là de la première ressource économique de notre territoire.
Jusqu’alors, notre économie touristique “rattachée” à la Guadeloupe ne bénéficiait d’aucun support en raison de sa double insularité et de son originalité par rapport à la Guadeloupe qui ne pouvait et ne voulait la prendre en considération.
Cette économie s’exerce dans un contexte concurrentiel particulier avec un compétiteur situé sur le même territoire, sans frontière, s’attaquant aux mêmes marchés, vendant le même produit tout en bénéficiant d’un environnement social, économique, financier, fiscal et réglementaire incroyablement plus favorable,
Ce sont précisément ces particularismes, l’importance stratégique de notre économie touristique, et la nécessité d’adaptations à notre environnement concurrentiel qui motivaient ce transfert de compétence. Or, bien évidemment, l’absence d’investissements antérieurs sur notre territoire, tant de la part de l’Etat que de la Région ou du Département de Guadeloupe, n’a pas permis d’évaluer les moyens à transférer alors que non seulement il s’agissait de mettre en œuvre les actions de fonctionnement “courant” mais de résorber les retards accumulés et recréer toute une dynamique d’action de développement touristique.
En ce sens, il s’agissait de mettre en œuvre une politique, des méthodes, une réglementation, des normes, des structures de promotion, une organisation qui, dans les régions métropolitaines, ont été forgées au fil des ans avec de nombreux supports de l’Etat.
Dans ce contexte, les retards d’équipements généraux et structurants, de services publics, les difficultés financières générales de la COM constituent un frein supplémentaire au redéploiement de cette économie.
Les problématiques générales de Saint Martin pèsent bien évidemment sur notre économie :
A cela il faut ajouter des aspects plus spécifiques de contraintes liées aux politiques d’entrée sur deux territoires connexes et sans frontière mais disposant de deux système législatif en terme d’immigration différents. Cette absence de maîtrise de la gestion de notre point d’entrée principal que constitue l’aéroport international est un facteur particulièrement pénalisant. Enfin, la disparition depuis près de 10 ans de la parité entre les deux monnaies ainsi que les coûts spécifiques, comme ceux de l’eau, pèsent sur nos entreprises sans prise en compte du caractère “d’île sèche”.
Les renforts techniques et administratifs doivent impérativement être mis en place pour pouvoir conduire une véritable politique de développement touristique :
Moyens techniques et humains :
Moyens financiers :
Soutien à la compétitivité et compensation à la COM des soutiens et interventions consenties (Exemple CICE /Plan Corail)
Le calcul hérétique de la DGC ne permet pas d’assumer la part d’autonomie consentie et réclamée
Un recours a été introduit par la Collectivité en juillet 2011 après que le décret fixant le montant de la compensation a été publié en avril 2011 (soit 4 ans après l’évolution statutaire). Ce recours n’a été examiné par le Conseil que le 24 octobre 2013, et UNIQUEMENT quant à sa compétence.
Nous présageons déjà que dans sa décision, mise en délibéré pour encore un mois, le dossier sera renvoyé devant un Tribunal Administratif, faisant encore courir des délais que la situation économique et sociale de Saint-Martin ne pourra supporter.
Une fiscalité dont la bicéphalie paralyse l’efficience
Après des décennies d’oubli, la présence de l’administration se renforce sur notre territoire, notamment depuis la mise en place de la nouvelle Collectivité.
Si, en tant que citoyens responsables, les socioprofessionnels ne peuvent que se féliciter de plus de Droit, cette nouvelle pression administrative est perçue par beaucoup comme arbitraire, injuste, inefficace et pénalisante. La répartition des obligations quant à la compétence fiscale impose un travail synergétique entre la Collectivité, qui édicte les conditions fiscales, et les services de l’état qui assument la problématique de l’assiette et du recouvrement.
Arbitraire :
Donnant toujours raison à l’Etat contre la Collectivité, comme l’ont démontré les conclusions de l’inspection de l’IGA et de l’IGF en décembre 2009 et plus récemment les recommandations de la CTC pour équilibrer le budget 2013.
Alors que tous les citoyens s’accordent à dire que les problèmes de financement de la COM reposent sur un désengagement de l’Etat vis-à-vis de ses obligations constitutionnelles (article 72-2 alinéa 4 de la Constitution : “Tout transfert de compétences entre l’État et les collectivités territoriales s’accompagne de l’attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice. Toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d’augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi.”) et contractuelles (convention donnant aux seuls services de l’Etat la compétence pour l’assiette et le recouvrement.), l’administration privilégie immanquablement la piste de l’augmentation des taxes sans se prononcer sur les carences des services de l’Etat, cause réelle de toutes les difficultés.
Rappelons que le non respect du transfert des charges nous a coûté :
– Non compensation de l’octroi de mer : 11.5 M
– Hausse des dépenses de fonctionnement dues aux nouvelles compétences : 40 M depuis 2007 (dont RSA 12 M) contre 19 M de recettes supplémentaires
La dotation versée par l’Etat n’a jamais été contestée bien que particulièrement injuste : en 2011, pour un PIB très inférieur à celui de la Guadeloupe et de la Martinique (14 500 €/hab. contre 19 005€/hab. et 18 631€/hab.), Saint-Martin n’a perçu que 688€/hab. contre 5 318€ et 5 310€
Les manquements administratifs de l’état nous ont coûté :
– Suppression de la taxe d’habitation admise par tous pour la simple raison de la non adaptation du logiciel des services fiscaux : 3.65 M en 2009
– Non émission de la taxe sur les véhicules par simple refus de délivrer un numéro NATINF permettant de verbaliser les contrevenants : 2 M
L’ensemble de ces carences représente un manque à gagner de plus de 40 M qui auraient largement assuré non seulement l’équilibre budgétaire mais aussi l’indispensable relance économique amorcée par l’investissement public.
Injuste et inefficace:
Devant le manque de moyens et dans l’urgence, l’administration tend à contrôler en priorité les assujettis et les entreprises répertoriés plutôt que les fraudeurs notoires bien connus de tous…. sauf des services fiscaux, sociaux, sanitaires. Cette différence de traitement ne peut que donner l’impression à certains d’être les dindons de la farce d’un système injuste et clientéliste
Comment s’étonner que d’année en année augmente la tentation de l’incivisme, le citoyen responsable se sentant de plus en plus seul à remplir ses obligations contributives ? Les chiffres récents des dernières collectes semblent nous donner malheureusement raison :
– TGCA 2011 : 6.3 M ; TGCA 2012 : 6.5 M au mieux en fin d’année alors que le Budget prévisionnel en attendait 10 M ; 800 entreprises déclarantes, 700 qui contribuent dont 280 assurant 80% du produit
– Licence/Patente 2011 : 1534 déclarations pour 4.2 M encaissés ; novembre 2012 : 891 déclarations pour 2.45M encaissés
– Enfin, à titre comparatif sur l’efficacité entre nos services fiscaux et ceux de nos voisins signalons que la Turn Over Tax à 3% généralisée avait rapporté en 2010 76 M de NaFl soit environ 32.5M €.
Pénalisante :
Enfin, dans le contexte particulier de concurrence avec nos voisins de Sint Maarten, l’application stricto sensu des lois et règlements nationaux et européens, ne peuvent qu’entrainer une aggravation de notre déficit concurrentiel.
Droit du travail:
En 2013, le salaire minimum brut est de :
-1430,22€ pour 35 heures à Saint Martin et 5 semaines de congés payés contre :
-779,49 $ pour 40 heures et 2 semaines de congés payés.
A cela s’ajoute la formation continue, la médecine du travail et pour l’Hôtellerie-Restauration la souscription obligatoire de tous les salariés à une mutuelle pour un coût mensuel de 32€ (50% à la charge de l’employeur). Bien que le droit du travail ne soit pas de la compétence de la COM, l’Etat a su trouver des dispositifs de transition dans d’autres territoires (A Mayotte, le Smic horaire est de 6.96 € contre 9.43 € sur le reste du territoire)
Exemple des Contrôles vétérinaires sur l’origine de la viande et des poissons :
Les professionnels sont tenus de respecter des normes que la population peut éviter simplement en faisant ses achats en partie hollandaise. Se fournir en viande origine France suppose un surcoût important (7€/kg pour viande fraîche arrivant par avion de France métropolitaine, contre 0.20 $/kg pour viande fraîche arrivant par bateau des USA) ainsi que l’obligation de passer par un mareyeur pour l’achat des langoustes et poissons frais.
Problématique des normes et règlements divers:
Le BTP est pénalisé par nombre de directives (accès handicapés, isolation, résistance sismique, gaz de refroidissement, accès piscine) accroissant le coût de l’investissement et de l’entretien pour l’ensemble des entreprises et des usagers.
Pénalisation de l’ensemble de la filière touristique déjà fragilisée par le taux de change défavorable Euro/dollar sur les marchés internationaux.
S’il faut se féliciter de l’intérêt que portent les pouvoirs publics au niveau de vie des travailleurs, à notre santé et à notre environnement, il serait souhaitable que l’Etat prenne en compte notre environnement pour nous permettre d’assumer ces prestations dont personne ne saurait contester le bien fondé.
A l’instar des subventions permettant le soutien de l’industrie bananière en Guadeloupe, il serait souhaitable de financer par l’aide publique plutôt que par l’épuisement par l’impôt, notre mono industrie touristique. La promesse que la secrétaire d’Etat, Madame M-L Penchard, fit en d’autres temps, sur la réalisation d’un audit pour établir la liste des dérogations à mettre en place est plus que jamais indispensable mais est restée sans suite à ce jour.
Une Collectivité qui n’est pas considérée comme les autres territoires de la République.
voir étude économique réalisée par l’association du BTP et disponible ici :
Conclusions
Après 7 ans de tentatives d’exercice de sa nouvelle autonomie et devant les écueils successifs, Saint-Martin a aujourd’hui la preuve d’avoir été lésée au regard de ce qui se passe dans les autres COM : pas de structure d’accompagnement des transferts de compétence, ni d’effacement de dettes à l’instar de ce qui se passe en Nouvelle-Calédonie ; pas de soutien financier comme en Guyane …
La venue d’une mission de l’IGA devrait représenter un signe d’avancée pour cette longue liste de dossiers en souffrance mais nous ne pouvons, par expérience aussi, manquer de nous interroger quant à sa pertinence, n’étant pas accompagnée de l’IGF en dépit de la nature comptable de la plupart des problématiques.
Après sept années passées à analyser, explorer, proposer, nous avouons accueillir cette énième consultation avec lassitude et peu d’espoirs. En nos qualités de socioprofessionnels, nous avons déjà renoncé à voir Saint-Martin redevenir la perle des Antilles qu’elle a pu être par le passé. La dynamique qui est pourtant la notre, et qui consiste à créer de l’emploi, ne peut plus être assumée tant nos entreprises font le dos rond pour survivre à cette période devenue aujourd’hui bien trop longue.
Si des réponses peuvent apparaître ou s’affirmer lors d’échéances électorales locales, il ne peut être envisagé d’attendre que 2017 fournisse de nouveaux espoirs si ceux-ci ne sont pas soutenus par des moyens justes et correspondant à ce que la Loi Organique édicte :