Saint-Martin. Le bilinguisme, un sujet éminemment politique
Il apparait clairement que ce sujet est largement politisé, la preuve en est, c’est bien l’Union pour la Démocratie qui a porté celui-ci le 23 octobre dernier à la tribune et qui le 07 novembre présentait une délibération au Conseil Territorial pour une application plus profonde du bilinguisme en milieu scolaire. En ce sens, l’Union pour la Démocratie, parti d’opposition à Saint-Martin, a souhaité s’approprier le sujet et s’y atteler. Localement, le bilinguisme cristallise bien des tensions, entre un mammouth éducation nationale qui joue volontiers la sourde oreille depuis la Guadeloupe, la minorité Saint-Martinoise qui ne parvient plus à “suffisamment” exister sur un territoire qui voit se développer moultes communautés et quelques irréductibles gaulois qui ne voient pas d’un bel œil cet apprentissage potentiel d’une langue étrangère alors que le français leur va si bien.
La défense de cette langue vernaculaire devient une évidente clef identitaire et trouve naturellement toute sa place dans le débat politique mais aussi dans les fondements de groupes plus “marqués” tel que “the St. Martin Nation Building and Unification Grassroots People” (voir “Saint-Martin. Des droits spécifiques réclamés pour les Saint-Martinois”). Cela ne remet pas pour autant en question la légitimité du groupe UD à porter le sujet, mais la présence du Dr Rhoda Arrindell à la tribune, ex-Ministre de la Culture et de l’éducation de Sint Maarten, confirme que c’est un sujet de lutte, un thème identitaire, un thème de combat d’une minorité qui refuse l’héritage imposé par un certain colonialisme. A la tribune, lors de son allocution le Dr Rhoda Arrindell précisera d’elle-même qu’il est ardu de rester focus sur le sujet sans que des digressions politiques ne s’imposent.
Véritable référence sur le sujet de la langue et surtout des langues créoles, le Dr Rhoda Arrindell marque bien cette thématique identitaire qu’est la reconnaissance et l’usage des langues locales. En effet, par son investissement sur plusieurs fronts, le Dr Rhoda Arrindell lutte pour la reconnaissance et la survivance de ces langues caribéennes finalement menacées par la mondialisation. C’est sans doute à ce titre qu’elle participera selon sa propre page Facebook à la “10 000 MAN MARCH FOR SAINT-MARTIN”.
A ceux qui ne seraient pas convaincus de l’existence de cette langue Saint-Martinoise qui ne vit pas de frontière entre le french Side et la partie Néerlendaise, voici un court extrait du recueil de poèmes contemporains et saint-martinois “Where I See The Sun” qui affirme cette langue vernaculaire et la fierté que de pouvoir la pratiquer :
These words in my mouth
I love them
I ain’ care wah you gawh say
These words in my mouth
I love them
I talking like this everyday.
Don’ come tell me is broken English
When you can understand well
Fine! I gohn leave it outside the classroom
A’leas until they ring the bell.
These words in my mouth
I love them
These words in my mouth is me
Te’een matter how much I hide it
These words are my identity.”
Enfin, la lecture de l’ouvrage de Robert Romney, second intervenant à la tribune, St Martin Talk achèvera de vous convaincre de l’existence de cette langue Saint-Martinoise. St Martin Talk est un recueil de mots, de phrases, d’expressions usitées à Saint-Martin et qui composent et donnent son identité à l’anglais “local”. Cet ouvrage pose les bases de la reconnaissance de la langue saint-martinoise et il serait intéressant et nécessaire si son enseignement devait être réalité que de poursuivre ces travaux et de définir précisément les contours de la langue saint-martinoise pour en obtenir sa reconnaissance.
Malheureusement, la volonté politique n’est pas suffisamment claire pour savoir si ce bilinguisme scolaire concerne l’enseignement d’un anglais académique ou celui de la langue saint-martinoise, participant alors dans ce deuxième cas à la sauvegarde d’une identité.
Un site référence en terme de productions caribéennes et quelques ouvrages références sur le sujet :