Saint-Martin. Quel bilinguisme souhaite-t-on vraiment ?
L’arlésienne du bilinguisme… Mais comment pourrait-il en être autrement ? Car il faudrait en effet que le politique commence par définir quelle est sa volonté, celle qu’il aurait puisé au cœur de la population, de la majorité des citoyens : souhaite-t-on à Saint-Martin un enseignement en milieu scolaire de la langue locale ou un enseignement de l’anglais ?
La préservation de la culture Saint-Martinoise est d’une criante actualité, il semble évident que sa survie passe par l’enseignement de la langue locale en milieu scolaire. Mais dès lors, cela nécessite une reconnaissance de cette langue par la République d’abord, par l’éducation nationale ensuite et… par l’Europe enfin !
Pour cela, il faut la définir et c’est un travail de linguistes. Si “St Martin Talk” de Robert Romney pose les premières pierres à l’édifice, il reste beaucoup à faire.
Durant la conférence organisée par l’Union pour la Démocratie le 23 octobre dernier, une question évidente, mais à tiroirs, a été posée à Monsieur Romney comme au député Daniel GIbbs : “Comment expliquer que le bilinguisme ne soit pas déjà une réalité scolaire alors que ce thème semble revenir inlassablement et depuis des décennies sur un territoire dont la classe politique est pourtant éminemment saint-martinoise ? Et comment ne pas avoir saisi les portes que propose l’Europe dans sa volonté de préserver les langues locales plutôt que de découvrir 7 ans après sa rédaction que la Loi Organique dispose offre aussi certaines possibilités bien plus étriquées ?”
La réponse de Robert Romney est sans appel : “C’est que les politiques jusqu’à ce jour et quelle que soit la gouvernance ont trop agi par intérêt personnel et par mercantilisme.” Le pavé est lancé. Avec une légère prise de hauteur et dans la mesure où la conférence est bel et bien provoquée par un groupe politique, on en serait à deux doigts de penser que l’inspecteur honoraire de l’académie de Guadeloupe entame par ces mots le début d’une carrière politique sous les couleurs de l’Union pour la Démocratie… l’avenir, plus ou moins proche, répondra à cette question.
La question de l’opportunité européenne ne trouvera pas de réponse et cela n’a rien de bien surprenant. Souvenons-nous que l’Europe est aussi un des sujets politiques qu’affectionne l’Union pour la démocratie et que sous couvert d’un débat sur le statut de Saint-Martin aux yeux de ce vaste espace (RUP ou PTOM), l’UD invite la population à prôner une certaine réforme et à opter à terme pour celui de Pays et Territoire d’Outremer. Oui mais… ce statut permet-il d’être éligible à la manne des subventions potentielles, et que Saint-Martin ne peut snober, qui permet aux alsaciens, aux bretons et autres de perpétuer leur langue tout en la faisant coexister avec le français ?
Concernant le choix d’un enseignement bilingue franco/anglais ou franco/saint-martinois, il semble que quelques éléments de réponse nous soient prochainement donnés dans le prochain ouvrage de Robert Romney : “From Saint-Martin talk… to standards english.” Et l’on entrevoit ici la logique d’un apprentissage de la langue locale comme tremplin vers un anglais plus oxfordien en préservant de surcroît une identité saint-martinoise par trop diluée aujourd’hui.
Enfin et nous n’y résistons pas, l’intervention de Dominique Aubert, Conseillère Territoriale de l’opposition, n’a pas manqué de mettre en valeur ses talents d’oratrice et si l’on sait la Conseillère rompue à l’exercice radiophonique, il y a néanmoins un côté “meneuse de troupes” chez Madame Aubert, côté dont on connait l’importance en période pré-électorale.
Au-delà de la réflexion générale, et puisque la proposition de délibération afférente portée par l’UD au dernier conseil territorial n’a pas été acceptée par la Présidente Hanson, il semble bien que le bilinguisme n’est pas prêt d’avancer de manière tangible et tiendra donc une bonne place dans les prochaines élections électorales.