L’autonomie fiscale en outre-mer s’étend de la création d’impôts aux modalités de leur administration. Elle permet aux six collectivités de fixer le niveau de leurs prélèvements fiscaux, dans le respect des règles d’équilibre budgétaire et des obligations liées à l’exercice des compétences étatiques qui leur ont été transférées.
Une fiscalité et des contextes atypiques
Les taux des prélèvements obligatoires sont inégaux mais significatifs, tout en restant inférieurs de 10 à 15 points à celui constaté en métropole (45 % en 2012). Si les taux sont faibles à Saint-Martin et Wallis-et-Futuna, ils sont sensiblement plus élevés dans les quatre autres collectivités (30 % et plus), notamment en Polynésie (36 %) et Nouvelle-Calédonie (31 %).
Cette fiscalité représente 80 % des recettes réelles de fonctionnement du budget des collectivités concernées. Le complément provient de l’État, sous forme de dotations de droit commun, de participations spécifiques et de mises à disposition gratuites de personnel. Celles-ci concernent notamment l’éducation en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française, où cette compétence a été transférée, mais sans qu’aient été encore transférés les personnels, de sorte que l’État continue à financer directement 90 % de la compétence.
Au total, les dotations budgétaires versées en 2011 par l’État ont représenté une participation de 422 M€ au financement des six collectivités. Mais, au-delà de ces dotations, l’effort global de l’État est plus important : en 2011, il représentait une contribution de 1,3 Md€ en Nouvelle-Calédonie, soit 18 % du PIB, et de 1,5 Md€ en Polynésie française, soit 34 % du PIB. Saint-Barthélemy et Wallis-et-Futuna mises à part, les quatre autres collectivités ne financent ainsi qu’entre 53 % et 65 % de leurs dépenses publiques.
Hormis Saint Barthélemy et la Nouvelle-Calédonie, les collectivités connaissent, à des degrés divers, une situation financière dégradée. La maîtrise insuffisante des charges de personnel ainsi qu’une trop grande sensibilité des recettes fiscales aux aléas de la conjoncture en sont généralement à l’origine. Le poids des charges de personnel a entraîné une forte croissance des dépenses de fonctionnement, particulièrement en Polynésie française.
Une fiscalité insuffisamment adaptée aux besoins des territoires
Les impôts indirects représentent, en moyenne pondérée, plus de la moitié des impositions. S’il n’y a quasiment pas d’imposition directe à Saint-Barthélemy (en raison d’une exonération d’impôt sur le revenu après cinq années de résidence) et à Wallis-et-Futuna, la fiscalité indirecte atteint 60 % en Polynésie et connaît un niveau plus équilibré en Nouvelle-Calédonie (52 %) et à Saint Pierre-et-Miquelon (55 %). Tous ces territoires ont conservé des droits de douane importants.
Dans les collectivités où elle existe, l’imposition des revenus des particuliers est très inégale, de même que l’imposition sur les sociétés. La patente et les droits de licence existent partout. L’imposition du patrimoine est généralement faible, en raison notamment des nombreuses exonérations instaurées, et les plus-values échappent largement à la taxation.
De manière générale, l’articulation entre les différentes fonctions de l’impôt est insuffisante. Le rendement fiscal notamment, fonction première de l’impôt, est réduit par de nombreuses dépenses fiscales décidées pour soutenir le développement économique. En Polynésie française, le dispositif local de défiscalisation a réduit les produits de l’impôt sur les bénéfices d’un tiers entre 2007 et 2011. En Nouvelle-Calédonie, des mesures analogues ont diminué de 25 % le rendement de l’impôt sur le revenu des personnes physiques. La fiscalité est peu mobilisée à des fins de redistribution et les nombreuses exonérations nuisent à la progressivité de l’impôt. Hormis à Saint-Pierre-et-Miquelon, la place des impôts progressifs est très réduite : seulement 11 % de la fiscalité totale en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie.
Enfin, la fiscalité locale est peu développée dans ces territoires et répond mal, particulièrement en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie, aux besoins de financement des communes et intercommunalités, notamment en matière d’investissement.
Les voies d’une fiscalité plus performante
L’alourdissement de la fiscalité ne suffira pas à faire face aux tensions budgétaires croissantes que ces collectivités connaissent, à l’exception de Saint-Barthélemy et de la Nouvelle-Calédonie. Une meilleure maîtrise de la dépense publique apparaît également nécessaire, parallèlement à une sollicitation fiscale plus performante.
Quel que soit leur mode d’organisation, l’insuffisance des moyens d’administration et de recouvrement de l’impôt est souvent pénalisante, du fait d’une évaluation déficiente des bases taxables, ou de cadastres et de fichiers immobiliers non actualisés. La complexité des règles ne favorise pas le civisme fiscal. Les obligations déclaratives, peu contrôlées, sont aussi peu respectées. Le rendement des contrôles fiscal et douanier pâtit également de la relative faiblesse des moyens qui leur sont consacrés.
En fonction des situations économiques locales, les systèmes fiscaux doivent évoluer pour devenir plus efficaces, moins dépendants des cycles économiques et plus équitables, en tenant compte du niveau de prélèvements obligatoires déjà atteint et des dépenses publiques à financer. La Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie, qui ont la charge des systèmes de protection sociale, sont particulièrement concernées par ce double impératif.
De manière générale, trois orientations sont suggérées aux autorités des six collectivités :
En outre, la Cour et les chambres territoriales des comptes formulent six recommandations portant sur l’assiette et le recouvrement de l’impôt, les dispositifs fiscaux et les statistiques économiques et fiscales.
L’intégralité du rapport est consultable sur le site de la Cour des Comptes, et disponible au téléchargement ici :