Saint-Martin. La République nous impose un temps que nous n’avons pas !
Et voilà une nouvelle étape à ajouter au parcours de cette évolution statutaire tronquée par une compensation des charges au titre des compétences transférées négatives : c’est officiel, le Conseil d’Etat ne s’estime pas compétent pour statuer sur le recours en annulation déposé par la Collectivité d’Outremer de Saint-Martin.
Juste pour mémoire et pour rire jaune tant l’administration finira par avoir notre peau, ci-après un petit rappel des évènements ayant eu lieu autour de cette compensation des charges :
– Juillet 2007 : nous héritons des compétences du Département et de la Région, de certaines compétences de l’état tout en conservant les compétences communales, le statut est là, les espoirs sont grands et nous n’avons aucun doute quant aux moyens qui nous seront concédés pour pouvoir assumer ces nouvelles compétences.
– Il aura d’abord fallu attendre gentiment la mise en place de la commission, mais la fleur au fusil, la première mandature n’a aucun doute quant à la bonne volonté de l’état, du département et de la région…
– Les conclusions de la commissions sont sans vergogne posées en notre défaveur, la Collectivité se retrouve débitrice annuellement d’un montant de 654 503€. Et oui, la Région/Département de la Guadeloupe, pilotée habillement à l’époque, n’a pas oublié de couper les financements vers Saint-Martin dès que nous avons affiché une volonté “d’indépendance” ! Au bilan, la commission statuant sur les chiffres de 2006, il restait bien peu de lignes à prendre en compte dans le transfert de charges liées aux compétences nouvelles. Manque de bol, la Collectivité s’est vu attribuer quelques “avances” sur des fonds que l’on pensait légitimement positifs…
– L’arrêté officialisant cette dette est publié le 22 mars 2011, près de 4 ans après l’évolution statutaire, une goutte d’eau dans la vie de la République, une éternité dans celle de notre embryon de Collectivité. Il s’agit maintenant d’organiser le remboursement du trop perçu et d’assumer la dette annuelle à venir.
– La Collectivité dépose une requête en nullité le 04 juillet 2011 auprès du Conseil d’état, trois mois après l’arrêté, un délai plus que raisonnable et conforme à l’urgence, et l’étoffe d’un mémoire le 04 octobre 2011.
– Depuis, les voix sont unanimes, politiques locaux, représentants de l’état, inspecteurs de missions stériles et socio-professionnels ne cessent de hurler pour certains, d’admettre pour d’autres que l’évolution statutaire à crédit n’est certainement pas une garantie de succès et de performance. Et nous voilà suspendus aux conclusions du Conseil d’Etat…
– 26 décembre 2013 : la bonne blague que l’on pressentait mais à laquelle on n’osait croire est officialisée, le Conseil d’Etat, deux ans et demi après la requête de la Collectivité, annonce avec un aplomb sans faille qu’il n’est pas compétent pour juger du dossier… et de renvoyer la requête vers le tribunal administratif de Paris. Alors, ou nous sommes simplement des abrutis en ayant déposé le bébé devant la porte de la mauvaise église ou nous prêchons comme à l’accoutumée dans le désert.
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Les conséquences de ce renvoi vers le TA de Paris sont assez simples et vont encore mettre en valeur la relativité des temps :
– le temps de l’énorme chose qu’est l’administration française qui est en tel décalage avec les urgences territoriales que certaines poules seront parvenues à avoir des dents avant d’avoir eu gain de cause
– le temps de la minuscule collectivité que nous sommes qui n’aura pas le loisir de grandir au rythme imposé par les urgences, devant attaquer de gros morceaux bien fibreux avec ses dents de lait.
Car le Tribunal Administratif de Paris le dit lui-même : “devant un tribunal administratif, le délai moyen qui sépare le dépôt d’une requête de son jugement est compris entre sept mois et deux ans et demi selon la nature et la difficulté des dossiers.” Face à cela et comme nous avons l’habitude d’être ultra-spécifiques, on peut raisonnablement penser que la complexité de notre dossier fera exploser le compteur des délais affichés. De plus, notre cas semble devenir la patate chaude dont on se débarrasse au plus vite pour ne pas se brûler : imaginez donc, une évolution statutaire rendue possible grâce à Jacques Chirac, concrétisée sous Sarkozy avec une compensation négative grâce au travail accompli par l’homme fort de la Guadeloupe qui nous avait coupé les robinets dès 2006 et des réclamations qui devraient être assumées par Hollande qui a fait de cet homme son Ministre de l’Outremer… bref, personne ne veut du dossier !
Une grève de la faim collective ? S’enchainer aux grilles de l’Elysée ? Quelle solution pour être écoutés ? Car à force de jouer les sourdes muettes, de gagner un temps dont nous ne disposons pas, c’est ici la grogne, la rancune face à une certaine duperie et l’amertume vis à vis de cette “mère patrie” qui ne parle même pas notre langue qui s’installent… quant au rattrapage infrastructurel promis, on ne voit même pas le bout du nez de la commission qui devait s’y pencher.