Saint-Martin. Démission du Sénateur FLEMING
Comme nous l’avions pressenti il y a déjà quelques mois au regard de certains propos et actions, le Sénateur Louis-Constant Fleming a annoncé aujourd’hui sa démission de son poste de Sénateur de la République au 31 décembre 2013, ainsi que la fin de sa carrière politique en termes de mandats électifs.
Nous reviendrons bien entendu plus longuement sur les origines et les conséquences de cette décision. Dans l’immédiat, nous vous livrons ci-dessous le discours prononcé par le premier parlementaire de Saint-Martin ce jour.
Mesdames, Messieurs, chers amis,
Laissez-moi tout d’abord vous remercier d’avoir répondu à mon invitation.
Fidèle à MES PRINCIPES je m’interroge toujours à propos de ces TROIS QUESTIONS fondamentales :
- – D’où venons-nous ?
- – Où en sommes-nous ?
- – Où allons-nous ?
Je ne peux donc pas aborder le présent et l’avenir sans commencer par faire brièvement référence au passé.
De 1904 à 1919, soit pendant 15 ans, mon grand-père maternel, Charles Daniel BEAUPERTHUY, est maire de Saint-Martin.
De 1919 à 1925, soit pendant 6 ans, mon grand-père paternel, Louis Emmanuel FLEMING, lui succède dans cette fonction. Mais, en 1925, il disparaît en mer au cours d’un cyclone.
Les circonstances tragiques de cette disparition méritent d’être rappelées tant elles témoignent du tempérament de mon grand-père. À l’époque, les liaisons entre Saint-Martin et la Guadeloupe s’effectuaient bien sûr exclusivement par bateau. Mon grand-père devait reconduire le Juge jusqu’à Basse-Terre et avait prévu de faire escale à St-Kitts. L’un de ses fils, âgé de 24 ans, l’accompagnait. Une fois parvenu à St-Kitts, il fut informé de l’éminence d’une tempête cyclonique. Il décida donc de rester à terre jusqu’à ce que la météo lui permette de reprendre la mer sans danger. Mais lorsqu’il voulut louer les chambres d’hôtel, le propriétaire lui accorda une chambre pour lui et son fils et refusa catégoriquement de donner une chambre au Juge au motif que celui-ci était un noir. Mon grand-père n’acceptait pas la ségrégation qui sévissait à cette époque. Il eut une altercation avec l’hôtelier et, furieux, décida de lever l’ancre en dépit de l’éminence de la tempête. On n’eut plus jamais aucune nouvelle ni de lui, ni de son fils, ni du Juge, ni des membres de l’équipage, tous perdus en mer, victimes du racisme.
En 1928, mon père, Louis-Constant FLEMING, devient à son tour maire de Saint-Martin. Il le demeurera jusqu’en 1949, soit pendant 21 ans.
En tant que leader politique local mon père nourrissait déjà une vision et un projet à long terme pour Saint-Martin. Il était convaincu que l’avenir de la partie française ne pouvait se jouer qu’en étroite coopération avec la partie hollandaise, ce qui exigeait beaucoup plus d’autonomie par rapport à la Guadeloupe et à la métropole. Mais, dans le contexte idéologique, politique et institutionnel de l’époque il était isolé et minoritaire. En 1946, à l’heure de la départementalisation, il n’eut donc pas d’autre choix que de se déclarer favorable à cette nouvelle relation de Saint Martin avec la France, via la Guadeloupe.
En 1948, il fut à l’initiative de la célébration du tricentenaire du Traité de Concordia, matérialisé par la construction et l’inauguration du monument à la frontière de Bellevue. En cette occasion, il a reçu la plus haute distinction de la part de la Reine des Pays-Bas. De son côté, la France distingua le Gouverneur Général de Curaçao.
Mon père décéda l’année suivante, le 30 janvier 1949, à l’âge de 51 ans, sans avoir pu mettre ses projets en œuvre. Je n’étais moi-même alors âgé que de 2 ans et 2 mois.
Son jeune demi-frère, Hugues Élie FLEMING, lui succéda à la mairie de 1949 à 1959. Élie FLEMING fut ensuite réélu de 1977 à 1983.
C’est dire que je suis issu d’une famille fortement engagée dans la vie politique locale depuis plus d’un siècle.
C’est à partir de 1949, au lendemain de la départementalisation, que les vrais problèmes vont commencer ici à se poser. Car Saint-Martin, qui n’a pas grand-chose de commun avec l’archipel guadeloupéen, va souffrir de la double tutelle métropolitaine et Guadeloupéenne et se trouver paralysée dans le double carcan de son statut de commune ordinaire et de « dépendance » de la Guadeloupe. C’était pourtant dès ces années qu’il aurait fallu mettre en place un statut particulier, parfaitement adapté aux singularités de la partie française de l’île et établir les conditions d’une coopération renforcée avec nos voisins de la partie néerlandaise.
À partir de 1963, l’État français entreprend de normaliser la situation juridique et administrative de la partie française, c’est-à-dire de soumettre la population à la législation métropolitaine, même lorsque celle-ci est notoirement inadaptée et sans tenir aucun compte des droits acquis par les saint-martinois au cours de l’histoire. Cette irruption brutale de la tutelle étatique, après des siècles d’abandon, va engendrer la confusion et accentuer les difficultés de la population.
En ce qui me concerne, j’ai commencé à m’intéresser à la politique, et plus particulièrement à l’avenir de Saint-Martin dès le début des années soixante-dix. Après avoir achevé mes études secondaires au Canada, à Montréal, puis mes études universitaires en métropole, à Montpellier, j’ai en effet commencé à réfléchir à la situation particulière de Saint-Martin et aux conditions de son développement en m’appuyant sur les réflexions et l’expérience de mon père, réflexions et expérience que ma mère a su me transmettre et me faire partager.
À partir de 1975 j’ai commencé à militer activement en faveur d’un statut particulier et, en 1976, à l’âge de 30 ans, je fus l’un des membres fondateur du RPR.
En 1977, je suis élu sur la liste conduite par Elie FLEMING. Je vais alors exercer le mandat d’adjoint au maire de 1977 à 1983. Je suis ensuite réélu en 1983 sur la liste de son successeur, Albert FLEMING.
De 1983 à 1989 j’occupe les fonctions de 1er adjoint et je dispose d’une délégation générale de tous les pouvoirs du maire. Ce statut va me permettre de dynamiser la politique municipale et de l’orienter dans de nouvelles directions qui ouvrent pour Saint-Martin une période d’essor et de prospérité économique. C’est notamment à cette époque, en 1985, que je fonde la Société d’Économie Mixte de Saint-Martin (la SEMSAMAR) dont je fus le premier président jusqu’en 1989.
En 1986 je suis élu conseiller régional de la Région Guadeloupe, mandat que je détiendrai jusqu’en 1992 et qui renforcera mes capacités d’action d’élu local.
Ma carrière politique ultérieure, vous la connaissez déjà mais je la rappelle brièvement. Je fus successivement :
- • Conseiller municipal d’opposition (tête de liste « Rassemblement des Saint-Martinois ») de 1989 à 1995 ;
- • Conseiller général de 1992 à 1998 ;
- • Conseiller municipal d’opposition (tête de liste USM) de 2001 à 2002 ;
- • Conseiller général de 2004 à 2007 ;
- • premier Président de la Collectivité d’outre-mer de Saint-Martin du 15 juillet 2007 au 25 juillet 2008 :
- • et enfin le premier Sénateur de la Collectivité d’outre-mer de Saint-Martin, mandat que j’exerce depuis le 21 septembre 2008.
Parallèlement à ces mandats électifs successifs ou consécutifs j’ai conduit depuis près de 40 ans de nombreux travaux personnels et initié de nombreuses études établissant la nécessité d’une réforme statutaire pour Saint-Martin. Au cours de ces années j’ai également initié et conduit l’essentiel des discussions et négociations avec les membres du Gouvernement et les représentants du Parlement à propos du projet de réforme statutaire. C’est en vertu de cet investissement personnel et de ces efforts qu’en 2007, les organisations socioprofessionnelles de Saint-Martin m’ont décerné le titre de « Père du nouveau statut », un titre dont je m’honore.
Par ailleurs, j’ai été président de la fédération territoriale UMP de Saint-Martin de 2008 à 2012.
Ainsi, prolongeant l’engagement de mes aïeux dans la vie publique depuis 1904, mon engagement personnel depuis 1975 jusqu’à ce jour fut une longue période de travaux et de combats politiques en faveur et au service de ma terre natale.
Mais les années passent et je suis aujourd’hui parvenu à un âge où se pose inéluctablement cette question : le temps n’est-il pas venu de mettre un terme à mes mandats électifs ?
Je viens tout juste de fêter mes 67 ans. C’est un âge où la plupart des gens ont pris ou vont prendre leur retraite. Mais décider de se retirer de la vie politique est moins évident. Quand et comment arrêter ?
Bon nombre de responsables politiques, y compris parmi les plus illustres, sont demeurés en activité jusqu’à leur mort.
Telle n’est pas mon intention. Et ce pour de multiples raisons.
D’une part, ceux qui, comme moi, ont dépassé le seuil des 65 ans savent que la condition physique commence alors à montrer des signes de faiblesse, même si les capacités intellectuelles conservent toute leur vivacité. La fatigabilité s’accroît. Certaines fonctions commencent à présenter des anomalies qui s’aggravent au fil des ans.
En ce qui me concerne, je souffre d’arthrose et les allers-retours à répétition entre Saint-Martin et la métropole me sont de plus en plus pénibles. Force est de constater que je ne remplis plus toutes les conditions physiques requises pour poursuivre un mandat qui exige de fréquents déplacements sur de longues distances.
J’en conclus en conséquence que le temps est venu d’y mettre un terme.
D’autre part, ma mère est désormais âgée de 97 ans. Son grand âge exige vigilance, soins et attention. Et c’est bien sûr à ses enfants qu’il appartient de veiller sur elle. Je souhaite donc me consacrer aux dernières années que ma mère peut encore espérer vivre. Mon devoir de fils est d’être auprès d’elle le plus souvent possible afin de lui offrir une fin de vie aussi paisible et heureuse que possible. Elle a toujours été présente pour moi, tout à la fois comme mère et comme père ; il est donc naturel que je sois maintenant présent à ses côtés.
À ces motifs de caractère très personnel s’ajoutent des considérations d’ordre politique.
D’abord, jusqu’ici mes mandats successifs ont pris fin pour des raisons extérieures à ma volonté, soit qu’ils fussent parvenus à leur terme légal, soit que la décision arbitraire d’une autorité supérieure y mette fin prématurément, comme ce fut le cas en juillet 2008 pour mon mandat de président de la COM. Pour une fois, en l’occurrence la dernière, je tiens à décider par moi-même de mon sort et à choisir l’heure et les conditions de ma sortie de mandat.
C’est pourquoi j’ai décidé de ne pas attendre le terme légal de mon mandat de sénateur, prévu en septembre 2014, pour y mettre fin.
À ce premier motif sont venues s’ajouter les contraintes imposées par la loi dite « de transparence de la vie publique » qui entrera en application le 1er février 2014.
Lorsque je fus élu Président de la COM et Président de la SEMSAMAR, j’ai déclaré la situation de mon patrimoine auprès de la Commission pour la Transparence Financière de la Vie Politique, tant au début qu’à la fin de mon mandat. Élu Sénateur en septembre 2008, j’ai de nouveau déclaré ma situation patrimoniale auprès de la même Commission. Et, au moment où je mets fin à mon mandat de sénateur, je vais bien entendu établir une nouvelle et énième déclaration de ma situation de patrimoine à ladite Commission. J’ai donc toujours scrupuleusement respecté la loi en vigueur et je continue de la respecter.
Mais, comme beaucoup d’autres sénateurs, je me suis opposé à la nouvelle loi adoptée le 11 octobre 2013. D’une part parce que cette loi n’a pas d’autre objet que de tenter de couvrir le scandale provoqué par l’affaire Cahuzac. D’autre part parce qu’il est inacceptable de changer, pendant leurs mandats en cours, les règles imposées aux parlementaires et, pire encore, de modifier ces règles huit mois avant la fin légale d’un mandat. Enfin, parce que j’estime ne pas avoir le droit d’exposer publiquement ma mère âgée de 97 ans, ni mes enfants et mes petits enfants, avec lesquels je partage des intérêts patrimoniaux.
Je respecte les règles démocratiques et républicaines, mais j’attends en retour que la République respecte ma vie privée, ma vie familiale et ma liberté.
Un troisième motif d’ordre politique, sans doute le plus déterminant, fonde ma décision. Il s’agit de l’évolution de la situation à Saint-Martin au cours de ces dernières années. Depuis 2008, j’ai de plus en plus le sentiment de poursuivre au Sénat des efforts désormais aussi vains qu’inutiles. À quoi bon en effet m’efforcer à Paris d’améliorer la loi statutaire de 2007 alors qu’ici, à Saint-Martin, les autorités locales de la COM se révèlent incapables d’exercer les nouvelles compétences conquises de haute lutte et s’accommodent de continuer à gérer tant bien que mal la collectivité comme une commune ordinaire ?
Dès juillet 2003, au moment où le document d’orientation préalable à la réforme statutaire était adopté par les élus saint-martinois, j’ai pris soin de formuler des recommandations précises et argumentées auprès du ministre de l’Outre-mer. J’ai notamment demandé que soit prévue une période transitoire de 10 ans, afin que le changement statutaire soit mis en œuvre progressivement. J’ai également demandé que l’État mette des cadres supérieurs à la disposition de la collectivité afin d’assister celle-ci dans la mise en place d’une nouvelle administration qu’exige l’exercice de nouvelles compétences. J’ai enfin demandé qu’un plan de formation des personnels territoriaux déjà employés par l’ancienne commune soit établi et mis en œuvre afin de renforcer les capacités d’expertise de l’administration territoriale et de former les agents à leurs nouvelles responsabilités.
Mes recommandations sont hélas demeurées lettres mortes et, dix ans plus tard, l’appareil administratif de la COM est toujours celui de l’ancienne commune, d’où son incapacité flagrante à maîtriser ses nouvelles missions.
Ensuite, dès mon entrée en fonction à la présidence de la COM en juillet 2007, je me suis employé à armer la collectivité en vue de l’exercice de ses nouvelles compétences, départementales, régionales et étatiques. J’ai commencé par la compétence fiscale parce qu’il est indispensable de garantir des recettes à la COM pour assurer son développement. Il s’agissait prioritairement de doter Saint-Martin d’un régime fiscal simple, clair, universel et adapté à ses réalités. C’est à cette tâche pressante que je me suis principalement consacré.
Hélas, ce travail, bien qu’urgent, n’a pu être réalisé que partiellement dès lors que mon mandat fut brutalement interrompu à l’issue d’une année d’exercice par une décision contestable du Conseil d’État au prétexte d’un défaut véniel de la gestion de mes comptes de campagne électorale. Certes, je n’avais pas ouvert de compte bancaire spécifique. Cette omission était toutefois sans conséquence puisque je finançais moi-même mes frais de campagne, sans aucun apport extérieur, et que mes comptes de campagne avaient été validés par la commission de contrôle. Mais certaines autorités métropolitaines, celles qui souhaitaient – et souhaitent toujours – l’échec du nouveau statut de Saint-Martin, ont trouvé là un fallacieux prétexte pour m’éloigner de la présidence de la collectivité.
Malheureusement mes successeurs à la tête de la COM n’ont pas jugé utile de poursuivre le travail entrepris et, à ce jour, aucune des nouvelles compétences de la collectivité n’est pleinement exercée, ce qui rend bien sûr la mutation statutaire inopérante. Du coup, cinq années se sont écoulées sans que rien ne change tandis que, bien au contraire, la situation socio-économique a inexorablement continué de se dégrader.
Depuis 2007 Saint-Martin dispose avec son nouveau statut d’un formidable outil de développement mais il semble que personne ne sache ou ne veuille s’en servir depuis 2008. Cette évolution me désole et j’assiste avec consternation à la poursuite de la gestion communale antérieure et au maintien de nombreux liens administratifs avec la Guadeloupe alors qu’ils auraient dû être progressivement rompus.
Étant à l’origine de la réforme statutaire et en étant l’un des principaux architectes j’avais bien sûr en tête une vision à moyen et long terme et des projets précis pour Saint-Martin. Mais je ne pouvais mettre ces projets en œuvre que depuis la présidence de la COM. D’autant qu’une fois privé de cette présidence – et bien que sénateur de Saint-Martin – je n’ai même plus été associé au fonctionnement de la collectivité, n’étant plus invité par mes successeurs qu’aux cérémonies publiques nationales et aux dépôts de gerbes !
Ni la population, ni le Conseil territorial, ni l’Exécutif ne semblent plus prêter attention aux efforts que je déploie pour défendre les intérêts de Saint-Martin. J’en veux pour preuve l’indifférence quasi générale avec laquelle fut accueillie ma lettre en réplique au rapport définitif de la Chambre Territoriale des Comptes. J’ai pourtant pris soin de publier cette lettre en avril 2013 et la solide argumentation que j’y développais pouvait être utile à l’Exécutif territorial pour construire sa propre réponse.
Le sentiment de l’inutilité de la poursuite de mes travaux parlementaires se conjugue aux motifs personnels et politiques évoqués plus avant et après avoir mûrement réfléchi, j’ai donc finalement décidé de mettre un terme à mon mandat de sénateur à compter du 31 décembre 2013 à minuit.
Cette décision étant prise je ne regrette rien du temps, ni de l’énergie, ni de l’argent que j’ai consacré à Saint-Martin depuis près de 40 ans.
De nos jours, à cause de la malhonnêteté de quelques élus ou ministres sans scrupule, la suspicion d’enrichissement personnel plane sur l’ensemble des responsables politiques. En ce qui me concerne, non seulement mes activités politiques ne m’ont jamais enrichi mais elles ont consommé une partie importante de mon patrimoine. De 1977, date de mon premier mandat, jusqu’à 2008 j’ai dépensé des millions de francs, d’euros et de dollars en frais de voyages aériens, de déplacements, d’hébergement et de restauration. À quoi s’ajoutent les frais considérables de recherches, d’études et d’expertise, toujours financés par mes soins, sans la moindre aide extérieure. C’est pourquoi d’ailleurs la décision prise à mon égard par le Conseil d’État en juillet 2008 me paraît particulièrement infondée et inique. Ça n’est que depuis le début de mon mandat de sénateur, en septembre 2008, que je perçois une indemnité de fonction de parlementaire, indemnité que je n’ai au demeurant jamais utilisée complètement, ce qui, je le souligne au passage, me place parmi les sénateurs les moins coûteux de la République !
Si je ne regrette rien c’est aussi qu’au fil de mon combat les succès furent plus nombreux que les échecs ; c’est qu’en dépit des difficultés, en dépit des obstacles de toute nature, en dépit des épreuves qui me furent parfois infligées, j’ai la conviction d’avoir placé Saint-Martin sur les rails de l’avenir, même si tant de choses restent encore à accomplir.
À plusieurs reprises la population saint-martinoise m’a manifesté son estime en me confiant des mandats électifs et je lui en suis reconnaissant. Je VOUS en suis reconnaissant. En juillet 2007, le nouveau Conseil territorial, à peine installé, m’a fait l’honneur de me désigner à l’unanimité pour exercer, pour la première fois, les fonctions de Président de Saint-Martin. Quelques mois plus tard le Conseil territorial m’élisait Sénateur de Saint-Martin. Pour la première fois de son histoire, notre collectivité était représentée au Parlement de la République française et j’étais ce premier représentant.
De tels événements comptent dans la vie d’un homme.
En tout cas, j’ai aujourd’hui la conviction et la satisfaction d’avoir travaillé pour Saint Martin.
J’ai donc décidé de m’arrêter mais je sais ne pas avoir combattu en vain. C’est pourquoi je me retire sans regrets ni amertume, tout simplement parce que je crois que c’est maintenant au tour d’hommes et de femmes plus jeunes que moi de reprendre le flambeau et de poursuivre le combat pour Saint-Martin. Et je ne doute pas que la jeune génération saura prendre la relève.
C’est la dernière fois que je m’adresse à vous, mes chers concitoyens, en qualité de détenteur d’un mandat électif. Et je saisis cette occasion pour lancer un ultime appel. Je vous appelle solennellement à la mobilisation civique, à la vigilance et, surtout, à l’unité. CAR L’UNITÉ DES FORCES VIVES DE SAINT-MARTIN EST UNE CONDITION CAPITALE DU REDRESSEMENT.
Il est essentiel de préserver les acquis de 2007-2008 et de ne pas laisser la métropole reprendre le contrôle total de Saint-Martin, ni directement, ni via la Guadeloupe. C’est pourtant le plus grand danger qui nous menace au moment où il est question de « renégocier » la loi statutaire. Ce dont nous avons besoin, c’est nullement d’une « renégociation » de la loi mais de sa mise en œuvre complète, avec l’appui loyal et efficace de l’État, ce dont nous sommes encore bien loin. Ce dont nous avons besoin c’est d’une COM rénovée, dynamique, offensive, capable de mettre en œuvre l’ensemble de ses nouvelles compétences et de conduire le développement avec détermination et autorité. Tout cela ne pourra pas s’accomplir sans unité.
Je me retire aujourd’hui en désirant toujours pour Saint-Martin ce pourquoi je me suis battu durant quatre décennies :
- • le droit de notre collectivité à être reconnue dans toute sa personnalité géographique, historique, culturelle et sociale ;
- • le droit à la reconnaissance et au respect de notre singularité ;
- • le droit à notre autonomie pleine et entière ;
- • le droit de tous les saint-martinois au succès et au bien-être.
À ceux et celles qui poursuivront le combat en vue de la réalisation de ces objectifs, je souhaite bon vent, bon courage et bonne chance.
Je demeure évidemment à leur disposition pour le cas où ils jugeraient opportun de profiter de mon savoir, de ma mémoire et de mon expérience. Ma porte leur sera toujours ouverte.
Et j’espère de tout cœur pouvoir vieillir en assistant à l’accomplissement de mes vœux les plus chers pour Saint-Martin : son autonomie et sa prospérité.
VIVE SAINT-MARTIN !
Louis-Constant FLEMING